• Si loin, si près

    Hier on m’a fêté mon anniversaire, d’un peu partout dans le monde, parents, amis de longue date ou découverts plus récemment, car chaque année l’amitié s’élargit un peu plus et déborde, et j’ai passé presque toute la journée à essayer de répondre à cette avalanche de réciprocité qui m’envahissait de toutes parts. Et ce simple article qui va jaillir maintenant de mon cœur est surtout pour remercier chacun et chacune de toutes ces marques d’affection, qu’on attend un peu, mais qui sont tout de même une si belle surprise…

    Mais voilà, l’originalité de cette année c’est que, pour la première fois de ma vie, j’étais pratiquement seul à fêter mon anniversaire, avec deux amis confinés comme moi dans un appartement de Lyon à cause du coronavirus. Dans un cas pareil, au Liban et dans tout le Moyen Orient, quand on a vécu pour une période éloignés les uns des autres pour un voyage, une absence, une maladie, on dit à la personne qu’on aime : « Chta’tellak ! » ou « Chta’tellik », ce qui veut dire : « Tu m’as manqué, tu m’as beaucoup manqué, tu me manques… » Les Libanais et tous les Moyen-orientaux sont très affectueux, ils vous comblent toujours d’expressions de ce genre, qui font sentir à l’autre qu’il est vraiment important dans notre vie…

    Eh bien, je voudrais dire à tous ces amis qui se sont ainsi exprimés, que je les remercie beaucoup pour toutes ces expressions d’amitié qui me sont parvenues comme une symphonie colorée et parfumée, mais que j’ai fait à ce propos, pendant ces deux mois de confinement en France, une expérience nouvelle qui m’a vraiment surpris.

    Vous savez, c’est comme cette parabole de l’Evangile dans laquelle Jésus compare le Royaume des cieux à cet homme qui a semé une semence dans son champ et, qu’il veille ou qu’il dorme, désormais la semence pousse toute seule pour toujours. J’ai compris que si l’amitié ou l’amour que nous portons dans le cœur sont vrais comme la semence de l’Evangile, rien ne pourra plus jamais les empêcher de pousser. Alors, c’est vrai que de temps en temps, on sent une petite nostalgie de se trouver un peu loin des gens qu’on aime, mais la réalité c’est que cette petite souffrance augmente l’amitié et l’amour dans notre esprit et dans notre cœur.

    Et c’est là qu’on découvre si vraiment cette amitié était vraie et profonde, ou un simple hasard de rencontre qui nous a occupés une période et qu’on oublie dès qu’on est loin. Comme ce proverbe que je trouve assez horrible qui dit : « Loin des yeux, loin du cœur. » Dans mon confinement forcé, avec des heures et des heures pour penser à tellement de personnes que j’ai quittées et qui m’attendent et que j’attends, j’ai fait en moi une sorte d’examen de conscience de mes amitiés et j’ai découvert que désormais tout ce qui m’arrive depuis quelques années ne fait que renforcer ce bonheur de s’être connus et de partager ensemble l’aventure de la vie en ce monde.

    Comme la semence de l’Evangile continue à pousser que l’on veille ou que l’on dorme, la semence de l’amitié continue à germer et exploser de toutes parts que nous soyons ensemble ou que nous soyons éloignés les uns des autres. Que les circonstances de la vie soient bonnes ou difficiles, que nos amis passent des moments de joie ou de tristesse. Car si mon ami est heureux, ça me comble de bonheur, mais s’il souffre ça me fait tellement souffrir moi aussi que notre amour grandit plus encore. Et même si parfois l’amitié passe par des petits moments de malentendus ou de maladresses réciproques, la semence est tellement forte qu’on va bien vite dépasser cette épreuve.

    Mais tout cela bien sûr à une condition, c’est que l’amitié et l’amour soient dès le départ dans la réciprocité, que chacun vive pour faire respirer l’autre et le libérer, l’aider à devenir lui-même et à trouver son propre bonheur qui rejaillira bien vite sur nous. Et à ce moment-là, ce n’est plus tellement vrai que mon ami que j’ai quitté il y a quelques mois m’a vraiment manqué. Parce qu’en fait, l’ami d’il y a quelques mois a changé entre temps, comme moi-même j’ai changé. Inutile de rechercher toujours à revenir sur un passé qui n’existera jamais plus. Mais jetons-nous ensemble dans l’arbre de l’amitié d’aujourd’hui qui a encore grandi et qui nous surprendra toujours… si nous le laissons pousser !

     


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