• « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » (8,34) (cf. Lc 9,23 : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. » et Mt 16,24 : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »)

    On ne peut évidemment pas imaginer de déclaration qui aille plus à contre-courant de la mentalité ordinaire. Cette petite phrase est de la même dimension que tout le sermon des béatitudes. Elle révolutionne complètement notre vie. Elle est d’une logique qui nous échappe au départ et qu’on ne pourra comprendre qu’en la mettant en pratique. Ce qu’il y a d’extraordinaire dans l’Evangile, c’est qu’on peut toujours essayer de le mettre en pratique et qu’on peut donc vérifier si ce que Jésus nous dit est vrai ou non. Et heureusement que nous avons devant nous des témoins de l’Evangile qui nous ont frayé le chemin et qui sont parvenus au but par cette méthode apparemment si étrange, preuve que la révolution de l’Evangile n’est pas une utopie.

    Mais je voudrais faire ici une considération à laquelle on oublie en général de penser, quand on lit cette fameuse déclaration de Jésus. Si on prenait cette phrase à la lettre, elle serait absolument impossible à vivre. Car Dieu nous demande d’un côté de nous arrêter (renoncer à soi-même) et de porter notre croix (qui devrait normalement nous écraser complètement de son poids, si c’est une vraie croix) et il nous demande de marcher à sa suite, de le suivre. Comment faire ? C’est qu’en réalité Jésus nous demande seulement de faire le premier pas vers lui, d’avoir l’intention de porter notre croix et en même temps la sienne. Mais la vérité, c’est que lui-même va porter tout de suite cette croix avec nous et nous allons la trouver soudain si légère que vraiment nous pourrons le suivre. Là est le secret de son amour. Renoncer à nous-mêmes pas pour nous arrêter de faire ou de vivre ce que nous faisons et ce que nous vivons, mais pour tout orienter vers lui. Car c’est en nous repliant sur nous-mêmes que nous risquons en fait de nous arrêter au lieu de le suivre. Et c’est en refusant notre croix que nous allons perdre notre chemin et ne plus savoir où trouver la route qui nous mène à lui.

     

     


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  • « ‘Pour vous qui suis-je ?’ Pierre prend la parole et répond : ‘Tu es le Messie.’ » (Mc 8,29) (cf. Lc 9,20 : « ‘Pour vous qui suis-je ?’ Pierre prit la parole et répondit : ‘Le Messie de Dieu’. »)

    S’il est vrai que souvent nous ne comprenons pas grand-chose, comme les apôtres, il est vrai aussi que, si nous voulons suivre Jésus, il est certaines réalités de base qui doivent être tout de même claires pour nous. La première c’est qu’avant toutes les actions, toutes les apparences, ce qui compte le plus c’est l’être de Dieu lui-même et l’être que Dieu a donné à chacun de nous. Jésus ne peut pas continuer sa mission tant que les apôtres n’ont pas compris au moins un peu qui « Il est ». Et Jésus est Dieu justement, Celui qui « est », ce Yahvé qui s’est révélé à l’homme le jour où il leur a dit son véritable nom : « Je suis Celui qui suis. » Le Messie est l’envoyé de Celui qui est, car il « est » lui-même comme Celui qui l’envoie. Cela devrait nous faire réfléchir et nous interroger tout au long de notre vie, tout au long de nos journées de travail et d’action. Tout peut être utile et important, à condition que nous n’oubliions jamais d’ « être » nous aussi et de laisser cet « être » suivre en nous son cours pour donner justement à notre travail et à notre action son véritable sens, au risque, sinon, d’être simplement comme des feuilles mortes agitées par le vent qui croient faire quelque chose car elles bougent, mais qui ont perdu pour toujours la possibilité de pouvoir ou de vouloir, de chercher ou de trouver, car elles ne sont plus branchées sur la vie de l’ « être » qui leur donne la sève pour aller de l’avant.

    « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » (Mt 16,16)

    Ça y est, Pierre a compris ! A vrai dire si vous vous souvenez bien du chapitre 8, verset 29, les esprits démoniaques avaient déjà crié : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu pour nous faire souffrir avant le moment fixé ? » Histoire de nous rappeler en passant que tout connaître de Dieu ne sert à rien si on n’aime pas…

    Mais Pierre est le premier disciple qui comprend finalement qui est Jésus, parce qu’il l’aime. Et cet amour va le suivre toute sa vie, comme une fierté et un remord terrible en même temps quand il va renier Jésus. Mais ici, c’est le premier fruit de l’amour de Dieu en l’homme : quand nous aimons Dieu, voilà que tout à coup tout commence à s’illuminer, les morceaux en désordre de la mosaïque de notre vie se mettent enfin en harmonie et tout devient plus clair.

    C’est que Pierre a commencé à pénétrer en Dieu, il n’est plus seulement en face de lui à le regarder et à l’admirer, à s’émerveiller de ses miracles, il est entré dans son mystère. Il vient de comprendre que non seulement Jésus est le Messie, l’envoyé de Dieu que tout un peuple et toute l’humanité en lui attendaient depuis des siècles, mais il est de la famille de Dieu. Dieu n’est pas une force toute puissante et impersonnelle, Dieu est une famille de personnes qui s’aiment et qui nous aiment, et qui a envoyé le Fils sur la terre pour partager le sort de l’humanité en recherche. Cela doit donner le vertige à Pierre si on s’arrête un peu à penser. Tous les concepts de la religion qu’on lui avait enseignés depuis son enfance sont en train d’être complètement révolutionnés. Comment a-t-il l’audace et le courage de faire une telle déclaration publique, même si c’est encore seulement devant les autres disciples ? C’est pour une telle déclaration que Jésus va bientôt être mis à mort.

    Pour nous qui avons appris cette phrase par cœur au catéchisme quand nous étions petits, rien de bien nouveau bien sûr. Mais c’est là que va commencer notre vie à la suite du Christ, le jour où cette phrase connue devient une réalité qui bouleverse tout en nous et non plus seulement une notion théorique. Il faut demander à Dieu la grâce de laisser pénétrer son Fils dans notre vie de telle façon que tout va changer pour toujours sans plus jamais revenir en arrière. C’est cela le début de notre chemin vers Lui. Il n’est pas nécessaire de tomber de cheval comme Saint Paul pour en arriver là. Chacun fait cette découverte à sa façon, peut-être à travers un évènement, une rencontre, ou bien peu à peu comme une évidence qui se fait chaque jour plus claire en nous. Mais si nous sommes entrés dans le mystère de la relation d’amour qui règne au cœur de Dieu, notre vie ne pourra plus jamais être comme avant…

     

     

     


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  • « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. » (Mc 6,10) (cf. Lc 9,4 : « Si vous trouvez l’hospitalité dans une maison, restez-y ; c’est de là que vous repartirez. » et Mt 10,11 : « Dans chaque ville ou village où vous entrerez, informez-vous pour savoir qui est digne de vous accueillir et restez chez lui jusqu’à votre départ. »)

    L’hospitalité ! N’est-ce pas justement la plus belle façon d’accueillir l’autre, parent ou étranger, qui se présente à nous, qui nous demande de lui ouvrir au moins pour un moment notre porte ou notre cœur ? Nous sommes de nouveau en plein dans notre aventure d’accueillir et de donner.

    Mais là, soyons attentifs : c’est Dieu lui-même à travers les apôtres qui vient frapper chez nous. Si nous savons l’accueillir vraiment, voilà que Jésus nous dit qu’il va « rester », qu’il va « demeurer » chez nous. Dieu est fidèle : il nous laisse libres de l’accueillir ou non, mais une fois que nous lui avons ouvert véritablement notre porte, il ne va plus nous abandonner. N’est-ce pas là une consolation extraordinaire ? Dieu ne va plus mettre de conditions. Il se peut qu’aujourd’hui, je sois fatigué, je n’aie plus le courage d’aimer, je traite mal mes frères, Dieu ne va pas regarder à tout cela, il connaît ma bonne intention initiale, il va rester chez moi patiemment jusqu’à ce que je reprenne mes esprits. Il suffira de recommencer et tout continuera comme à l’instant où j’ai dit oui pour la première fois. Il n’y a pas de punition avec Dieu, pas de commerce dans le sens qu’il me donne si moi je donne. Non, Dieu donne toujours car il sait qu’au fond de moi je le désire de tout mon cœur, malgré mes moments de faiblesse.

    Reste à voir si, nous aussi, nous voulons traiter les autres comme Dieu nous traite. Si quelqu’un nous a ouvert toute grande sa porte il y a quelques jours et qu’aujourd’hui il semble avoir changé d’attitude, serons-nous capables de continuer à l’aimer sans rien attendre, sans rien prétendre, comme Dieu le fait ? Car le véritable amour est de se mettre d’accord avec cette présence de Dieu dans notre frère que nous avons un instant découverte, et ensuite de ne plus jamais lâcher cette présence, quelles que soient les apparences...

     


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  • « Ma fille, ta foi t’a sauvée, va en paix. » (Lc 8,48)

    Il y a quelque chose qui me frappe dans cette phrase de Luc, surtout si on la compare à celle de l’Evangile de Marc qui nous raconte ce même épisode de la guérison de l’hémorroïsse, où Jésus dit pour finir à cette heureuse femme : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. » (Mc 5, 34)

    Nous nous souvenons de cette réflexion qui s’est imposée à notre esprit au fur et à mesure des miracles de Jésus : c’est que le plus grand miracle n’est pas la guérison en elle-même, mais le fait qu’en cette occasion Jésus fait entrer le malade et nous tous avec lui dans la dynamique de l’amour trinitaire qui règne au paradis entre le Père, le Fils et l’Esprit. Jésus profite chaque fois de ses actions miraculeuses pour élever son interlocuteur au même niveau que lui, en lui montrant qu’il est devenu tout à coup son frère ou sa sœur à tous les effets et que ce miracle véritable ne s’arrêtera plus pour l’éternité. Le miraculé retombera malade un jour ou l’autre et finira par mourir comme tout le monde, mais il fera partie pour toujours de la famille des amis de Dieu.

    Alors on comprend mieux tout à coup pourquoi Luc ne fait même pas dire à Jésus : « Sois guérie de ton mal. », mais simplement « Ta foi t’a sauvée, va en paix. » Car c’est cela l’aspect le plus important du miracle qui vient de se produire devant nos yeux. Cette pauvre femme malade depuis des années qui se trainait, désespérée, de médecin en médecin sans aucun résultat, voilà qu’elle est devenue cette heureuse femme qui non seulement est guérie, mais qui est entrée pour toujours dans la paix de Dieu.

    Tout peut nous arriver dans la vie, les joies et les douleurs que nous expérimentons chaque jour le long de notre cheminement sur la terre, mais tout change si nous sommes remplis ou non de la paix de Dieu. Je peux me trouver sur le chemin de la mort qui approche, mais avec la paix dans le cœur. Je peux vivre une situation de souffrance extrême pour moi-même, pour ceux que j’aime, pour ma famille, pour mon pays, pour l’humanité entière, mais cela change tout si je suis, moi aussi, angoissé comme tout le monde, ou si, au cœur même de mon angoisse, c’est la paix de Dieu qui m’envahit et me donne le courage d’en témoigner devant tout le monde et de devenir jusqu’à la fin de mes jours sur cette terre apôtre de l’espérance. Tout est là. Tout est dit. Nous n’avons plus qu’à aimer Dieu et nous aimer les uns les autres de tout notre cœur et le reste suivra…

     


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  • « Où est donc votre foi ? » (Lc 8, 25)

    Elle est extraordinaire, cette petite question toute simple ! Et en fait, si nous savons écouter Jésus et l’accueillir de tout notre esprit et de tout notre cœur, de tout notre amour, la réponse aussi qu’il nous suggère va être toute simple…

    Eh bien, oui, elle est là notre foi ! D’abord, c’est sans doute important de souligner ce détail qui n’est pas un détail, c’est qu’il s’agit de « notre » foi. Nous ne parviendrons jamais à la foi tout seuls, égoïstement, comme un produit de consommation que nous cherchons pour nous rassurer au milieu des épreuves de la vie. Cette foi-là, que nous essayons de posséder comme une assurance contre les risques, nous allons toujours la perdre un jour ou l’autre et alors nous serons désespérés, comme les apôtres : « Maître, maître ! Nous sommes perdus ! »

    Et puis, pour accueillir la foi, il faut sortir de soi. Nous ne trouverons jamais la foi en nous regardant et en nous refermant sur nous-mêmes, ce serait la meilleure façon de penser que la foi n’était qu’une pauvre illusion, un mensonge, une tromperie. C’est notre moi qui est une tromperie. Tout l’Evangile nous invite à chaque pas à aimer, c’est-à-dire à plonger dans ce « toi » de l’autre ou ce « Toi » de Dieu qui nous attend et qui nous tend la main.

    La foi n’est pas un dépôt d’assurances que nous nous sommes construit avec le temps et qui ne va pas résister à la première épreuve qui nous tombe dessus. Elle n’est pas un raisonnement intellectuel que nous nous faisons artificiellement, ni un ensemble de connaissances qui nous permet d’être forts dans l’adversité. Non, la foi c’est cet amour qui me pousse à donner ma vie à Dieu et aux personnes que j’aime et c’est la surprise de découvrir tout à coup, comme par ricochet, que la foi est là, avec la paix de Dieu qui nous tranquillise immédiatement.

    La foi, c’est l’amour d’Elisabeth qui accueille Marie de tout son cœur et qui lui fait chanter son Magnificat au moment où elle s’y attendait le moins. La foi est là mais nous ne devons pas la chercher pour nous-mêmes comme une possession. Nous sommes seulement appelés à aimer toute la journée, quoi qu’il arrive, dans la joie comme dans la douleur, et alors la foi se révèle chaque fois comme une belle surprise, comme un cadeau du Bon Dieu qui continue à nous répéter : « Ne crains pas, je suis là, c’est moi la foi dont tu as besoin, aime seulement et jamais je ne t’abandonnerai… »

     


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