• Sélection de la semaine (10)

    Je vous propose de revenir cette semaine sur la rubrique « Perles de la Parole ». Je sais que les articles de cette rubrique sont trop longs pour les lecteurs d’un blog. Ceux qui ont pourtant eu le courage de s’y plonger un peu en sont ressortis très contents et désireux de poursuivre l’aventure. Car il s’agit justement de l’aventure de relire l’Evangile à la lumière de ces 4 mots-clés que sont « être, accueillir, donner ou refuser ». Curieux départ ? Essayez et vous me direz ce que vous en pensez, commencez au moins par ce bref article sur le chapitre 1 de l’Evangile de Marc et allez chercher dans le blog la suite, ces « perles de la Parole » qui m’ont changé la vie depuis que je m’y suis lancé. Pourquoi ne vous feraient-elles pas autant de bien qu’à moi ?

    Bonne lecture !

     

    L’EVANGILE  SELON SAINT MARC 

     

     

    Avant propos 

    Chacun des quatre Evangiles est tellement riche qu’on pourrait tourner en rond à écrire à leur sujet des milliers de pages sans nécessairement avoir véritablement compris l’essence de leur message. 

     Il fallait donc choisir et se limiter à quelques aspects particulièrement marquants, sans vouloir tout dire. 

    Je propose de reprendre ici l’Evangile de Marc, à la lumière de ce que j’appelle la vision des quatre verbes. 

    C’est une clé de lecture, c’est ma clé de lecture, évidemment bien personnelle. Je ne suis pas un spécialiste de l’exégèse, mais cela fait des années que je suis tombé amoureux de ces Evangiles et que j’y ai trouvé mes clés de lecture : lecture de l’Evangile, mais surtout, à travers elle, lecture de ma vie, lecture de la vie de l’homme et de la vie de Dieu en nous. 

     Je ne demande donc pas à mon ami lecteur d’approuver tout ce que je vais lui dire ; on pourrait certainement discuter et approfondir à l’infini. Je lui propose simplement de partager avec moi un moment de mon cheminement : c’est toujours plus beau de cheminer ensemble. 

     Et en même temps j’aimerais que cette clé de lecture que j’ai trouvée ou inventée soit pour mon lecteur une provocation : qu’elle le pousse à chercher à son tour sa propre clé de lecture qu’il pourra partager lui aussi avec ses compagnons de route. 

    C’est ainsi que la « Bonne Nouvelle » continuera en nous à illuminer l’humanité dans son « Saint Voyage » sur cette terre. 

    Et cette « vision des quatre verbes » que veut-elle dire au juste ? Nous le découvrirons au fur et à mesure. C’est une tentative de résumer toute notre vie en quatre petits mots : être, accueillir, donner et refuser. C’est comme un jeu qui m’a rendu depuis quelque temps la vie plus simple et plus lumineuse. Mais...il est peut-être temps de commencer ! 

     

    CHAPITRE 1 

      

    Mais qui sont d’abord les personnages de ce premier chapitre ? Jésus-Christ, bien sûr (il s’agit du  « commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, le Fils de Dieu », appelé aussi le Seigneur, mais toute la Trinité est déjà présente (l’Esprit et la voix de Dieu le Père) avec les anges, Satan et les esprits mauvais. On fait connaissance avec Jean-Baptiste et les premiers disciples, Simon, André, Jacques et Jean avec leur entourage : le père de Jacques et Jean avec ses ouvriers, et la belle-mère de Simon. Et puis il y a la foule des anonymes, « toute la Judée, tout Jérusalem », « la ville entière de Capharnaüm », « toute la Galilée », « tous », et parmi la foule ceux qui ont le plus besoin d’aide, « un homme tourmenté par un esprit mauvais », des « malades », « ceux qui étaient possédés » et enfin un « lépreux ». Et puis il ne faut pas oublier le lecteur, chacun d’entre nous, à qui l’Evangile s’adresse, directement ou indirectement. 

    Dès les premières lignes de Marc, nous entrons déjà dans l’ «être », ou plutôt nous voyons l’être entrer dans l’histoire. Mais cet être n’est pas impersonnel, anonyme, monolithique. Il est fait de trois personnes tout de suite bien distinctes et qui ont entre elles un rapport absolument dynamique. Timidement nous allons entrer dans ce rapport et c’est une révolution totale pour l’humanité. Quand on pense que, quelques lignes plus haut, Jean le Baptiste disait encore : « Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. » Il ne se sentait même pas digne de l’attitude la plus humble qu’on puisse imaginer. Dieu, l’Etre dont l’Ancien Testament n’osait pas même prononcer le nom, était trop inaccessible, le rapport avec lui était pratiquement impossible, au moins directement. Et voici que le ciel  se déchire et on voit « l’Esprit descendre sur Jésus comme une colombe ». Mais c’est Jésus seul qui le voit dans un premier moment et pourtant « du ciel une voix se fit entendre : ‘C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour’. » Et cette fois-ci Marc ne nous dit pas que seul Jésus a entendu la voix, non, elle s’adresse directement à nous. Dieu, l’Etre, dévoile son secret pour la première fois dans l’histoire de l’homme. Et son secret c’est qu’au cœur de l’Etre se trouve une relation d’amour entre trois personnes. Si la dignité de l’homme est justement de pouvoir accueillir cet « être » et même de pouvoir le donner à son tour, il comprend pour la première fois qu’en Dieu lui-même se trouvent des personnes qui se donnent et qui s’accueillent à tour de rôle, avant même de se donner à nous et de nous faire partager leur « être » étonnamment vivant.   

    Ce qui a provoqué cet évènement grandiose, c’est le fait que Jésus soit venu se faire baptiser par Jean-Baptiste. Baptiser cela veut dire plonger, faire entrer, immerger (aspect extérieur et symbolique) et cela veut dire surtout transformer, laisser pénétrer dans une vie nouvelle (aspect intérieur à la fois humain et divin). Alors que Jean ne se sentait même pas digne de servir le « Seigneur » (« Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi ») il a dû se laisser faire, il a dû participer à cet abaissement scandaleux d’un Dieu qui s’offre comme pour être transformé, alors que c’est Lui qui est venu pour nous transformer. 

    A partir de là commence vraiment l’histoire de l’humanité. « Les temps sont accomplis : le  règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » C’est Jésus qui le dit. Et Jésus va se donner maintenant sans répit pendant toute sa vie publique. Trois ans (où un an si l’on s’en tient à Marc) d’un mouvement étonnant qui a de quoi donner le vertige. En quelques lignes on voit Jésus « sortir », « partir », « passer », « arriver », «  se rendre », « quitter », « aller », « s’approcher », « se lever », « parcourir »... On le voit aussi « enseigner », « proclamer », « dire », « appeler », « interpeller », « répondre » et en même temps agir avec force et puissance, « étendre la main », « prendre », « toucher », « guérir », « chasser » les esprits mauvais. 

    Nous voici déjà en plein dans la dynamique des quatre verbes. L’  « être » (qu’on pourrait aussi appeler « l’amour », mais n’anticipons pas trop vite ce qui sera surtout le message de l’Evangile de Jean), cet être se dévoile comme contenant en lui-même les deux mouvements d’ « accueillir » et de « donner » ou de « se donner » qui vont maintenant se répondre à l’infini dans la réciprocité. Réciprocité avec l’autre, car pour pouvoir donner, il faut que quelqu’un accueille le don et pour pouvoir accueillir il est besoin de quelqu’un qui donne ou qui se donne. Et réciprocité en moi-même, ou complémentarité, entre un moment davantage passif, celui de l’accueil, et un autre davantage actif, celui du don. Mais attention que l’accueil demande toujours d’être extrêmement attentif, voire actif quand on reçoit, alors que celui qui donne doit toujours délicatement laisser à l’autre le temps de l’accueillir s’il ne veut pas l’écraser de son don. 

    Et Jésus est ici d’une délicatesse extraordinaire. Lui qui pourrait si facilement résoudre tous nos problèmes, guérir toutes nos maladies, veut d’abord respecter notre liberté, s’adapter à notre rythme, nous laisser nous préparer. Il y a une préparation intense et active à l’accueil : « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. » Pour guérir les malades Jésus, même s’il se déplace beaucoup, au contraire du Baptiste, attend à la fin qu’on les lui amène, il attend qu’on lui dise que la belle-mère de Simon est « au lit avec de la fièvre ». Et l’épisode le plus frappant à ce sujet est celui du lépreux qui « vient trouver Jésus » (il fait l’effort lui aussi de se déplacer), qui « tombe à ses genoux et le supplie : ‘Si tu le veux, tu peux me purifier.’ » Jésus le sait bien qu’il porte en lui la force capable de purifier ce lépreux, mais il désire que celui-ci le demande expressément. « Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit :’ Je le veux, sois purifié’ ». La réciprocité est déjà à l’œuvre dans la relation nouvelle qui commence à s’établir entre Dieu et l’humanité. 

    Que s’agit-il de faire alors pour entrer pleinement dans cette relation ? « Convertissez-vous et croyez à la Bonne nouvelle. » C’est aussi simple que cela, mais comment faire concrètement ? Se convertir veut dire étymologiquement se retourner, changer de direction, donner un nouvel élan à notre vie, se donner pour être prêt à accueillir. Mais croire, qu’est-ce que croire ? Simplement être convaincu intellectuellement de telle ou telle vérité, comme la foi a été trop souvent réduite? Non, croire c’est d’abord recevoir un don, une vérité, l’accepter pleinement (mouvement d’accueil au départ essentiellement passif) puis aussitôt adhérer à ce don, à cette vérité, se fondre en elle, s’y donner corps et âme, prêt à toutes les conséquences qui en découleront. Le verbe croire, dans les langues sémitiques, est de la racine qui a donné notre « amen » : oui, je suis d’accord, j’ai pleinement confiance, je me jette sans arrière pensée dans les bras de celui qui est venu se donner à moi : l’aventure va pouvoir commencer. 

    Et comment ne pas être frappé ici par le contraste étonnant entre ce lépreux qui « croit » à la force de Jésus et l’esprit mauvais qui « sait » qui est Jésus mais qui « refuse » de se laisser transformer par lui. Oui l’esprit mauvais est le premier à savoir qui est Jésus, bien avant Simon Pierre qui le découvrira un peu plus tard (8,29). « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. » Mais cela ne sert à rien de savoir. Le savoir peut rester une froide attitude extérieure bien abstraite qui ne change rien à notre vie. Il s’agit ici de s’impliquer à fond de tout son être, probablement avant même d’avoir vraiment compris, car en fait on a confusément l’intuition qu’il faut d’abord se jeter à l’eau et on comprendra peu à peu le reste en cours de route. 

    Tout est déjà dit dans ce premier chapitre : le drame et en même temps l’espérance de cette humanité qui est toujours libre de refuser le don de Dieu, mais qui a toutes les possibilités d’accueillir ce don, de se donner à son tour à l’être qui nous a donné la vie et qui continue à nous soutenir, et de partager avec les autres cette nouvelle découverte. 

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Hayat
    Mardi 2 Août 2016 à 09:12
    Formidable et formidablement beau !
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