• [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 6 de l’Evangile de Luc, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015] 

    « Viens te mettre là devant tout le monde. » (Mc 3,3) (cf. Lc 6,8 : « Il dit à l’homme qui avait la main paralysée : ‘Lève-toi, et reste debout devant tout le monde.’ »)

    Lorsque, dans les années 60, juste après le Concile Vatican II, on a commencé dans l’Eglise catholique à mettre en commun les expériences de la Parole de l’Evangile vécue, beaucoup de gens se scandalisaient. Les expériences intimes de notre relation avec Dieu étaient encore du domaine de la vie privée. On n’avait pas à les étaler sur la place publique. C’était une manière de se montrer qui semblait en contradiction avec l’humilité de la vie chrétienne où la main gauche ne doit pas savoir ce que fait la main droite, par peur de tomber dans un péché d’orgueil. Comme on était loin alors de l’esprit de Jésus dans l’Evangile. Ce Jésus qui demande justement à l’homme dont la main est paralysée : « Viens te mettre là devant tout le monde. » Il ne s’agit pas de se montrer soi-même, car chacun de nous sans Dieu serait pire l’un que l’autre, mais de montrer à « tout le monde » les merveilles que Jésus a réussi à faire en nous, malgré nos limites et nos faiblesses. Non, notre relation à Dieu ne peut jamais être une affaire privée qui ne regarde que nous. Jésus est venu sur terre pour faire de nous une famille. Et, dans une famille, les frères et sœurs doivent se serrer les coudes, s’aider dans les moments difficiles, partager les découvertes qui illuminent leur chemin. Il est beau de remercier Dieu pour les grâces qu’il nous donne chaque jour et spécialement dans les moments d’épreuve, mais il ne suffit pas de le remercier au fond de notre cœur, nous sommes appelés à crier sur les toits la joie qu’il nous donne. C’est que Jésus a besoin de nous pour répandre un peu plus sa Bonne Nouvelle. Sinon ce cadeau reçu s’arrêterait à nous pour moisir sans porter de fruit. Jésus a besoin de nous et nous avons besoin les uns des autres pour aller de l’avant. L’avenir du message de Jésus est dans une « spiritualité collective » où nous devons enfin dépasser nos tendances individualistes. Cela coûte parfois des efforts contre notre timidité ou notre paresse, mais c’est bien peu de chose pour remercier ce Dieu qui a donné sa vie pour nous.


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 6 de l’Evangile de Luc, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]  

    « Le sabbat a été fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat. Voilà pourquoi le Fils de l’homme est maître même du sabbat. » (Mc 2, 27-28) (cf. Luc 6,5 : « Jésus leur disait encore : ‘Le Fils de l’homme est maître du sabbat.’ »)

    Encore une provocation de Jésus. Il savait bien combien la loi ou le sabbat sont importants : Dieu Lui-même les avait confiés à son peuple comme le plus précieux des trésors. Jésus ne dit d’ailleurs pas qu’ils ont tout à coup perdu leur importance. Il remet seulement les choses à leur place. La loi, le sabbat, ne sont que des moyens, des aides, des garde-fous, peut-être, qui sont mis sur notre chemin pour nous empêcher de tomber, mais ils ne sont jamais un but en soi. Le but c’est de rencontrer Dieu et de commencer à l’aider à construire son Royaume sur terre, avant de se retrouver avec Lui à la fin au paradis, où il n’y aura plus ni loi, ni sabbat, ni garde-fou.

    Mais où était le problème ? Où est le problème aujourd’hui encore où chacun de nous a souvent la tentation de faire comme les pharisiens d’alors ? C’est que chacun d’entre nous se sert de la loi pour juger les autres, pour les dominer, pour les prendre dans une sorte de chantage insupportable qui divise à nouveau au lieu d’unir.

    Imaginons qu’on ait mis une corde pour s’accrocher en traversant un pont fragile au-dessus d’un torrent de montagne. Quelqu’un d’un peu sportif traverse le pont sans se servir de la corde et tout le monde crie au scandale, mais l’important n’est-il pas qu’il soit arrivé sain et sauf ? Ou bien quelqu’un d’autre oublie de s’accrocher à la corde et tombe dans le ravin. Tout le monde crie à nouveau au scandale ; c’est bien sa faute ce qui lui arrive, il n’avait qu’à saisir la corde comme tout le monde ! Et on ne pense peut-être même pas à organiser les secours pour repêcher le malheureux ! Combien nous sommes parfois ridicules et inhumains en voulant mettre la loi au centre de tout.

    L’attitude que Dieu condamne ici, c’est ce désir en chacun de nous de nous servir de la loi pour nous sentir supérieurs à notre prochain. Jésus n’est pas venu pour nous juger, mais pour nous sauver. Qui sommes-nous alors pour nous arrêter à chaque instant et donner notre avis sur le comportement des gens, immobiles dans notre fauteuil de badauds, sans même penser que l’autre a peut-être besoin de nous en ce moment ? Combien la vie devient plus simple lorsqu’on remet tout et chacun à sa place comme Jésus, et la place de tout et de chacun c’est d’entrer dans ce grand jeu de mosaïque qui construit la famille humaine, sans se demander continuellement si l’autre a tort ou a raison : l’important, encore une fois, c’est que l’autre est mis par Dieu sur mon chemin parce qu’il a besoin de moi et moi j’ai besoin de lui. Tout le reste est du temps perdu et gâché.

     


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  • « Jésus dit à Simon : ‘Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras.’ » (Lc 5,10)

    Marc et Matthieu avaient dit aux premiers disciples qu’il appelait : « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Et je vous avoue que la version de Luc m’effraie un peu, et je vais vous dire tout de suite pourquoi : c’est ce verbe « prendre » qui ne me laisse pas tranquille. Je reviens peut-être trop souvent sur ce même point, mais le verbe « prendre » dans nos mentalités de la société de consommation est tellement lié à l’idée de « possession » qu’on pourrait comprendre complètement de travers le message de Jésus.

    Les scandales d’abus de pouvoir, d’autorité et de conscience qui secouent l’Eglise ces derniers temps sont bien la preuve que ma crainte est fondée. Tout l’Evangile nous dit que le Dieu des béatitudes n’est pas capable de posséder, ni les choses, ni les personnes. Il sait seulement être une source d’amour qui donne et redonne la vie sans se lasser, qui fait exister la création et qui la porte à sa réalisation.

    Alors, lorsque Jésus appelle les disciples, on pourrait penser naïvement qu’il a été malin pour son royaume et qu’il a réussi à les « prendre » dans son filet pour en faire des disciples. Mais non, il a seulement réussi à leur révéler comment devenir à leur tour instruments de Dieu pour amener les hommes dans la dynamique du paradis : « comme au ciel, sur la terre ». Lorsque Jésus nous appelle, ce n’est pas pour nous imposer je ne sais quelle volonté de sa part qui nous enlèverait la liberté, comme cela peut arriver quand on tombe dans le piège d’une secte.

    Bien au contraire, Jésus, en nous appelant et en demandant notre « oui » en toute liberté, nous fait entrer tout simplement par son amour dans la relation de réciprocité qui règne au cœur de la Trinité.  Et nous devenons, comme Marie, ses disciples bien-aimés qui vont peu à peu se libérer de ce « moi » qui nous tient prisonniers, pour avoir la joie de participer à l’expansion du paradis sur la terre. C’est cela que Jésus veut dire par cette phrase : « Ce sont des hommes que tu prendras. » « Ce sont des hommes que tu accueilleras, à qui tu confieras le secret du plus grand trésor, avec qui tu partageras ce qui a été déjà pour toi la découverte qui a changé ta vie… »

     

     


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  • « L’effroi, en effet, l’avait saisi, lui et ceux qui étaient avec lui, devant la quantité de poissons qu’ils avaient prise ; et de même Jacques et Jean, fils de Zébédée, ses compagnons… Alors ils ramenèrent les barques au rivage et, laissant tout ils le suivirent. » (Lc 5,9-11)

    Oui, il y aurait beaucoup à dire sur cette pêche miraculeuse que Luc a ajoutée à l’épisode de l’appel des premiers disciples. Mais j’ai eu envie de m’arrêter sur une seule découverte que je viens d’y faire et qui m’a sidéré.

    L’effroi des disciples devant un tel miracle peut peut-être nous étonner : pourquoi avoir peur d’un miracle si merveilleux ? La relation des personnes avec Dieu était sans doute à l’époque de Jésus encore tellement traumatisante pour la plupart des gens, qui n’avaient pas encore connu la révolution de Dieu Amour, mais cela n’est pas notre sujet.

    Ce qui me frappe ici tout à coup, et je n’y avais jamais pensé jusqu’à ce jour, c’est que les disciples ont peur de Jésus et de son miracle… et ils se jettent tout de même à sa suite. Ce n’est pas logique, quand on y pense. Quand on a peur de quelqu’un on aurait plutôt envie de l’éviter, de ne plus le rencontrer…

    Et c’est sans doute là le vrai miracle que l’on peut saisir indirectement. La personnalité de Jésus qui se révèle tout à coup maintenant, après avoir été cachée pendant 30 ans d’activité quotidienne normale à Nazareth, est tellement lumineuse et attirante que nos amis n’ont aucune hésitation et ils le suivent. Ils le suivent même s’ils ont peur, même s’ils ont honte d’eux-mêmes. Ils sentent confusément que le regard de Jésus qui les appelle va tellement plus loin que leurs pauvres limites. Et ils ne vont plus jamais revenir en arrière, à part Judas et à part la crise qui va précéder et accompagner la mort de Jésus. Mais avant cela et ensuite après la résurrection et la pentecôte, ils seront là pour toujours, comme ils continuent à l’être au ciel avec Jésus depuis 2000 ans.

    Mais n’est-ce pas ce qui se passe dans notre vie lorsque nous découvrons finalement notre trésor ? Si chacun de nous est encore là, malgré toutes les épreuves passées, n’est-ce pas que nous avons-nous aussi un jour rencontré Quelqu’un qui s’est introduit dans notre vie et qui nous a convaincus pour toujours de le suivre, quelles que soient les circonstances ? Il y aurait à méditer longtemps sur ce miracle qui nous touche si profondément et qui ne nous abandonne plus…

     


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  • « A cette vue, Simon-Pierre tomba aux pieds de Jésus, en disant : ‘Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur.’ » (Lc 5,8)

    Pourquoi l’homme, et donc chacun de nous, a-t-il parfois de telles réactions négatives quand il se rend compte qu’il a mal agi, qu’il est malade du péché ? La peur de Dieu pouvait se comprendre au début du ministère public de Jésus, quand régnait encore la vieille mentalité de l’Ancien Testament où l’homme avait encore si mal compris l’amour de Dieu pour lui. Jésus va d’ailleurs expliquer cela dans quelques versets de notre chapitre en affirmant : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent. » Cette phrase caricaturale de Pierre, qui va jusqu’à demander à Jésus de s’éloigner de lui, est bien là pour nous faire comprendre que si nous nous sentons pécheurs nous devons courir au contraire vers Lui et Lui demander de voler à notre secours. C’est cela que nous enseigne d’abord cette phrase. Je pense que c’est désormais clair pour tout le monde, même si ce n’est pas toujours facile de vivre ainsi.

    Mais il y a ici un autre problème. Nous seulement nous avons parfois encore peur de Dieu et de son jugement parce que nous n’avons pas vraiment fait l’expérience de sa miséricorde, cette miséricorde que nous retrouverons bientôt si merveilleuse justement dans l’Evangile de Luc, mais au fond nous avons peur de nous-mêmes. Nous avons peur de connaître la vérité sur nos fragilités et nos faiblesses. Depuis toujours la vie en société, qui est souvent une bataille difficile, nous pousse à montrer aux autres toutes nos qualités et à cacher nos défauts et nos limites. Nos relations sociales sont souvent plus bâties sur des apparences que sur la vérité de ce que nous portons en nous et nous finissons nous-mêmes par croire au piège de ces apparences.

    Qui d’entre nous est content qu’on découvre ses défauts et ses manquements, surtout si on les dévoile en public devant tout le monde ? Et nous finissons ainsi par nous cacher à nous-mêmes tout ce qui ne va pas dans notre esprit et notre cœur. Puis un jour nous rencontrons vraiment le Christ dans notre vie et nous sentons un ardent désir de le suivre, de marcher avec Lui sur le chemin de la sainteté. Cela provoque en nous un enthousiasme immense qui nous porte de l’avant pour quelques temps. Mais la lumière est telle dans cette nouvelle étape de notre vie que commence à apparaître tout ce qui en nous est de travers et cela devient vite insupportable. Nous pensions peut-être pouvoir atteindre la sainteté comme on réussit à un diplôme d’université juste avec quelques petits efforts, et nous commençons à nous décourager, parce que le chantier se révèle bien plus complexe que nous ne pensions au départ.

    A ce moment là beaucoup se retirent, on doit le reconnaître. Pourquoi ne pas retourner à la vie superficielle d’avant, comme tout le monde, où l’on n’est ni bon ni mauvais, et où se laisse porter par les évènements de tous les jours comme ils viennent, mais où Jésus n’est presque plus présent dans nos pensées et dans notre cœur ? C’est là que commence une deuxième conversion qui peut être la conversion définitive : ne plus se regarder, ne plus se comparer aux autres ni à soi-même avant ou après, mais suivre Dieu dans l’instant présent, faire de Dieu en nous et dans le prochain le centre de notre vie quoi qu’il arrive. Alors si parfois nous nous sentons pécheurs plus qu’avant ou moins qu’avant cela ne change plus rien, nous nous laissons faire par le regard d’amour de la miséricorde de Dieu et nous ne reviendrons plus en arrière. La peur ou la honte de soi ne sont pas des marques d’humilité positives, mais des pièges du diable qui voudrait nous décourager là où il voit que nous commençons à vraiment lui échapper…

     


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