• « Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! » (Mt 5,7)

    Quelle béatitude, cette fois-ci encore ! Ce n’est plus seulement une révolution, c’est un véritable miracle ! Car il n’y a peut-être rien de plus difficile que le pardon. Combien de fois entendons-nous un ami ou un parent nous dire : « Je n’arrive pas à pardonner le mal qu’on m’a fait ! » Et c’est bien normal. Ce serait illogique autrement : comment pardonner à quelqu’un qui nous a menti ou trahis ou abandonnés, à quelqu’un qui s’est servi de nous pour ses intérêts et qui nous a ensuite lâchés comme s’il ne nous connaissait pas, à quelqu’un qui nous a fait du mal en toute conscience, qui nous a blessés ou qui a blessé un être cher ? Comment pouvoir oublier ou encore plus comment pouvoir pardonner de telles méchancetés et avoir avec ces personnes une relation harmonieuse comme si de rien n’était ?

    Il y a là évidemment un miracle et un mystère. Si Jésus nous demande d’être miséricordieux, nous allons découvrir que c’est d’abord pour notre bien, avant même le bien de la personne à qui nous allons pardonner. Car la miséricorde, le pardon total, est avant tout une immense libération qui va commencer à nous faire faire, là aussi, l’expérience de Dieu, qui « fait pleuvoir sur les méchants et sur les bons ». Dieu est libre d’aimer, il aime parce qu’il est amour en lui-même, il ne sait pas faire autrement, il ne met pas de conditions à son amour, il n’attend même pas la réponse de l’autre pour l’aimer, il est heureux d’aimer, car il est lui-même la béatitude de l’amour. Et Jésus est venu sur terre pour nous prouver son amour et sa miséricorde, il a donné sa vie pour ceux qui l’ont maltraité et tué sur la croix, et il leur a pardonné de tout son cœur.

    Et le miracle est là : quand nous commençons à pardonner, cette vie de Dieu pénètre en nous et change notre nature. Nous prenons goût, peu à peu, à nous libérer de nos ressentiments, de notre haine, de notre désir de vengeance qui nous tiennent prisonniers et qui finissent par nous empêcher d’aimer tout au long de la journée. Car lorsqu’on a de la haine dans le cœur, on n’arrive même plus à aimer totalement les personnes qui nous sont chères, la méfiance entre en nous et toutes nos relations finissent par se dégrader.

    Laisser le miracle de la miséricorde entrer en nous, c’est nous revêtir du cœur de Dieu et entrer avec lui dans cette relation de l’accueil et du don réciproques qui sont la nature de Dieu et en même temps notre nature profonde, celle pour laquelle nous sommes venus au monde pour aimer toute l’humanité. Alors, bien sûr qu’en étant miséricordieux nous allons obtenir la miséricorde, mais pas comme un cadeau qui va nous arriver de l’extérieur : plutôt comme notre nature profonde qui va se réveiller en nous, nous libérer de nos conditionnements et nous faire respirer pour toujours. Ce miracle ne va pas se faire du jour au lendemain, il va nous demander toute une bataille intérieure de chaque jour, mais la qualité de notre vie et de notre bonheur en dépend : cela vaut vraiment la peine de prendre ce chemin, en nous faisant aider avant tout par ceux qui l’ont pris avant nous, car c’est en cordée que nous pourrons le mieux parvenir au sommet de la belle montagne de la miséricorde !

     


    votre commentaire
  • « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! » (Mt 5,6)

    Il y a quelque chose de tellement difficile à comprendre dans cette nouvelle béatitude ! Comment le fait d’avoir faim et soif de la justice pourra-t-il un jour nous combler, alors que nous souffrons en fait toute notre vie du manque de justice dans le monde ? Dieu va-t-il faire ici un tour de magie pour nous ?

    Ici encore, nous devons faire un retour sur nous-mêmes et apprendre à nous laisser porter par la logique de Dieu qui est au fond si simple. Dieu nous demande simplement d’essayer d’être comme lui qui « fait se lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » : la réponse se trouve déjà à la fin de ce même chapitre, sans compter l’amour pour les ennemis.

    En général nous souffrons surtout des injustices dont nous sommes victimes, comme personnes, comme communauté, comme pays… et nous continuons à nous plaindre et à lutter pour nos droits qui sont bafoués. Et c’est bien normal de lutter pour ses droits. Mais ce n’est pas de cela que Jésus veut nous parler ici.

    Jésus veut tout simplement que nous apprenions à être justes comme lui, comme le Père, comme Dieu. Et lui-même nous a donné l’exemple : il n’a cessé de donner sa vie pour nous tout au long de son séjour sur la terre, jusqu’à mourir sur une croix « pour les méchants et pour les bons » et il continue à le faire maintenant du ciel pour toute l’humanité et pour l’éternité. Il nous propose de laisser notre cœur se remplir peu à peu de ses sentiments de justice envers tous les hommes sans exception.

    Alors, si du matin au soir nous donnons à notre tour notre vie et notre amour à chaque personne que nous rencontrons, sans jamais retourner en arrière, même si l’autre nous a déçus ou fait du mal, cette justice va devenir notre seconde nature, nous allons bientôt avoir « faim et soif de la justice », dans le sens que nous ne pourrons plus vivre sans donner à chaque instant cette justice de l’amour de Dieu autour de nous. Ce ne sera plus une option parmi d’autres, que nous pouvons vivre par moments ou refuser selon notre humeur du jour. Non, ce sera comme notre pain quotidien nécessaire à notre survie.

    Et le résultat, c’est que cette faim et cette soif elles-mêmes vont nous combler, car nous allons nous remplir du cœur de Dieu, sans plus trop nous préoccuper si les autres sont justes avec nous, car nous serons libres d’aimer pour toujours sans plus attendre de résultat… et en même temps nous serons chaque jour heureusement surpris de tous les miracles que cet amour de Dieu va opérer autour de nous, comme un courant d’amour contagieux qui ne se desséchera plus jamais.

     


    votre commentaire
  • « Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés ! » (Mt 5,5)

    Ici encore une révolution totale, si on sait lire entre les lignes. Mais que veut nous dire encore Jésus ? De ne pas avoir peur quand on souffre, parce que Dieu est là pour nous consoler ? Ce Dieu qui est amour et qui ne nous oubliera jamais ? C’est bien évident et combien de fois cherchons-nous dans la prière cette protection et cette consolation divines qui nous font tellement de bien. Mais je voudrais dire ici bien fort que nous contenter de cette première interprétation assez banale finalement, serait passer à côté d’un immense trésor sans le voir !

    N’oublions pas que l’Evangile de Matthieu va nous dire, dans quelques pages, que « là où deux ou plus sont réunis en son nom, Jésus est présent au milieu d’eux » (cf. Mt 18,20) et nous y reviendrons… Jésus veut évidemment que nous trouvions une relation profonde avec Lui, avec le Père et avec l’Esprit Saint, qu’on appelle aussi l’Esprit consolateur. Mais la révolution de l’Evangile va beaucoup plus loin. Jésus veut que nous trouvions Dieu à travers le frère, dans lequel il continue à se cacher. Et avec cette lumière nouvelle, notre petite phrase va s’enflammer.

    Là où on a honte de pleurer devant les hommes, Jésus nous dit que nous avons au contraire une chance immense de pouvoir partager ce qui nous fait tellement mal. D’abord parce qu’on n’a pas à avoir honte de souffrir, c’est une participation à la souffrance du Christ sur la croix, où lui-même a redonné un sens à la souffrance de toute l’humanité. Et cette souffrance est au cœur du dessein d’amour divin. Car cette souffrance est le moyen le plus sûr de nous unir. Quand nous souffrons et pleurons, au lieu d’avoir honte et de nous cacher, voilà que nous découvrons que nous avons un trésor entre nos mains. Car ces pleurs et cette souffrance ont besoin de trouver quelqu’un qui va nous comprendre et nous consoler. Ce ne sera pas toujours facile à trouver, mais une fois trouvées la personne ou les personnes que Dieu a préparées pour nous consoler, va commencer une autre divine aventure.

    Chacun d’entre nous porte en son cœur un puits d’amour et de tendresse pour toute l’humanité. Chacun d’entre nous voudrait être comme Dieu qui vient guérir nos blessures et nous faire respirer au moment de l’épreuve. Alors quand deux personnes se rencontrent, l’une qui pleure et l’autre qui la console, commence un petit paradis sur la terre, car ces deux personnes vont être liées pour toujours par ce moment d’intimité où elles auront fait l’expérience d’un arc en ciel au milieu de la tempête.

    Alors, que je sois du côté aujourd’hui de celui qui pleure ou de celui qui console, cela n’a finalement pas beaucoup d’importance. Mais ce qui est sûr, c’est que Dieu veut unir les cœurs à l’occasion de ces moments de souffrance. Et le plus souvent la souffrance va disparaître, mais cette tendresse, cette confiance partagées tout à coup, vont rester entre nous comme un sceau divin qui va transformer notre vie pour toujours. Alors, bien sûr, il faut s’habituer à cette nouvelle logique divine, qui n’est pas si évidente au départ : lorsque je pleure, ou que pleure un être qui m’est cher, me recueillir comme devant un tabernacle, et me dire que Dieu est en train de nous visiter et lui demander la grâce d’en profiter pour vivre avec lui et tous ensemble cette nouvelle « béatitude » !

     


    1 commentaire
  • « Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! » (Mt 5,4)

    C’est encore une révolution, comme celle des pauvres de cœur, car tout semble dire dans notre société d’aujourd’hui, mais aussi dans celle de toujours, que pour parvenir à un résultat important dans la vie, il faut savoir s’imposer, être fort, dépasser les autres avec tous les moyens possibles…

    Mais venons-en à la « terre promise ». Chacun de nous se crée des rêves au cours de sa vie, des rêves plus ou moins grandioses ou réalisables, après lesquels il va se mettre à courir avec grand enthousiasme au départ et peut-être plus de scepticisme par la suite, mais qui vont toujours rester quelque part au fond de son cœur. Ce sont des rêves au niveau personnel, come ceux d’une carrière professionnelle merveilleuse, au niveau du bonheur des gens qu’on aime, au niveau de la famille ou même du pays qui nous a donné la vie… Ces rêves donnent un sens ultérieur à notre vie, nous font sortir de nous-mêmes et de notre routine, ils nous aident à avoir toujours de l’espoir que quelque chose va changer. Mais comme ils ne sont en général pas faciles à réaliser, l’agitation va bientôt remplacer l’espoir et surtout voilà que l’on se sent prêt à tout pour parvenir quand même au but tant désiré. On devient alors capable d’utiliser tous les moyens jusqu’à la force, la ruse, la violence, l’élimination progressive de tous les obstacles que l’on rencontre en cours de route, sans trop d’états d’âme. Et le résultat est que nos rêves deviennent de plus en plus inaccessibles et en même temps on se fait beaucoup d’ennemis dans cette bataille féroce de la jungle de la vie…

    C’est là que nos béatitudes vont nous faire retrouver la boussole perdue le long du chemin. Le jour où l’on comprend que ce Dieu tout puissant que l’on vient de découvrir « pauvre », est aussi un Dieu de douceur. Dieu qui a créé tout cet univers magnifique et qui nous a donné la vie, qui pourrait nous écraser en un clin d’œil, est un Dieu « doux », qui n’aime pas la violence, qui préfère même se laisser détruire par cette violence, comme il nous l’a montré en Jésus, plutôt que de l’utiliser lui-même. Mais pourquoi cela ? Simplement parce que la douceur est une loi de la nature. La douceur est l’eau bienfaisante qui ne fait pas de bruit, mais qui désaltère, qui repose, qui fait respirer, qui ravive de l’intérieur, qui attire et console, comme un baume qui vient panser les blessures et redonner de la vigueur là où tout était en train de se dessécher.

    La douceur se suffit même à elle-même tellement elle est belle à vivre : avoir une relation de douceur et de tendresse avec quelqu’un, comme nous l’avons expérimenté au départ avec notre maman, n’est-ce pas déjà goûter un peu de paradis ? La douceur est la vie de l’instant présent qui est heureuse d’aimer aujourd’hui sans trop se préoccuper de ce qui se passera demain, car elle sait que Dieu « douceur » est là qui nous protège et qui nous amènera au but désiré tranquillement quand ce sera le bon moment. Et c’est alors que se produit le miracle. Nous voyons se réaliser un à un beaucoup de nos rêves, quand les temps ont mûri, comme un centuple à l’amour que nous avons essayé de donner autour de nous, jour après jour. Et si certains rêves ne se réalisent pas, c’est pour laisser la place à d’autres « terres promises » que nous n’imaginions même pas au départ. Alors voilà que nous goûtons des moments de béatitude immense, comme récompense à notre douceur qui a grandi en chemin, mais surtout nous nous trouvons au milieu d’une symphonie de relations merveilleuses avec tous les gens que nous côtoyons, car la douceur a créé en même temps l’harmonie, la confiance, l’unité, la réciprocité, et tout cela est déjà une autre « terre promise », avant-goût du paradis qui nous attend ensuite pour l’éternité !


    votre commentaire
  • « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! » (Mt 5,3)

    C’est la première béatitude, celle qui va donner le ton à tout le discours de Jésus. C’est le début de notre révolution totale. Jésus nous demande d’être pauvres de cœur, ou pauvres en esprit. Il ne s’agit pas d’une question matérielle et apparente, mais bien d’une attitude profonde de l’âme qui peut changer complètement notre vie.

    Dieu nous demande-t-il ici de faire de gros sacrifices sur cette terre pour mériter ensuite le Royaume quand nous serons morts ? Ce serait le pire des contresens, et c’est malheureusement cela que bien des gens continuent à comprendre…

    Dieu veut seulement nous libérer de ces richesses matérielles ou psychologiques qui nous encombrent, qui nous laissent le dos courbé et les yeux à terre au lieu de pouvoir regarder la lumière en train de descendre du ciel pour nous.

    Dieu veut que nous soyons pauvres comme Lui, et c’est là le début de cette révolution extrême. Dieu est pauvre, Dieu le tout puissant est incapable de posséder, il ne le désire même pas, il ne sait pas et ne veut pas être riche. Il est trop heureux d’être Dieu sans autre but dans sa vie que d’accueillir l’autre et de se donner à lui de tout son cœur. A l’intérieur de la Trinité d’abord entre le Père et le Fils dans l’Esprit Saint, et avec les hommes ensuite et toute la création.

    Dieu sait seulement donner la vie, donner sa vie qui est la Vie qui porte le monde entier et chacun de nous. Il n’est pas capable de s’arrêter un seul instant en chemin de cette donation immense et tellement généreuse, car il n’a pas le temps même de se regarder, il ne peut pas nous priver un seul instant de son amour immense et en même temps unique pour chacun.

    Alors, si nous voulons suivre Dieu, nous n’avons qu’à faire comme lui. Commencer par nous dire que rien ne nous appartient. Cette vie même qui nous porte et toutes les richesses matérielles ou spirituelles que nous avons reçues en cours de route, ne sont pas des biens que nous pouvons un seul instant mettre dans le dépôt d’une banque pour nous sentir importants. Non, ces richesses ne sont pas à nous, elles sont seulement là pour que nous en fassions profiter nos frères comme d’autres frères nous en ont fait profiter.

    Notre vie en Dieu et avec Dieu peut être déjà le paradis sur la terre, si nous nous levons le matin pour recevoir et accueillir simplement tous les dons que la vie et nos frères vont nous faire en cours de route, les accueillir avec joie, même si ces dons peuvent parfois nous faire mal, mais les accueillir de tout notre cœur, remercier Dieu de nous les avoir envoyés et nous mettre tout de suite en route pour les donner à notre tour à tous ces frères et ces sœurs à qui cela apporterait tellement de joie.

    Alors la vie est pleine, elle devient une belle aventure où l’amour est libre, complètement libre de se donner en nous et à travers nous, où plus rien ne peut nous attarder en route, car le Royaume des cieux est déjà parmi nous, le Royaume des cieux « est à nous », nous n’avons pas besoin d’attendre demain pour le recevoir ou le mériter, nous sommes déjà en Lui, dans la vie de la Trinité descendue sur la terre. Quand on s’est mis à goûter à ce paradis, ce serait tellement bête de le perdre pour nous attacher égoïstement à je ne sais quels biens passagers qui ne pourront jamais nous combler autant que cette vie divine qui a commencé à couler dans nos veines.

     


    1 commentaire