• Je voudrais reprendre ici quelques lignes de notre article d’il y a quelques jours sur les « reflets du paradis de Lao Tseu ».

    « Chaque vague sait qu'elle est la mer. Ce qui la défait ne la dérange pas car ce qui la brise la recrée. », nous disait ce vieux sage chinois. Combien cette réalité est réconfortante devant la mort !

    « Et voilà justement les vagues de la mer », disions-nous. « Quand j’apprends à être l’autre pour être encore plus moi-même, voilà que tout ce qui arrive à l’autre me touche, m’ébranle et me réjouit en même temps. Car j’apprends peu à peu que je suis toute l’humanité et toute l’humanité, c’est moi ; chacun de mes frères ou de mes sœurs, c’est moi aussi d’une certaine manière. Ainsi je ne meurs jamais, je ne perds jamais rien, car ce qui sort de moi pour aller en l’autre et l’enrichir, c’est une partie de moi qui continue à vivre dans l’autre pour l’éternité. Quelle vision immense et apaisante, encourageante et bienfaisante ! » 

    Ces derniers jours, nos amis Sleiman et Rima ont accompagné à sa dernière demeure leur maman bien-aimée, Hélène, 50 jours à peine après le départ de leur papa, Fouad.

    C’est toujours un moment particulièrement difficile à vivre. Surtout tous les deux, l’un à la suite de l’autre, en si peu de temps. Et pourtant, en contemplant ces jours-ci la vie qui jaillissait tellement abondante de nos deux amis, même au milieu de la douleur, je ne pouvais pas m’empêcher de penser combien Fouad et Hélène sont vivants eux aussi et présents avec nous pour toujours.

    Notre société moderne est malade d’individualisme mal compris. L’importance et la valeur de l’individu sont une réalité indéniable, mais pourquoi séparer ou opposer ces « individus » tellement « importants » les uns aux autres ? Ne voyons-nous pas que ce qui est unique en chacun de nous, n’est pas comme une pièce complètement indépendante des autres et qui n’aurait rien à voir avec elles ? Nous ne sommes pas uniques parce que nous sommes séparés des autres, mais au contraire parce que nous sommes une synthèse unique de toutes nos rencontres avec ces autres. Depuis la rencontre avec nos parents qui nous ont donné la vie, cette vie qu’ils ont reçue déjà de nos ancêtres présents en nous sans que nous y pensions, jusqu’à la rencontre avec toutes les personnes qui nous ont marqués, par leur amour, leur amitié, leur collaboration, leur contestation même, toute la richesse qu’elles nous ont donnée, consciemment ou inconsciemment, nous avons peu à peu formé notre personnalité si attachante.

    Car chacun de nous est attachant, non pas parce qu’il est le contraire des autres, mais parce qu’il est tellement semblable aux autres et pourtant tellement différent : c’est cela le miracle de la vie humaine et de la vie tout court de la nature, mais avec évidemment en l’homme toute une dimension tellement plus complexe, tellement plus fascinante ! Lorsque nous nous « défaisons » pour perdre quelque chose de nous en le donnant aux autres, lorsque nous entrons dans la vie et la personnalité de l’autre,  non seulement nous ne nous perdons pas en réalité, mais au contraire nous nous perpétuons pour toujours, exactement comme la substance de cette vague qui s’est apparemment dissoute dans la mer, mais qui apparaît en fait quelques mètres plus loin, sous une autre forme, mais avec la même substance. C’est cela la beauté de l’humanité ! 

     

     


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  • Il y a quelques jours, j’ai reçu le message d’un ami très cher qui voulait me faire lire un article qui l’avait désorienté. Cet article avait justement comme titre : « On finit par douter de tout. » Et l’on nous expliquait que la fameuse photo du petit réfugié kurde mort noyé sur une plage de Turquie, qui avait ému le monde entier, devait être sans doute un montage artificiel, donc un mensonge, quelque chose qui sonnait faux et qu’on avait sciemment utilisé pour arriver à des buts qu’on ne voulait pas avouer.

    Que dire devant une telle réalité ? Le monde est vraiment gouverné par des menteurs et des personnes sans scrupules qui abusent de la bonne foi des gens pour servir leurs intérêts ? Il y aurait bien de quoi être désorienté et même angoissé ou désespéré. Je crois qu’à ce point-là il faut se réveiller. Sinon nous allons tous ensemble tomber dans un piège dont nous ne nous relèverons jamais plus.

    Il y a toujours eu des menteurs dans l’histoire de l’humanité, ou plutôt des gens qui ont utilisé le mensonge pour arriver à leurs fins. Il y a toujours eu des complots contre des personnes ou des catégories de personnes. On le sait, et passer son temps à essayer de révéler au grand jour tous ces mensonges et ces complots va nous conduire à quel résultat ? Ne plus faire confiance en personne, justement ?

    Je crois que là nous devons reprendre tout le raisonnement à l’envers. Partir de nous-mêmes et des gens que nous aimons, en qui nous avons confiance, avec qui depuis toujours nous essayons de construire un avenir positif pour notre famille, notre communauté, notre société. Si je me regarde moi-même, au-delà de toutes mes limites, mes défauts, mes peurs, je pense tout de même que j’ai confiance en moi. Je suis convaincu que je suis une personne positive qui essaye de semer le bien et la paix sur son passage. Je le fais peut-être mal, de manière maladroite, mais je ne crois pas avoir d’autres intentions cachées. Et si je regarde mes amis les plus intimes, je vois en eux la même réalité. J’ai peut-être quelques amis qui passent des moments difficiles, à cause de leur santé, de problèmes au travail ou en famille, et qui ne sont pas en ce moment disponibles comme ils l’étaient auparavant, c’est possible, mais de là à penser qu’ils sont en train de comploter contre moi, il n’y a tout de même pas de risque.

     

    Chaque homme, sauf s’il est vraiment malade, a quelque part confiance en lui-même et en ses amis. Pourquoi à un certain moment en arrivons-nous à cette défiance réciproque et générale ? Admettons que cette photo du petit réfugié ait été truquée : qu’est-ce que cela change au fond ? Cette photo n’a-t-elle pas été l’occasion de faire bouger les consciences, de pousser un tas de gens à faire finalement quelque chose. Ce n’est rien encore, le problème des réfugiés ne trouvera de solution que lorsque tous les conflits du Moyen Orient seront résolus à la racine, nous sommes bien conscients de cela. Mais toute nouvelle, toute réalité qui nous arrive, même si elle est fausse, ne peut que faire ressortir le fond de nos personnalités. Et si un mensonge voulu me touche et me pousse à faire du bien, cela prouve que tous les faussetés du monde, tous les malhonnêtetés ne pourront jamais nous empêcher de suivre nos consciences. Alors nous devons bien sûr être vigilants, ne pas nous laisser tromper à tous les coins de rue, mais ne perdons pas trop de temps à voir ou à chercher partout des gens mal intentionnés. Cherchons plutôt ceux qui sont bien intentionnés, et ils sont bien plus nombreux qu’on pourrait le croire, et travaillons ensemble avec eux, pour montrer au monde que la vérité et la justice auront finalement toujours le dernier mot, au moins au cœur de tous ceux qui vivent pour cela.


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  • « ll faut revenir sur le sujet », me propose un beau commentaire après le premier article « Casser nos murs ».  ! « Là tu casses les murs et c'est nécessaire. Mais on risque de se fracasser sur le ou les murs des autres ....C'est peut-être le risque à "choisir " ? »

    Bien volontiers je reviens sur le sujet. Je voudrais surtout que personne ne se sente jugé par ma manière un peu provocante de dire les choses. Nous vivons tous au milieu de « murs » qui nous ont souvent été imposés et contre lesquels nous ne pouvons pas faire grand-chose. Redisons aussi qu’existent des murs bienfaisants et nécessaires qui nous permettent de trouver la paix au milieu de la confusion, ou la chaleur quand il fait froid dehors, ou la fraîcheur quand il fait trop chaud, et tout cela est compréhensible sans avoir besoin de multiplier les exemples. Tâchons seulement que nos murs aient toujours quelque part des portes (avec des clés et des passepartouts), ou même simplement des fenêtres, qui permettent d’entrer et sortir.

    Mais moi, je voulais surtout parler des murs que nous-mêmes nous construisons sans même parfois nous en rendre compte et qui augmentent les divisions, les tensions ou les conflits dans le monde ou nous vivons. Si les autres insistent pour créer ou inventer toujours de nouveaux murs, ils sont libres au fond, même si je suis sûr qu’on ne peut jamais se sentir vraiment heureux et libre entre des murs qu’on hausse tous les jours un peu plus, en croyant se protéger, mais en se séparant finalement de tout le monde.

    Il ne s’agit pas ici d’aller briser les murs des autres, ce serait une très grande responsabilité, cela pourrait être dangereux pour les autres et pour nous. A moins que notre frère ou notre sœur, qui se sent en prison dans les murs qu’il s’est construits, nous demande lui-même ou elle-même de l’aider à les abattre. Il ne s’agit pas non plus de se fracasser sur les murs des autres. Il est souvent bien inutile d’aller vers quelqu’un qui refuse de nous recevoir. Il s’agit de sortir de nos murs à nous, ceux dont nous sommes au moins en partie responsables et ils sont nombreux. C’est là que nous pouvons jouer. C’est là que nous pouvons être plus attentifs au cours de la journée.

    Et surtout je répète combien il est dangereux, inutile et contreproductif de répondre au mal par le mal. D’abord parce, bien heureusement, nous n’en sommes pas capables. Si nous voulons être violents avec les violents, nous verrons bien vite que nous ne savons pas faire et qu’ils vont tout de suite gagner la bataille. Mais il faut surtout se mettre à leur place, en comprenant que ces pauvres gens violents le sont sans doute devenus car ils ont eux aussi été victimes un jour ou l’autre de cette violence et ils n’ont pas trouvé sur leur route quelqu’un pour leur montrer le chemin de la paix. Nous pourrions être les premiers. Sans parler d’exemples extrêmes, nous avons tous fait l’expérience d’assister à un accident de voitures ou d’en être même les victimes. Quelle différence entre celui qui sort de sa voiture en colère, qui commence à insulter celui qui l’a cogné et menace de le frapper, si ce n’est pire (et cela finit toujours par beaucoup de négatif), et celui qui n’a peut-être aucune responsabilité dans l’accident, mais qui sort de sa voiture et va en paix demander à l’autre s’il se sent bien, si au moins il n’a pas été blessé. Combien cet autre, qui est peut-être en pleine confusion, va le remercier de son attitude compréhensive !

    Tout est là dans le courage et la présence d’esprit de chaque instant d’inventer une attitude, une poignée de main, un sourire, une question qui détendent l’atmosphère, qui permettent de trouver une solution sereine aux problèmes les plus ardus. C’est la racine de la vraie non-violence, qui peut parfois nous sembler trop héroïque pour nos propres forces, mais qui commence au fond par de petits gestes tout simples de la vie de tous les jours. Car l’autre, qui s’attendait à nous voir nous cacher derrière notre mur, est tellement surpris de nous voir aussi spontanément ouverts devant lui, que son mur lui-même va peut-être tomber tout seul et il va nous remercier pour toujours.

     

     


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  • Je ne sais pas si vous l’avez remarqué ces derniers temps : il y a un nouveau phénomène qui se développe avec une rapidité extraordinaire et qui devrait finalement nous étonner, c’est que l’indifférence est en train peu à peu de disparaître. Le monde entier est en train de regarder sérieusement ce qui se passe au Moyen Orient. Il le faisait peut-être au départ avec une certaine curiosité, il le fait sans doute maintenant par peur ou bien par désir d’aider ceux qui souffrent. Peu importent les causes, qu’elles soient nobles ou remplies d’égoïsme, le fait est que le monde entier commence à se sentir concerné par ce qui se passe dans notre région.

    Interdépendance, disions-nous souvent. Dépasser la dépendance et l’indépendance pour se rendre compte finalement que nous sommes tous interdépendants. Eh bien, voilà que nous y arrivons bien plus rapidement que prévu. Depuis que Poutine a envoyé ses avions en Syrie, depuis que certains médias commencent à dire que la troisième guerre mondiale est à nos portes, les regards ont changé. Le problème des réfugiés, la crise économique, le vent de renouveau qui souffle au Vatican, la corruption qui se découvre partout, le tourisme qui attire de plus en plus mais qui devient de moins en moins sécurisé, les médias mélangent un peu tout pour vendre leurs produits, mais le résultat, c’est que les gens commencent à bouger, à s’inquiéter ou à s’occuper.

     

    Nous reviendrons dans notre blog sur le thème de la paix et des armes qui ne peut justement plus laisser personne indifférent. Nous sommes de plus en plus conscients que les hommes politiques sont en train de nous dire un tas de mensonges parce qu’ils n’arrivent plus à faire autrement. Plus personne n’a en mains tout seul l’avenir de notre planète. On peut bien sûr soupçonner tous les lobbys qu’on voudra, les multinationales qui essayent de dicter leurs caprices aux dirigeants qu’ils tentent d’acheter par tous les moyens. On voit un peu partout des phénomènes de masses populaires qui se révoltent parfois pacifiquement, parfois dans la violence. On essaye de comprendre qui se trouve derrière ces foules qui bougent et on n’arrive pas toujours à comprendre ce qui se passe. Car l’homme est toujours libre quelque part de suivre sa conscience. Il y a une bataille terrible qui se joue entre les intérêts et la conscience. Moment difficile et délicat, mais qui vaut certainement la peine d’être vécu avec intensité, attention et passion, si nous croyons encore que l’humanité a une âme et qu’elle peut s’en sortir !


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  • « Passepartout » disions-nous ! Toute notre vie se passe à chercher des clés et surtout des passepartouts pour ouvrir les portes qui nous enferment et qui nous empêchent d’aller où nous voulons. Nous en avons déjà trouvé comme les passepartouts de la confiance, de la connaissance réciproque, du regard neuf que nous apprenons à poser sur les évènements et les personnes. Mais sont-ils suffisants ? Car quand on parle de portes fermées, cela veut dire aussi qu’il y a des murs qui nous bloquent et nous divisent, et ces murs sont bien plus terribles en soi qu’une porte fermée.

    La solution pour pouvoir passer partout, la solution radicale, serait donc de ne pas même avoir de murs. Sans murs il n’y aurait plus besoin de portes et encore moins de clés pour les ouvrir. Je suis en train d’exagérer bien sûr, comme d’habitude. Nous savons bien que les murs sont souvent nécessaires, pour nous protéger d’abord du froid et de la pluie, du bruit et de la confusion, pour nous permettre de vivre avec une certaine paix ou une certaine intimité. Cela va de soi. Mais ne trouvez-vous pas qu’une foule de murs sont aussi inutiles et même malfaisants ? Depuis les murs réels come le fameux mur de Berlin, qui s’est heureusement écroulé, ou tous les murs qui sont encore en train de se construire de tous côtés au Moyen Orient, jusqu’aux murs psychologiques, politiques ou culturels que nous érigeons chaque jour, soi-disant pour nous protéger des autres qui nous dérangent ou nous menacent, et qui finalement nous emprisonnent nous-mêmes.

    Je voudrais parler ici des murs que sont les cercles vicieux, ces cercles maléfiques desquels il est presque impossible de sortir, car un cercle fermé est la manière la plus simple, la plus radicale d’empêcher pour toujours de sortir. Et ce qui est pire c’est que ces murs des cercles vicieux ne sont absolument pas nécessaires ou indispensables, c’est nous qui nous les créons artificiellement en pensant ainsi résoudre nos problèmes, alors qu’au contraire nous les augmentons. Ces cercles vicieux c’est la manière de vouloir résoudre un mal par le même mal. On essaye ainsi de résoudre la violence par la violence, la peur des armes par la multiplication des armes, le mensonge par d’autres mensonges, la corruption par d’autres formes de corruption. On pense éliminer ceux qui tuent en les tuant, sans penser que nous finirons par être tués nous aussi avec la même logique.

     

    Comme le communisme mondial, espérance des pauvres, qui prétendait résoudre les injustices, mais qui en a créé finalement de plus grandes. Et combien de fois nous tombons dans le même piège ! Combien de fois nous nous mettons à juger ceux qui jugent. Combien de fois nous nous plaignons de ceux qui se plaignent ou nous crions contre ceux qui crient. Nous voulons dominer ceux qui dominent ou éliminer ceux qui éliminent, nous menaçons ceux qui menacent. Et les hommes de bonne volonté dans tout cela ne savent plus qui croire et vers qui se tourner. Tous prétendent travailler pour la paix et la paix semble de plus en plus lointaine. Il est temps de briser ces cercles vicieux qui nous enferment dans de véritables prisons. Nous essayerons bientôt de revenir plus longuement sur ce sujet, dans cette rubrique « passepartout », mais qu’en pensez-vous ?


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