• J’ai publié récemment une phrase qui disait : « Donner, c’est libérer enfin l’amour qui restait coincé au fond de notre cœur ! » Une amie me répond : « Comment peut-on donner si on a envie de donner, mais qu’on se retrouve à nouveau cœur solitaire ? Je pense qu’on peut bien entendu donner aux proches, aux amis… Mais il ne s’agit pas de la même chose. Et puis il y a la peur de donner et d’être trahie à nouveau… »

    C’est vrai, ce n’est sûrement pas la première critique que je reçois à ce sujet. Et je le comprends d’autant plus que moi le premier j’ai vécu toute une partie de ma vie avec la peur de donner et de me donner. Mais je voudrais répondre à cette amie et à tous ceux qui pensent comme elle qu’il y a ici un grand malentendu.

    Ce n’est pas tellement de donner que nous avons peur, mais de vivre tout simplement. Et celui qui a peur de vivre n’en a en général aucune faute. Car nous sommes tous quelque part les victimes d’une société qui n’arrête pas de nous faire mal, de nous obliger à rester sages dans notre coin pour ne pas nous faire remarquer et être ensuite encore plus maltraités et obligés à la fin de nous résigner à une vie médiocre où on essaye seulement de souffrir le moins possible avec quelques petites joies de temps en temps…

    Non, je ne me résignerai jamais à une vision pareille. Car je suis trop convaincu par de longues expériences positives que de vrais amis m’ont aidé à faire au cours de ma vie, que vivre c’est donner. Ce n’est pas une option parmi d’autres, c’est une question de vie ou de mort de notre personnalité, de notre identité. Nous sommes nés pour cela. Comme le cœur a été créé pour battre sans cesse et faire continuellement circuler le sang dans nos veines, sous peine de mort instantanée de notre corps tout entier s’il lui prenait envie de se reposer même quelques secondes, ainsi nous avons été créés pour donner et nous donner.

    Mais entendons-nous. Il ne s’agit évidemment pas de donner n’importe quoi à n’importe qui et à n’importe quel moment ou dans n’importe quelle condition. Il y a toute une sagesse dans l’art de donner et de se donner. C’est d’abord une attitude de base de l’intelligence et du cœur qui se développe, si on la laisse faire au fil des ans, et dont on ne peut plus se passer. Tout change peu à peu en moi quand la première question que je me pose en me réveillant le matin est de me dire : à qui je pourrai donner ou me donner aujourd’hui ? Qui je pourrai contacter pour lui demander des nouvelles ? Avec qui je pourrai partager ? Qui je pourrai aider ? Qui je pourrai visiter (quand le confinement sera terminé !!) ?

    L’âme de la vie, c’est accueillir l’autre de tout mon cœur et lui donner tout ce que je peux. C’est valable en famille comme c’est valable au travail. L’enseignant avec ses élèves, le médecin avec ses patients, le commerçant avec ses clients, l’employé avec les personnes qui se présentent à son guichet. Car vouloir donner seulement à certaines personnes, celles avec qui c’est facile, c’est l’assurance que tout va peu à peu se dessécher en moi et arrivera le jour où je ne saurai même plus donner aux personnes « faciles ».

    Bien sûr, donner sera toujours un risque. Celui en particulier d’être trahi, comme le dit notre amie. C’est un risque réel. Mais quand nous avons peu à peu créé autour de nous tout un courant de solidarité et de générosité, alors le risque devient de moins en moins fort, ou plutôt il se dilue complètement dans la foule de toutes les personnes avec lesquelles le don est devenu peu à peu réciproque et non plus dans le seul sens où c’est toujours moi qui donne et qui « me fais avoir » à la fin.

    Si je suis dans une relation de donation avec quatre personnes et que deux d’entre elles me trahissent, il y a évidemment de quoi me décourager pour toujours. Mais si les personnes avec lesquelles je vis finalement cette réciprocité de l’accueil et du don sont 200 ou plus, les deux personnes qui me trahissent encore ne vont plus beaucoup me toucher, simplement parce que je n’ai plus le temps de trop penser à elles. Ou, quand j’y pense, je peux même les remercier parce que souvent on se crée des problèmes en donnant de manière maladroite, en pensant à soi-même plus qu’au bien de l’autre, et on a toujours des progrès à faire dans l’art de donner de manière désintéressée…

    Tout cela est dit de manière bien trop rapide, je le sais. Je ne voudrais pas effrayer non plus quelqu’un qui n’a pas un cercle d’amis très large. Moi, c’était pire encore : quand j’étais jeune, je n’avais pas du tout d’ami véritable et je me sens en quelque sorte miraculé de pouvoir donner aujourd’hui ce témoignage. Et puis personne ne doit se comparer à personne. Chacun doit inventer sa manière de donner selon son caractère et ses talents qui sont toujours uniques. Et ce n’est pas non plus une question de nombre de personnes à qui je peux donner, mais de qualité du don… On ne peut pas tout dire sur un tel sujet en quelques lignes de l’article d’un blog. Mais je pense que c’est une base de départ pour un dialogue clair que je serais heureux de continuer avec mes lecteurs à la première occasion.


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  • « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ! Amen, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens. » (Mt 24, 46-47)

    Je voudrais revenir sur cette phrase merveilleuse, cette béatitude inattendue. Car si nous plongeons au fond de son secret, nous allons y trouver toute l’humanité qui est le bien de Dieu le plus précieux. Tellement précieux que le Père a décidé d’envoyer son Fils bien-aimé devenir lui-même humanité. On croirait rêver si ce n’était pas déjà cette vérité qui nous guide du premier instant de notre vie jusqu’à notre départ pour l’au-delà.

    Si Dieu veut maintenant nous confier tous ses biens, cela veut dire qu’en premier lieu il a décidé de nous confier l’humanité. Si j’ai été au moins un peu fidèle à la Parole de Dieu, si j’ai essayé de la mettre en pratique de tout mon cœur, malgré mes limites, mes faiblesses et mes infidélités, voilà que Dieu va me récompenser en me confiant tous ces frères et ces sœurs qui peuplent la terre entière, avec ceux qui y sont déjà passés et ceux qui viendront. C’est à peine croyable ! Car Jésus a bien dit « tous ses biens », pas seulement quelques-uns par-ci par-là, Dieu ne fait jamais les choses à moitié.

    Bien sûr ce n’est pas à moi seulement qu’il confie toute l’humanité, mais à tous ceux qui comme moi, je l’espère, ont décidé de suivre Jésus le plus possible. Ça veut dire tout à coup que toi, mon ami, mon frère, toi, mon amie, ma sœur, Dieu t’a confié ou t’a confiée à moi, comme en même temps il m’a confié à toi… Mais comment pourrai-je désormais te regarder avec crainte ou défiance, ou impatience, alors que tu es le plus beau cadeau que Dieu me donne ?

    Mais il s’agit de bien comprendre ici ce cadeau extraordinaire que Dieu a déjà commencé à nous faire. Il faut nous rappeler que le Dieu des béatitudes n’est pas capable de posséder, son pouvoir tout puissant ne sera jamais le pouvoir capricieux d’un tyran qui veut tout dominer, mais le pouvoir d’amour infini qui est la source de vie de tout l’univers et de chacun de nous. Si Dieu nous confie nos frères et nos sœurs en humanité, c’est pour que nous laissions pénétrer au plus profond de nous son pouvoir infini qui fait vivre l’univers. Nous pouvons, si nous le voulons et si nous nous laissons faire par Dieu, devenir nous aussi source de vie pour tous ceux que nous côtoyons du matin au soir, jusqu’à la fin de notre vie.

    Oui, on a du mal à saisir tout de suite la portée d’un cadeau qui sort tellement de l’ordinaire. On dirait de la magie. Dieu nous donne sur les autres le même pouvoir d’amour qui jaillit à chaque instant de son cœur divin. Comme il donne aux autres ce même pouvoir de nous aimer à leur tour dans la réciprocité. Si nous nous laissons entraîner pour toujours dans ce courant d’amour notre vie ne pourra plus jamais revenir en arrière…

    Elle sera désormais une immense aventure, avec les mêmes joies que Dieu éprouve et les mêmes souffrances. Car nous aurons jusqu’à la fin de notre vie la joie immense d’avoir fait profiter ceux que nous aimons de cette lumière divine, la joie de leur avoir apporté du bonheur, de l’espoir, de la paix au milieu des épreuves de la vie. Et en même temps nous souffrirons comme le cœur de Dieu chaque fois que certains de nos frères nous feront du mal ou se détourneront de nous, car Dieu les a créés libres. Le pouvoir de Dieu ne sera jamais un pouvoir qui oblige les autres à aimer, mais simplement qui leur donne tous les moyens de le faire. Le cadeau de Dieu est de recevoir ces frères et ces sœurs qu’il a créés en don pour nous, comme il nous a créés en don pour eux, mais sans jamais que nous puissions nous posséder les uns les autres, ce qui serait détruire en un instant toute la beauté de notre cadeau !

     

     


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  • « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ! Amen, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens. » (Mt 24, 46-47)

    Encore une phrase merveilleuse, une nouvelle béatitude ! Après toutes ces descriptions effrayantes de notre chapitre 24, voilà qu’en un tour de passe-passe tout change. Combien est incroyable l’amour de Dieu pour chacun de nous, pour toute l’humanité, tellement hors de proportion avec tous les pauvres efforts que nous essayons de faire !

    C’est que finalement Jésus ne nous demande rien de bien compliqué, il suffit de faire notre « travail », c’est-à-dire la volonté de Dieu sur nous. Facile à dire, quand on sait que la volonté de Dieu est tout de même de nous aimer les uns les autres sans conditions et d’être unis au nom de Jésus pour qu’il soit présent au milieu de nous et qu’il nous ouvre le chemin du Père…

    Mais Jésus ne nous demande finalement que de l’accueillir pleinement au fond de notre cœur et de le laisser en fait continuer le « travail ». Car c’est justement Lui au milieu de nous qui nous conduit ensuite sur la route du Royaume. Et ce qui est encore plus inattendu, c’est la récompense qui nous attend. Voilà que Dieu va nous confier maintenant « la charge de tous ses biens. » Tous les biens de Dieu ! Cela ne nous donne-t-il pas le vertige ? Ne savons-nous pas que les biens de Dieu, c’est d’abord cette vie inouïe de la Trinité descendue parmi nous sur la terre ? Et puis toute la création, à commencer par notre petite planète à la fois si grande et si fragile, et tous les biens de l’humanité ?

    Et c’est là qu’on découvre combien l’amour de Dieu est d’une logique que nous n’arriverons jamais à vraiment comprendre. Car comment peut-il promettre à un seul serviteur de lui confier tous ses biens ? Et si tous les autres serviteurs sont aussi fidèles que le premier, Dieu ne devra-t-il pas revoir sa promesse et commencer à diviser ces biens ? C’est cela notre première pensée humaine, bien mesquine. Mais non, Dieu dans son amour donne tout à chacun de nous. Car les biens de Dieu ne sont pas des possessions comme celles que nous nous sommes faites sur la terre, qu’on peut se voler les uns les autres. Les biens de Dieu, c’est la relation d’amour qu’il a en Lui-même entre le Père et le Fils dans l’Esprit et c’est en même temps cette puissance de vie, cette source de vie qu’il est Lui-même, qui ne se possède pas, mais qui grandit en se donnant. Voilà que Dieu nous fait devenir Dieu en quelque sorte avec Lui, et dans cette vie ouverte à l’infini, il n’y a pas de divisions, de jalousie, de concurrence. C’est déjà le paradis qui commence sur la terre…


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  • J’ai commencé ce mois de février par un article bien spécial que je dédie à tous mes fidèles lecteurs : « 50 ans au Moyen Orient » dans la rubrique « Découvertes ». J’ai essayé de dire en quelques mots la joie de pouvoir fêter cette année mon jubilé d’or de 50 ans passés au Liban et au Moyen Orient. Une aventure extraordinaire remplie de joies et de souffrances partagées avec tous ces amis qui m’ont changé la tête et le cœur et que je ne pourrai remercier qu’en continuant jusqu’à la fin de mes jours à vivre avec eux, avec vous, cet idéal que j’ai rencontré au fil du temps d’accueillir l’autre et de lui donner la vie qui coule au fond de moi…

    Puis l’essentiel des publications de ce mois, que chacun a vécu au Liban confiné à la maison, a été d’avancer dans la lecture et la méditation du chapitre 24 de l’Evangile de Matthieu, dans « Perles de la Parole ». « De Marc à Matthieu 24 » du 3 au 18 février (articles 1 à 7). Puis « Matthieu 24 » le 20 du mois, pour essayer de donner un regard synthétique sur ce chapitre exceptionnel. Et enfin quelques nouvelles « Perles de la Parole » : « Nous sauver tous ensemble », le 22 février, « Comme au temps de l’arche de Noé », le 24, et « Toujours prêts à l’accueillir », le 26.

    A cela il faut ajouter deux articles dans « Accueil » pour dire aussi la joie de fêter le « 6e anniversaire de notre blog » (articles 1 et 2), le 10 et le 12 février. Je m’étais lancé, un peu hésitant, dans ce beau chantier le 10 février 2015 et, grâce à vos encouragements, vos commentaires, vos remerciements ou vos critiques constructives, nous sommes toujours là tous ensemble, pour tâcher de semer un peu de lumière et d’espoir autour de nous, dans ce monde qui en manque tellement !


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  • « Tenez-vous donc prêts vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » (Mt 24,44)

    Ici encore, il y a deux manières bien différentes d’interpréter cette phrase de Jésus. La première c’est une réaction d’inquiétude, celle du serviteur qui a peur que son maître arrive à l’improviste et qu’il soit puni. Un pauvre serviteur déjà tout seul dans son coin et qui tremble à l’avance car il ne sait compter que sur lui-même. C’est la réaction de quelqu’un qui n’a confiance ni en son maître ni en lui-même ni dans les autres, qui est esclave de la loi et des apparences extérieures… et qui n’a donc rien compris au message de Jésus.

    L’Evangile de Matthieu est rempli de ces descriptions effrayantes qui deviennent angoissantes… pour celui qui n’a pas compris que tout l’esprit de Jésus est un esprit d’amour et de miséricorde, l’esprit de celui qui n’est pas venu pour juger ou condamner, mais pour sauver les malades et les pécheurs que nous sommes.

    Il nous a pourtant bien dit de chercher d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste nous sera donné par surcroit, parce que le Père nous aime et il sait ce dont nous avons besoin. Alors, bien sûr qu’une telle phrase va nous pousser à aimer encore plus, mais pas par crainte, simplement parce que nous avons trouvé en Jésus notre équilibre et notre paix, la paix intérieure et la paix dans nos relations avec les autres.

    Et à partir de là non seulement il n’y a plus d’inquiétude à avoir, puisque nous serons toujours avec lui, nous savons à chaque instant où il se trouve, nous le voyons arriver, nous suivons tous ses mouvements. Et si par hasard nous avons été distraits un moment, Jésus est venu pour donner sa vie pour nos limites et nos faiblesses. Et puis, si nous faisons sa volonté qui est d’aimer notre prochain et d’être unis au nom de Jésus, l’attente de l’arrivée de Dieu est encore plus belle et plus sereine, car c’est ensemble que nous allons l’accueillir. Son arrivée sera alors une fête, celle de la venue de l’Epoux que Jésus nous a déjà décrite. Et nous allons nous aider les uns les autres à rendre cette fête encore plus belle…


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