• « Celui qui a recevra encore ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. » (Mc 4,25) (cf. Mt 25,29 et déjà Mt 13,12 : « Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. »)

    Toujours et encore la même logique ! La logique du don et du centuple ! Alors que souvent nous pensons qu’en donnant nous allons nous priver de quelque chose, Dieu nous fait entrer dans la dynamique de la Trinité où nous recevons parce que nous donnons et que l’autre accueille notre don et nous donne à son tour dans la réciprocité. Nous voulons recevoir ? Alors donnons, donnons avec plus de force et d’enthousiasme encore.

    C’est logique au fond, car si Dieu m’a mis dans une famille, une communauté, une patrie, si je me mets à donner et si tout circule, moi je pourrai peut-être faire bien peu, mais voilà que tous les autres autour de moi vont prendre soin de moi ! Vision utopique, impossible : c’est pourtant celle que nous vivrons dans quelques années au paradis. Mais, en attendant, chaque fois que nous semons un peu de paradis sur terre, celui-ci déjà commence à germer et à porter du fruit bien au-delà de ce que nous pouvions espérer : « sur la terre comme au ciel » !

    L’important c’est de ne jamais arrêter ce mouvement perpétuel de l’accueil et du don. Alors « avoir », oui, mais posséder pour moi, arrêter tout à coup ce mouvement du don pour me replier sur moi-même et les richesses que je crois avoir, non, jamais. Ce serait alors que je me ferais enlever même ce que j’ai. Et là encore, si je suis tombé dans le piège, il suffit de me remettre en route, car Dieu en moi n’a jamais cessé de recevoir, d’avoir et de donner.

     


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  • J’ai publié récemment une phrase qui disait : « La confiance est contagieuse, elle se propage comme la flamme qui va d’une bougie à l’autre, illumine tout sur son passage et réchauffe les cœurs… » Une de mes meilleures lectrices commente : « Si seulement on pouvait toujours avoir confiance. » Comme c’est beau et difficile en même temps d’avoir confiance, notre amie a bien raison.

    Mais tâchons quand même d’y voir plus clair. J’ai essayé une fois de partager mon expérience qui m’a montré qu’il ne s’agit pas tellement d’ « avoir confiance », mais de « faire confiance » à quelqu’un. Quand « j’ai confiance » en quelqu’un, c’est en général parce que je le connais bien et qu’il m’a prouvé depuis longtemps par son amitié ou sa bienveillance qu’il sera toujours prêt à être à mes côtés, à m’aider, à me soutenir, à me rendre service, comme moi-même certainement je le ferais avec lui. « Avoir confiance » se base donc le plus souvent sur les beaux moments d’une relation qui dure peut-être depuis bien longtemps. Et l’on voudrait pouvoir être sûr d’avoir ainsi confiance en tout le monde et l’on voit que malheureusement c’est impossible. Alors que faire ? Se résigner à la présence chaleureuse de quelques amis bien rares et voir le reste du monde avec méfiance ou soupçon ? Comme la vie risque alors d’être bien triste et décourageante !

    La deuxième possibilité de vivre la confiance est alors de « faire confiance » à quelqu’un. C’est évidemment beaucoup plus difficile. Car c’est chaque fois une sorte de saut dans le vide, un acte de foi que l’on fait vis-à-vis de l’autre en prenant des risques, car on n’a encore très peu d’assurance que tout va bien se passer. Mais n’est-ce pas ce que nos parents ont dû faire avec nous quand nous avons grandi ? N’est-ce pas ce que le directeur d’une entreprise doit faire avec un nouvel employé ou simplement ce qu’un mari et une femme commencent à apprendre lorsque débute leur vie ensemble sous le même toit ?

    La confiance devient alors un choix de vie. On décide de s’y jeter en général, comme j’ai eu le courage de le faire moi-même, quand on a rencontré des personnes qui nous ont changé la vie parce qu’elles nous ont vraiment fait confiance au-delà peut-être des premières apparences un peu difficiles ou compliquées. C’est que chacun de nous est au départ comme une plante un peu desséchée qui a seulement besoin qu’on l’arrose de temps en temps, ou brûlée par le soleil et qui a besoin qu’on la mette plus souvent à l’ombre…

    Faire confiance à l’autre, c’est l’accueillir d’abord comme il est, sans essayer tout de suite de l’enfermer dans nos catégories, et voir avec délicatesse comment lui apporter justement « l’eau » ou « l’ombre » dont il aurait besoin. Puis attendre le bon moment pour lui confier une tâche déjà importante qui va lui montrer que nous croyons en lui, à sa bonne volonté et à ses capacités. Et s’il se trompe, lui montrer qu’il n’y a rien de grave, et lui raconter humblement combien de fois nous-mêmes avons fait des gaffes avant de savoir nous débrouiller dans tel ou tel travail ou tel type de relation.

    Le miracle est alors que la personne ainsi regardée et traitée avec respect et amour, qui sont souvent si rares dans les relations sociales ordinaires, va peu à peu se transformer et tout faire pour répondre à cette confiance nouvelle qui est pour elle une heureuse surprise. Quand on accepte de prendre de tels risques, l’expérience nous dit que sur cent fois, on aura peut-être quelques accidents, mais combien de nouveaux amis qui nous feront confiance à leur tour et la confiance sera vraiment contagieuse.

    C’est simple, ou bien la confiance reste une assurance intéressante basée sur le passé mais qui demeure dans un cercle clos qui ne va pas loin, ou bien elle devient un chemin qui se fraye un passage dans la bataille de la vie, où l’on s’écorche de temps en temps sur des obstacles imprévus, mais où les horizons et le cœur s’élargissent tellement qu’on ne peut plus revenir en arrière. Au point que si, au départ, c’est nous qui cherchions les gens pour créer des ponts avec eux, ce sont eux maintenant qui nous cherchent de tous les côtés comme un boomerang de réciprocité qui veut dire alors que la confiance a gagné sa bataille… même si chaque jour elle est encore à recommencer. Et le premier fruit de tout cela c’est que nous-mêmes nous nous sentons tellement plus libres avec tout le monde…


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  • J’ai publié récemment une phrase qui disait : « Donner, c’est libérer enfin l’amour qui restait coincé au fond de notre cœur ! » Une amie me répond : « Comment peut-on donner si on a envie de donner, mais qu’on se retrouve à nouveau cœur solitaire ? Je pense qu’on peut bien entendu donner aux proches, aux amis… Mais il ne s’agit pas de la même chose. Et puis il y a la peur de donner et d’être trahie à nouveau… »

    C’est vrai, ce n’est sûrement pas la première critique que je reçois à ce sujet. Et je le comprends d’autant plus que moi le premier j’ai vécu toute une partie de ma vie avec la peur de donner et de me donner. Mais je voudrais répondre à cette amie et à tous ceux qui pensent comme elle qu’il y a ici un grand malentendu.

    Ce n’est pas tellement de donner que nous avons peur, mais de vivre tout simplement. Et celui qui a peur de vivre n’en a en général aucune faute. Car nous sommes tous quelque part les victimes d’une société qui n’arrête pas de nous faire mal, de nous obliger à rester sages dans notre coin pour ne pas nous faire remarquer et être ensuite encore plus maltraités et obligés à la fin de nous résigner à une vie médiocre où on essaye seulement de souffrir le moins possible avec quelques petites joies de temps en temps…

    Non, je ne me résignerai jamais à une vision pareille. Car je suis trop convaincu par de longues expériences positives que de vrais amis m’ont aidé à faire au cours de ma vie, que vivre c’est donner. Ce n’est pas une option parmi d’autres, c’est une question de vie ou de mort de notre personnalité, de notre identité. Nous sommes nés pour cela. Comme le cœur a été créé pour battre sans cesse et faire continuellement circuler le sang dans nos veines, sous peine de mort instantanée de notre corps tout entier s’il lui prenait envie de se reposer même quelques secondes, ainsi nous avons été créés pour donner et nous donner.

    Mais entendons-nous. Il ne s’agit évidemment pas de donner n’importe quoi à n’importe qui et à n’importe quel moment ou dans n’importe quelle condition. Il y a toute une sagesse dans l’art de donner et de se donner. C’est d’abord une attitude de base de l’intelligence et du cœur qui se développe, si on la laisse faire au fil des ans, et dont on ne peut plus se passer. Tout change peu à peu en moi quand la première question que je me pose en me réveillant le matin est de me dire : à qui je pourrai donner ou me donner aujourd’hui ? Qui je pourrai contacter pour lui demander des nouvelles ? Avec qui je pourrai partager ? Qui je pourrai aider ? Qui je pourrai visiter (quand le confinement sera terminé !!) ?

    L’âme de la vie, c’est accueillir l’autre de tout mon cœur et lui donner tout ce que je peux. C’est valable en famille comme c’est valable au travail. L’enseignant avec ses élèves, le médecin avec ses patients, le commerçant avec ses clients, l’employé avec les personnes qui se présentent à son guichet. Car vouloir donner seulement à certaines personnes, celles avec qui c’est facile, c’est l’assurance que tout va peu à peu se dessécher en moi et arrivera le jour où je ne saurai même plus donner aux personnes « faciles ».

    Bien sûr, donner sera toujours un risque. Celui en particulier d’être trahi, comme le dit notre amie. C’est un risque réel. Mais quand nous avons peu à peu créé autour de nous tout un courant de solidarité et de générosité, alors le risque devient de moins en moins fort, ou plutôt il se dilue complètement dans la foule de toutes les personnes avec lesquelles le don est devenu peu à peu réciproque et non plus dans le seul sens où c’est toujours moi qui donne et qui « me fais avoir » à la fin.

    Si je suis dans une relation de donation avec quatre personnes et que deux d’entre elles me trahissent, il y a évidemment de quoi me décourager pour toujours. Mais si les personnes avec lesquelles je vis finalement cette réciprocité de l’accueil et du don sont 200 ou plus, les deux personnes qui me trahissent encore ne vont plus beaucoup me toucher, simplement parce que je n’ai plus le temps de trop penser à elles. Ou, quand j’y pense, je peux même les remercier parce que souvent on se crée des problèmes en donnant de manière maladroite, en pensant à soi-même plus qu’au bien de l’autre, et on a toujours des progrès à faire dans l’art de donner de manière désintéressée…

    Tout cela est dit de manière bien trop rapide, je le sais. Je ne voudrais pas effrayer non plus quelqu’un qui n’a pas un cercle d’amis très large. Moi, c’était pire encore : quand j’étais jeune, je n’avais pas du tout d’ami véritable et je me sens en quelque sorte miraculé de pouvoir donner aujourd’hui ce témoignage. Et puis personne ne doit se comparer à personne. Chacun doit inventer sa manière de donner selon son caractère et ses talents qui sont toujours uniques. Et ce n’est pas non plus une question de nombre de personnes à qui je peux donner, mais de qualité du don… On ne peut pas tout dire sur un tel sujet en quelques lignes de l’article d’un blog. Mais je pense que c’est une base de départ pour un dialogue clair que je serais heureux de continuer avec mes lecteurs à la première occasion.


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  • « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ! Amen, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens. » (Mt 24, 46-47)

    Je voudrais revenir sur cette phrase merveilleuse, cette béatitude inattendue. Car si nous plongeons au fond de son secret, nous allons y trouver toute l’humanité qui est le bien de Dieu le plus précieux. Tellement précieux que le Père a décidé d’envoyer son Fils bien-aimé devenir lui-même humanité. On croirait rêver si ce n’était pas déjà cette vérité qui nous guide du premier instant de notre vie jusqu’à notre départ pour l’au-delà.

    Si Dieu veut maintenant nous confier tous ses biens, cela veut dire qu’en premier lieu il a décidé de nous confier l’humanité. Si j’ai été au moins un peu fidèle à la Parole de Dieu, si j’ai essayé de la mettre en pratique de tout mon cœur, malgré mes limites, mes faiblesses et mes infidélités, voilà que Dieu va me récompenser en me confiant tous ces frères et ces sœurs qui peuplent la terre entière, avec ceux qui y sont déjà passés et ceux qui viendront. C’est à peine croyable ! Car Jésus a bien dit « tous ses biens », pas seulement quelques-uns par-ci par-là, Dieu ne fait jamais les choses à moitié.

    Bien sûr ce n’est pas à moi seulement qu’il confie toute l’humanité, mais à tous ceux qui comme moi, je l’espère, ont décidé de suivre Jésus le plus possible. Ça veut dire tout à coup que toi, mon ami, mon frère, toi, mon amie, ma sœur, Dieu t’a confié ou t’a confiée à moi, comme en même temps il m’a confié à toi… Mais comment pourrai-je désormais te regarder avec crainte ou défiance, ou impatience, alors que tu es le plus beau cadeau que Dieu me donne ?

    Mais il s’agit de bien comprendre ici ce cadeau extraordinaire que Dieu a déjà commencé à nous faire. Il faut nous rappeler que le Dieu des béatitudes n’est pas capable de posséder, son pouvoir tout puissant ne sera jamais le pouvoir capricieux d’un tyran qui veut tout dominer, mais le pouvoir d’amour infini qui est la source de vie de tout l’univers et de chacun de nous. Si Dieu nous confie nos frères et nos sœurs en humanité, c’est pour que nous laissions pénétrer au plus profond de nous son pouvoir infini qui fait vivre l’univers. Nous pouvons, si nous le voulons et si nous nous laissons faire par Dieu, devenir nous aussi source de vie pour tous ceux que nous côtoyons du matin au soir, jusqu’à la fin de notre vie.

    Oui, on a du mal à saisir tout de suite la portée d’un cadeau qui sort tellement de l’ordinaire. On dirait de la magie. Dieu nous donne sur les autres le même pouvoir d’amour qui jaillit à chaque instant de son cœur divin. Comme il donne aux autres ce même pouvoir de nous aimer à leur tour dans la réciprocité. Si nous nous laissons entraîner pour toujours dans ce courant d’amour notre vie ne pourra plus jamais revenir en arrière…

    Elle sera désormais une immense aventure, avec les mêmes joies que Dieu éprouve et les mêmes souffrances. Car nous aurons jusqu’à la fin de notre vie la joie immense d’avoir fait profiter ceux que nous aimons de cette lumière divine, la joie de leur avoir apporté du bonheur, de l’espoir, de la paix au milieu des épreuves de la vie. Et en même temps nous souffrirons comme le cœur de Dieu chaque fois que certains de nos frères nous feront du mal ou se détourneront de nous, car Dieu les a créés libres. Le pouvoir de Dieu ne sera jamais un pouvoir qui oblige les autres à aimer, mais simplement qui leur donne tous les moyens de le faire. Le cadeau de Dieu est de recevoir ces frères et ces sœurs qu’il a créés en don pour nous, comme il nous a créés en don pour eux, mais sans jamais que nous puissions nous posséder les uns les autres, ce qui serait détruire en un instant toute la beauté de notre cadeau !

     

     


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  • « Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera à son travail ! Amen, je vous le déclare : il lui confiera la charge de tous ses biens. » (Mt 24, 46-47)

    Encore une phrase merveilleuse, une nouvelle béatitude ! Après toutes ces descriptions effrayantes de notre chapitre 24, voilà qu’en un tour de passe-passe tout change. Combien est incroyable l’amour de Dieu pour chacun de nous, pour toute l’humanité, tellement hors de proportion avec tous les pauvres efforts que nous essayons de faire !

    C’est que finalement Jésus ne nous demande rien de bien compliqué, il suffit de faire notre « travail », c’est-à-dire la volonté de Dieu sur nous. Facile à dire, quand on sait que la volonté de Dieu est tout de même de nous aimer les uns les autres sans conditions et d’être unis au nom de Jésus pour qu’il soit présent au milieu de nous et qu’il nous ouvre le chemin du Père…

    Mais Jésus ne nous demande finalement que de l’accueillir pleinement au fond de notre cœur et de le laisser en fait continuer le « travail ». Car c’est justement Lui au milieu de nous qui nous conduit ensuite sur la route du Royaume. Et ce qui est encore plus inattendu, c’est la récompense qui nous attend. Voilà que Dieu va nous confier maintenant « la charge de tous ses biens. » Tous les biens de Dieu ! Cela ne nous donne-t-il pas le vertige ? Ne savons-nous pas que les biens de Dieu, c’est d’abord cette vie inouïe de la Trinité descendue parmi nous sur la terre ? Et puis toute la création, à commencer par notre petite planète à la fois si grande et si fragile, et tous les biens de l’humanité ?

    Et c’est là qu’on découvre combien l’amour de Dieu est d’une logique que nous n’arriverons jamais à vraiment comprendre. Car comment peut-il promettre à un seul serviteur de lui confier tous ses biens ? Et si tous les autres serviteurs sont aussi fidèles que le premier, Dieu ne devra-t-il pas revoir sa promesse et commencer à diviser ces biens ? C’est cela notre première pensée humaine, bien mesquine. Mais non, Dieu dans son amour donne tout à chacun de nous. Car les biens de Dieu ne sont pas des possessions comme celles que nous nous sommes faites sur la terre, qu’on peut se voler les uns les autres. Les biens de Dieu, c’est la relation d’amour qu’il a en Lui-même entre le Père et le Fils dans l’Esprit et c’est en même temps cette puissance de vie, cette source de vie qu’il est Lui-même, qui ne se possède pas, mais qui grandit en se donnant. Voilà que Dieu nous fait devenir Dieu en quelque sorte avec Lui, et dans cette vie ouverte à l’infini, il n’y a pas de divisions, de jalousie, de concurrence. C’est déjà le paradis qui commence sur la terre…


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