• « Maintenant Dieu abandonne votre Temple entre vos mains, et il restera désert. » (Mt 23,38)

    C’est la plus grande conséquence du péché de l’humanité que nous puissions imaginer. Et ce n’est pas Dieu qui est ici en train de punir l’homme. C’est l’homme lui-même qui s’est tellement séparé de Dieu qu’il n’est même plus capable de se réconcilier avec Lui. Et l’homme continue à se sentir important avec toutes ses richesses, son pouvoir et ses possessions. Mais il ne se rend pas compte qu’il est désormais comme un cadavre, comme un corps qui aurait encore tous ses membres, son cœur, son cerveau, ses mains et ses poumons, mais qui n’aurait plus la vie en lui-même, car la vie se serait tout à coup retirée au loin…

    Le temple que Dieu a donné à l’homme pour qu’il conduise l’humanité à Lui, va être tout à coup vidé de toute signification, il « restera désert » et sans force, à la merci de tous les oiseaux de proie qui seront tout contents de venir le détruire et se diviser le peu de richesses inutiles qui peuvent encore garnir ses murs, qui étaient auparavant l’écrin majestueux qui abritait le trésor de Dieu… C’est malheureusement le sens de l’histoire réelle qui s’est passée à Jérusalem il y a bientôt 2000 ans.

    Mais c’est aussi ce qui est arrivé au long de toute l’histoire des hommes chaque fois qu’un homme ou qu’un groupe ou qu’un peuple a pris les dons de Dieu pour les conserver égoïstement pour lui-même au lieu de les partager avec les autres pour le bien de l’humanité. Cette leçon des béatitudes que nous avons méditée depuis les premiers chapitres de notre Evangile de Matthieu est en train de se conclure. Ou bien l’homme entre dans la dynamique merveilleuse de l’accueil et du don qui se vit à l’intérieur de la Trinité et que Jésus est venu nous apporter sur la terre, ou bien il devient comme un fleuve d’eau vive qui se serait tout à coup desséché. Comme un cœur qui s’arrêterait d’irriguer le corps du sang qui lui donne la vie et qui deviendrait soudain comme un cœur de pierre immobile et inutile, replié sur lui-même pour mourir asphyxié.

    Il est peut-être bon de méditer sur quelques images terribles de ce genre pour comprendre le message de Matthieu, tellement rempli d’amour, mais qui devrait tout de même nous faire peur si nous avions un minimum de conscience et de sens de la responsabilité. La vie du paradis que la Trinité a voulu partager avec l’humanité n’est pas un jeu insignifiant, elle est le plus grand des cadeaux que Dieu pouvait faire à l’humanité, mais elle comporte un minimum de règles qu’il nous convient de respecter si nous ne voulons pas tout gâcher. Cela vaut la peine d’essayer de plonger alors dès maintenant dans cette dynamique de l’amour trinitaire qui reçoit seulement pour partager, et recevoir encore pour continuer à partager, si nous ne voulons pas finir comme le temple de Jérusalem, alors que Dieu a préparé pour nous le plus beau des trésors…

     

     


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  • « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu. » (Mt 23,37)

    On peut faire ici tout de suite quelques considérations très simples. Dieu nous aime tellement qu’il est comme une mère poule qui n’a pas d’autre but que de « rassembler ses poussins sous ses ailes ». C’est une image merveilleuse de la relation d’amour entre Dieu et l’humanité et en même temps entre les hommes sous les ailes de Dieu qui les protège.

    Mais malheureusement les « enfants » de Dieu, ou ici les enfants de Jérusalem qui était alors le symbole de la famille de Dieu, la représentation du dessein de Dieu sur la terre, n’ont pas su profiter de la liberté merveilleuse que Dieu leur avait donnée et ils se sont détournés de Lui. Cela semble ici irrémédiable. Jésus parle désormais au passé : « vous n’avez pas voulu ». Tout au long de l’histoire du peuple élu, Dieu a envoyé ses prophètes pour essayer de remettre ses enfants sur le bon chemin, mais ils n’ont pas compris ses messages et maintenant il est trop tard.

    Il est trop tard car le dernier envoyé de Dieu n’est plus un simple prophète aussi inspiré, dévoué et saint soit-il, c’est le Fils de Dieu lui-même qui est venu faire une dernière tentative. On peut imaginer la tristesse de Jésus cet homme-Dieu que les hommes ont refusé. La croix et la mort sont là toutes proches. C’est le seul remède que Dieu a trouvé pour sauver l’humanité. Comment imaginer un amour plus grand, plus infini ?

    Mais ce qui est trop tard pour « Jérusalem » qui va bientôt être détruite misérablement après avoir participé à la destruction de son Dieu, n’est pas trop tard pour l’humanité. Car Dieu va maintenant pouvoir vaincre la mort et le péché en passant de cette mort assumée à la résurrection et à la vie pour toujours. Dommage bien sûr que ces hommes n’aient rien compris. La miséricorde de Dieu est tellement infinie qu’elle va faire renaître le dessein de Dieu sur l’humanité de ses cendres. Car c’est l’humanité tout entière qui est au fond le véritable peuple élu…

    Mais à condition maintenant que chacun d’entre nous à qui Dieu a confié sa nouvelle mission et son message d’amour pour l’humanité ne les détourne pas à nouveau comme l’a fait Jérusalem. Pourquoi l’homme, et donc chacun de nous, est-il si faible, si ingrat qu’il est capable de prendre le trésor de Dieu pour se croire en quelque sorte tout-puissant lui-même, comme s’il n’avait plus besoin du Dieu véritable et se retourner contre Lui ? A chacun de nous et tous ensemble de méditer longuement sur ce douloureux épisode, de purifier chaque jour nos intentions. A une époque où l’Eglise passe par une crise où viennent au grand jour tous ses abus et ses injustices de toutes sortes, c’est peut-être le bon moment de comprendre la leçon et de nous remettre sur le droit chemin de l’Evangile avant qu’il ne soit « trop tard » de nouveau… Même si nous savons que l’amour infini de Dieu est toujours capable de trouver une nouvelle sortie… Mais ce serait tellement beau si nous ne l’obligions pas encore une fois à ce genre de solutions extrêmes… 


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  • « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe afin que l’extérieur aussi devienne pur. » (Mt 23,25-26)

    Jésus se lance ici avec nous à la découverte d’une des clés les plus extraordinaires pour pénétrer dans son paradis. C’est la clé que nous avons déjà perçue au cœur des béatitudes, lorsque Jésus proclamait : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » (Mt 5,8)

    La pureté divine de l’amour est en fait l’unique solution à notre problème. Si l’on oublie un instant le mal dans le monde qui est capable de transformer un homme en un monstre d’hypocrisie, comme nous le décrit ici Jésus, et si nous nous regardons nous-mêmes avec notre bonne volonté et nos faiblesses et nos limites, il est évident que la pureté n’est pas un objectif très facile à atteindre.

    Ce qui est sûr, c’est que la pureté est d’abord intérieure, pureté de l’âme, de l’esprit et du cœur, ou bien elle n’est qu’une mauvaise comédie, un mensonge et une hypocrisie totale. La pureté ne va qu’avec la vérité, la vérité avec soi-même, avec Dieu et avec les autres. On ne peut pas tricher avec la pureté.

    Mais qu’est-ce que la pureté, pour le dire en quelques mots d’une page de blog ? Ce n’est au fond rien d’autre que la qualité de l’amour pur de Dieu. La pureté n’est pas un état statique, celui par exemple de qui se referme sur soi-même pour ne pas commettre de péché en croyant ainsi être pur. La pureté, c’est l’amour qui se donne totalement et en toute liberté, à Dieu et au prochain. Et elle est en même temps tellement divine et délicate qu’elle ne peut pas être le simple fruit d’efforts humains, d’ascèse ou de domination de soi : ce serait déjà se regarder soi-même avec l’espoir orgueilleux de devenir plus pur que les autres, et la pureté aurait déjà disparu.

    La pureté est simple quand on aime et quand on s’aime comme Jésus nous a aimés. Car on sort de soi-même, on arrête de se regarder. Le centre de notre vie devient alors Dieu et notre prochain et notre regard se purifie alors de lui-même. Car celui qui se branche sur la dynamique trinitaire de l’accueil et du don de l’autre est pur car il se laisse pénétrer par la pureté de Dieu. Il n’a bientôt plus d’autre intérêt que celui de laisser l’amour de Dieu couler en lui et se déverser sur ses frères et sœurs en humanité.

    Et comme cette pureté ne peut pas se vivre seul, mais seulement dans la communauté des croyants qui s’aiment en Jésus et dans l’Esprit, on en arrive bientôt au miracle que notre pureté n’est pas une qualité de notre âme que nous devrions préserver des attaques qui nous viendraient de l’extérieur qui serait rempli de dangers. Non, la pureté est justement de sortir de soi-même pour aimer l’autre de tout son cœur, en ayant comme seul but, comme seul intérêt le bien de cet autre, sans jamais penser à en profiter. Aimer l’autre pour qu’il puisse dépasser ses souffrances, pour qu’il trouve enfin la liberté de voler de ses propres ailes, pour qu’il puisse respirer et être lui-même sans peur et en toute sérénité. Et quand deux ou trois personnes ou plus encore s’aiment ainsi dans la réciprocité pure de l’amour de Dieu, on commence à goûter déjà le paradis sur la terre.

     


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  • « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qu’il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. » (Mt 23,23)

    Cette fois-ci, la réprimande terrible de Jésus est au moins bien facile à comprendre. On dirait une sorte de caricature. Comment imaginer que ces responsables religieux soient plus préoccupés par la dîme sur des plantes ou des aliments que par la vie de la justice, de la miséricorde et de la fidélité (ou de la « bonne foi » selon une autre traduction) ? Cela dépasse les bornes, c’est tellement scandaleux…

    Et pourtant… et pourtant, est-ce que nous-mêmes faisons beaucoup mieux lorsque nous nous disputons à l’église sur une habitude liturgique, sur le fait de prendre l’hostie avec les mains ou non, sur la préséance pendant les célébrations, lorsque nous nous scandalisons parce que le prêtre a oublié une prière ou parce que son sermon n’est pas clair et en même temps nous oublions de nous aimer les uns les autres ? Ou lorsque nous nous transmettons la paix dans l’église sans même regarder dans les yeux celui ou celle à qui nous la donnons, nous allons à la communion avec peut-être de la haine dans le cœur pour la personne qui se trouve devant nous dans la file ou pour le prêtre qui officie à l’autel ? Et la liste de nos contradictions n’en finirait pas de s’allonger.

    Si nous nous demandions simplement pourquoi nos églises se vident, pourquoi le témoignage des chrétiens a si peu d’impact sur la vie politique, pourquoi faire la guerre ou vendre des armes semble normal à la plupart des personnes qui vont à la messe le dimanche, etc… alors nous verrions que les temps n’ont pas beaucoup changé depuis l’époque des scribes et des pharisiens qui scandalisaient Jésus. Devons-nous donc maintenant être découragés, pessimistes et nous replier encore plus sur nous-mêmes ? Certainement pas, mais profitons de ces remontrances de Jésus pour nous projeter chaque jour un peu plus vers ce qui fait l’essentiel de son message, l’amour, la miséricorde, la paix, la réconciliation, l’unité, l’accueil ou le don de soi, sans tomber encore dans le piège de nous comparer aux autres et de juger ceux qui ne sont pas sur la bonne voie, alors que nous faisons peut-être pire qu’eux.

    Branchons-nous sur l’essentiel, c’est ce que Jésus ne cesse de nous répéter. Ne perdons pas de temps à nous regarder ou à regarder les autres, mais aimons, aimons ceux qui nous aiment, aimons ceux qui nous haïssent, aimons ceux qui nous comprennent de travers, et surtout aimons-nous les uns les autres pour que Dieu vienne demeurer parmi nous et prenne vraiment les choses en main. N’avons-nous pas fait déjà l’expérience que beaucoup de choses changent alors complètement dans notre vie de tous les jours et que nous commençons à nous sentir tellement plus libres ? Car vivre la vie de Dieu, ou le laisser lui-même la vivre en nous, nous fait voler et nous rend à la fois tellement plus légers et tellement plus concrets dans le service efficace du Royaume de Dieu déjà présent sur la terre…


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  • Aujourd’hui nous fêtons au Liban, avec nos amis, l’arrivée au ciel il y a deux ans de Mgr Armando. Mgr Armando Bortolaso, religieux salésien italien qui a servi toute sa vie les peuples du Moyen Orient, où il est arrivé à l’âge de 18 ans pour finir comme évêque latin de Syrie, puis évêque émérite retiré dans sa communauté salésienne du Liban, avait 92 ans. Les deux dernières années de sa vie, il était entre la vie et la mort et il n’a cessé de donner sa lumière, sa paix, sa sagesse et son amour concret à une foule de gens qui accouraient chez lui pour le réconforter et qui sortaient de sa chambre bouleversés jusqu’aux larmes et désireux de commencer comme lui à vivre le paradis sur la terre.

    C’est cela que faisait simplement Mgr Armando depuis déjà de nombreuses années, de toutes ses forces et de toute son âme : il essayait de vivre le paradis sur terre, ou plus exactement de laisser le paradis vivre en lui et à travers lui. Il n’avait plus d’autre but dans la vie. Il ne se souciait même plus s’il allait mourir dans une semaine, un mois, un an. Ce qui l’importait c’était de donner sa vie et son amour jusqu’au dernier souffle à ceux que Dieu lui envoyait.

    Je ne sais pas si j’ai rencontré dans ma vie beaucoup d’autres personnes comme lui qui avaient compris l’essentiel et qui étaient surtout capables de mettre cet essentiel en pratique. Et cet essentiel pour lui n’était pas si compliqué. C’était simplement la vie de la Trinité que Jésus est venu nous apporter sur la terre et dont est rempli l’Evangile, quand on sait lire ce qui y est écrit et, plus encore, lire entre les lignes.

    Pour Mgr Armando, la vie c’était accueillir et se donner dans la pleine réciprocité, comme le Père et le Fils le font de toute éternité au ciel dans l’Esprit. Accueillir ceux qui venaient à lui et leur donner sa vie, son âme, son attention, son écoute, son expérience, son affection au-delà de la fatigue, au-delà de ses limites, comme s’il n’avait rien d’autre à faire. Les gens sortaient de chez lui remplis de lumière comme Moïse descendant de la montagne après avoir rencontré Dieu et souvent bouleversés pour toujours.

    Et ce qui était le plus extraordinaire, c’est que ce géant de l’amour et de la spiritualité était capable de se faire si petit devant chacun qu’il était tour à tour pour nous un père, un frère et même un fils. Il nous faisait exister, il faisait sentir à chacun qu’il avait un trésor caché au fond du cœur. Et il continuait à répéter à chacun sans se lasser sa phrase magique : « L’important, c’est de ne jamais plus descendre du train. » Et le train, c’était ce paradis que chacun de nous a pu connaître au cours de sa vie en essayant de mettre en pratique l’Evangile, mais que souvent les circonstances de la vie nous font oublier.

    Non, nous disait-il avec une extraordinaire force de conviction, ne te laisse jamais impressionner par tout ce qui peut t’arriver dans la vie de difficile, de douloureux, d’incompréhensible. Tu n’as pas la force d’aller de l’avant, tu es pauvre et faible, et découragé ? Ne te regarde pas. Pense à Jésus qui t’attend dans chaque prochain. Tu es tombé et tu n’arrives plus à avancer ? Jésus t’aime comme tu es, il ne se scandalise jamais d’aucun de nous. C’est lui qui nous a créés et qui nous aime. Il te demande seulement de ne plus jamais descendre du train et de te laisser porter. Et si jamais tu es quand même descendu du train en route, même cela n’est pas bien grave, Jésus dans sa miséricorde est toujours là à t’attendre…

     


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