• Quelques jours après l’accord politique historique entre les anciens ennemis de la guerre du Liban qui ont décidé de se réconcilier pour le bien du pays, apportant un immense espoir à tous les Libanais et pas seulement aux Libanais, je crois qu’il est bon de revoir en profondeur ce que nous appelons union ou unité.

    Nos deux leaders politiques, à peine apparus ensemble en public avec de grands sourires et des poignées de mains sincères, ont bien tenu à dire que ce rapprochement, sans doute inattendu pour certains, n’était en tous cas dirigé contre personne.

    Il ne s’agit pas d’une nouvelle alliance pour renier celles d’avant ou pour se chercher un partenaire plus fort au moment où l’on se sent faible dans la bataille. Non, il s’agit vraiment de montrer à tous les Libanais qui ont manifesté par milliers ces derniers mois pour exprimer leurs craintes et même leur désespoir devant la crise qui enfonçait chaque jour un peu plus le pays dans un tunnel sans lumière, qu’il y a encore de vraies lueurs à l’horizon.

    Et l’on peut croire à ces lueurs si l’on se base justement sur une union ou une unité réelle et seulement positive et constructive. Pas une fausse unité avec certains pour mieux combattre ceux qui nous dérangent. Cela ne serait pas de l’unité, mais le début d’une nouvelle guerre.

    « L’union fait la force » dit le proverbe. Mais attention au sens de cette « force » : une force pour se défendre ou pour lutter pour ses droits bafoués ? Cela aurait déjà une raison d’être. Une force pour se frayer un chemin dans la jungle des conflits de notre planète qui n’en finissent plus de s’enchaîner, l’un à la suite de l’autre, empêchant des dizaines de peuples de pouvoir respirer ? Peut-être. Mais qu’on n’apprenne pas à respirer soi-même parce que l’autre est écrasé à son tour, comme s’il n’y avait pas de place sur notre globe pour que tous puissent respirer ensemble.

    La seule union ou la seule unité valable, c’est celle qui commence par soi-même, qui débouche sur son cercle d’amis et de connaissances et qui élargit ce cercle à l’infini, entraînant peu à peu tout le monde dans cette lutte positive pour la justice universelle.

    Une fausse unité de quelques-uns qui se mettraient ensemble pour mieux dominer les autres ne serait pas une unité, mais un poison, une maladie mortelle qui aboutirait encore à d’autres conflits, d’autres batailles, de nouvelles injustices avec à la fin des destructions, des blessés et des morts.

     

    Ou l’unité est totale, au moins dans son intention de départ, et donc ouverte à 360 degrés, comme nous le disions déjà dans un article de notre blog il y a quelques mois, ou bien c’est un mensonge, une tromperie qui ne laissera que du vide sur son passage. Espérons que l’homme apprendra à être toujours plus sage et à construire une unité toujours plus vraie.


    votre commentaire
  • Le 4 janvier dernier, j’ai publié ici, dans la rubrique « Désorientés » un article intitulé : « Pourquoi servir la haine ? » parce que j’étais scandalisé par une certaine presse occidentale qui continue à verser de l’huile sur le feu dans les conflits au Moyen Orient ou en Afrique, au lieu de mettre en valeur tous les efforts de paix qui existent malgré tout dans beaucoup de ces pays.

    Jean-Pierre Rosa, ami français de longue date et qui lit de temps en temps notre blog, n’a pas été tendre avec moi : je cite une partie de son commentaire : « Encore une fois je me méfie de toute "théorie du complot" et de toute explication préparée d'avance. Ton petit passage :"Beaucoup de gens, ici au Moyen Orient, ont déjà leur interprétation toute prête : l’Occident et les Etats-Unis en particulier ont décidé de faire la guerre à l’islam." me semble être un cas typique d'absence de sens critique. Avoir une interprétation toute prête est une façon de ne pas penser, ou de refuser de penser. J'ai lu la suite de ton texte. Visiblement tu aimes l'Orient. Et tu te dis : mais comment se fait-il que, dans un pays aussi beau, il y ait tant de guerre. Et, comme cela ne peut pas venir de l'Orient lui-même, tu invoques l'étranger. Un complot ! Eh bien je te demande de réexaminer tes affirmations. Lorsqu'en France le FN gagne du terrain je ne dis pas que c'est la faute au monde arabe ! C'est notre faute à nous, Français, qui ne savons ni intégrer, ni répartir de travail, ni résister à la financiarisation de l'économie… »

    D’abord, je voudrais remercier Jean-Pierre qui a pris le temps de lire et de commenter mon article en disant sincèrement ce qu’il en pense. J’aimerais bien que mes lecteurs soient moins timides et me disent vraiment le fond de leur pensée : c’est toujours une occasion d’échanger, de se comprendre un peu plus et c’est comme cela que ce blog deviendra de plus en plus « notre » blog.

    Mais je voudrais surtout dire à Jean-Pierre qu’il avait raison et que, moi qui pense être devenu optimiste, j’étais sans doute retombé ici encore dans une nouvelle petite crise de pessimisme. Car voilà que, à la surprise presque générale au Liban, les deux figures principales des hommes politiques chrétiens du pays, Samir Geagea et Michel Aoun, qui se traitaient de tous les noms il n’y a pas si longtemps, alimentant la division entre les Libanais, ont décidé de faire maintenant front commun pour sauver le pays.

    Je voudrais quand même dire à Jean-Pierre que s’il vivait ici au Liban, il se rendrait compte que les ingérences étrangères sont évidemment bien plus puissantes, dans un pays de 5 millions d’habitants comme ici, que dans un pays de 66 millions comme la France. Mais malgré la fragilité du pays, voilà que ses habitants veulent montrer au monde que s’ils sont unis personne ne peut décider pour eux l’avenir de leur pays. Et là est la leçon de l’histoire. Sans compter que les manifestations populaires de ces derniers temps ont sans doute beaucoup contribué à ce changement historique.

    J’écris cet article dans la rubrique « Interdépendance », car je suis de plus en plus persuadé qu’aucun pays ne peut désormais faire n’importe quoi tout seul, mais cela n’enlève rien à la responsabilité de chacun et de chaque peuple dans la recherche de solutions positives et constructives pour l’avenir de leur pays, de la région et du monde entier.

    Et ce qui est encore plus positif dans ce tournant de la politique libanaise, c’est que nos deux leaders se sont bien empressés de déclarer que cette nouvelle « unité » n’est contre personne. Elle est là seulement pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle il était tombé. Et ce nouveau pas ne peut qu’être bénéfique à tous les Libanais et toutes les communautés du pays, car il sera aussi un motif de plus pour empêcher nos amis sunnites et chiites de tomber à leur tour dans le piège d’un conflit interconfessionnel comme dans les pays voisins.

    Le Liban ne va pas guérir comme cela, par miracle, d’un jour à l’autre. Mais ce nouvel accord est bien la preuve que la bonne volonté et le sens de la responsabilité sont le meilleur remède à toutes les formes de corruptions, à toutes les ambitions individuelles ou de partis, à toutes les ingérences internationales et à toutes les tentatives de se servir des autres au lieu de les servir dans la réciprocité.  

     

     


    2 commentaires
  • Ce mois-ci nous avons choisi dans « des mots pour de bon » des phrases de la sagesse admirable de Confucius, ce vénérable chinois qui vivait il y a 2500 ans et dont les paroles continuent aujourd’hui encore à éclairer l’humanité.

    Mais dans nos « reflets de paradis » je ne vais retenir cette fois-ci que deux phrases de Confucius qui m’ont particulièrement frappé.

     

    « Il y a une communication intime entre le ciel et le peuple ; 
    Que ceux qui gouvernent les peuples soient donc attentifs et réservés. »

     

    A une époque où l’on pourrait imaginer que les peuples étaient encore tellement peu éduqués ou ignorants, voilà que Confucius nous dit que les peuples ont un lien spécial avec le ciel.

    Cela aurait été beau de pouvoir l’interroger sur le mystère de cette phrase étonnante, mais on comprend déjà.

    Chaque homme a en lui, depuis le fin fond de l’histoire de l’humanité, une conscience. Cette conscience est peut-être parfois couverte de poussière, mais elle est bien là, dans son état de pureté originelle, soumise malheureusement à toutes sortes de pressions, de déformations, de tentations.

    Chaque personne, prise individuellement, risque d’abandonner en cours de route sa conscience et sa sagesse naturelle. Et ce sont souvent la soif de richesse ou de pouvoir, le désir de dominer les autres pour réussir qui viennent tout gâcher.

    Voilà que les hommes parvenus à une haute position sociale, à de grands postes de responsabilité, à la conduite et au gouvernement de la société, oublient de servir leurs semblables et détournent pour eux-mêmes et pour leurs intérêts tout ce dont ils auraient dû faire profiter leurs frères. La conscience et la sagesse ont disparu. Voilà qu’ils se lancent par exemple dans des guerres pour assouvir leurs ambitions, des guerres où ils ne risquent pas grand-chose, car c’est le peuple, le pauvre peuple, qui va se battre et mourir pour répondre aux caprices de ces gouvernants.

    L’histoire est remplie de ces épisodes où l’humanité retourne à la loi de la jungle au lieu de construire la famille humaine. Tous les gouvernants ne tombent heureusement pas dans ce piège mortel, mais combien nombreux sont ceux qui l’ont fait et qui le font encore.

    Et voilà que Confucius demande aux gouvernants d’écouter le peuple, d’être « attentifs » à ce que pense le peuple, d’être « réservés » dans leurs décisions. Car il sait que le peuple dans son ensemble ne peut pas être complètement corrompu.

    Ah, si l’humanité avait écouté depuis longtemps cette sagesse, si l’intérêt et la conscience des peuples avaient prévalu sur tout le reste, nous n’en serions pas aujourd’hui à la situation dramatique qui nous frappe un peu partout dans le monde !

    Mais, pour revenir à cette fameuse loi des vases communicants dont nous parlions il y a quelques temps (dans la rubrique « passepartout »), il y a une justice naturelle qui finit toujours par resurgir, un bon sens populaire qui prend le dessus sur toutes les médiocrités ou les déformations du cœur de l’homme. Et nous avons la chance d’être à une époque où ce bon sens populaire peut maintenant s’exprimer par toutes sortes de moyens à travers les réseaux sociaux. Il ne s’agit plus seulement de la sagesse de tel ou tel peuple, petit ou grand, il s’agit maintenant de courants aux dimensions du globe qui viennent secouer la conscience générale et qui nous interpellent, révolutions des jeunes, des femmes, des opprimés, des réfugiés, des rejetés de tous bords…

     

    L’humanité ne sera plus jamais comme avant. Elle a tous les éléments pour se redresser vers un avenir meilleur, mais il faudrait que nos gouvernants sachent écouter cette voix globale qui s’élève sur tous les continents et qui ne pourra plus se taire.


    votre commentaire
  • Eh oui, c’est une question qu’on se pose souvent dans la vie. Surtout lorsqu’on se met à rêver à un monde meilleur, différent. Ah, si tout le monde pensait comme moi ! Si tout le monde était honnête (en espérant que je le suis vraiment moi-même) ! S’il n’y avait plus de corruption ni d’injustice ! Si les hommes savaient partager au moins un peu plus ! Si on m’écoutait !...

    Mais, voilà, chacun est libre de dire, de penser et de faire ce qu’il veut. Au moins théoriquement. Parce que souvent nous sommes entraînés sans même nous rendre compte dans des courants d’opinions qui réfléchissent pour nous et nous déforment même la conscience.

    Mais, en admettant que notre conscience soit toujours pure et intacte, nous sentons bien qu’il y a là un problème. C’est en fait le sens-même de toute notre vie qui est en jeu ici. Nous devons finalement accepter cette condition générale de tout homme : personne ne pourra jamais vraiment changer l’autre.

    Nous pouvons avoir de l’influence, positive ou négative sur les autres. Nous pouvons leur donner des conseils, les pousser plus ou moins violemment à agir de telle ou telle façon, nous pouvons les menacer ou, ce qui serait mieux, essayer de leur donner l’exemple. Mais, à la fin, ce sont eux qui feront leurs choix et qui décideront dans quelle direction marcher.

    C’est parfois difficile à accepter quand on pense à l’autre qui nous échappe en quelque sorte. Mais si nous renversons le problème, si nous pensons tout d’un coup que les autres pourraient penser ou décider pour nous, ne sentons-nous pas tout de suite en nous une immense rébellion ?

    C’est cela le secret de la vie, sa beauté et sa difficulté en même temps. Chacun est unique et libre, en principe, d’être lui-même. C’est notre différence avec les animaux et les choses. Nous avons un esprit, un cœur, une volonté, une conscience, un sens de la responsabilité et c’est cela qui fait la beauté de notre personnalité. A nous bien sûr de vivre tout cela en harmonie avec les autres plutôt qu’en conflit, si nous le pouvons. Mais, que nous soyons en harmonie ou en conflit avec les autres, moi seul je suis moi, en relation avec toi, vous, lui ou elle et eux. Et pour rien au monde je ne sacrifierais ce trésor.

     

    On pourra me prendre mon argent, ma maison, tous mes biens. On pourra me prendre ma vie, mais on ne pourra jamais prendre ce qui fait mon « moi ». Moi seul suis ce que je suis et moi seul je peux aller chaque jour un peu plus au bout ou au fond de moi-même. Ce n’est pas facile tous les jours de vivre ce défi qui nous secoue comme sur des montagnes russes, mais aurions-nous préféré n’avoir jamais existé ? A chacun de se poser la question… 


    1 commentaire
  • Oui, je m’adresse ici à mes compatriotes français : l’islam nous fera du bien, et sans tarder. Et le premier bien qu’il va nous faire, c’est de nous guérir définitivement de notre « mauvaise laïcité ». Pourquoi cela ? Simplement parce que l’islam ne pourra jamais s’accorder avec cette vision de la laïcité qui prétend confiner le religieux, la relation entre l’homme croyant et son Dieu, au simple cercle de sa vie privée, aux murs étroits de sa maison.

    Je vois déjà mes amis laïcs, les « mauvais » laïcs, se dresser devant moi pour me dire que les musulmans n’ont qu’à se plier aux habitudes des Français ou à s’en retourner dans leurs pays d’origine.

    Mais qui a dit que les habitudes des Français sont de penser que la religion doit être enfermée dans les murs de ma maison ? Même le christianisme authentique ne peut accepter une telle absurdité. Le problème c’est que notre christianisme a honte. Et il a raison d’avoir honte. Car la laïcité est née comme un remède à ses abus. Ce sont les abus violents du christianisme qui ont provoqué les abus violents de la laïcité, il ne faudra jamais l’oublier, et c’est sans doute pour cela que les chrétiens ont été bien maladroits jusqu’à ce jour pour expliquer aux « laïcs » qu’il y a dans toute cette histoire un grand malentendu.

    Mais voilà que les musulmans arrivent, innocents de ce qui s’est passé depuis deux siècles dans notre pays. Ils veulent sincèrement être Français, mais ils ne peuvent pas cesser d’être eux-mêmes pour autant. Ils ne peuvent accepter cette espèce de schizophrénie, de dédoublement de la personnalité, qui devrait m’imposer d’être une personne en famille et une autre personne au bureau, à l’école, au stade ou dans un magasin. C’est comme si on demandait à un homme marié : « Attention, tu es un homme marié, chez toi, à la maison. Mais dès que tu sors sur le pas de la porte, tout cela n’a plus rien à voir, tu dois faire comme si ta femme et tes enfants n’existaient pas. » Folie de l’homme qui veut toujours tout cloisonner pour mieux dominer son semblable ? Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

    Encore une fois parce que nous, chrétiens, nous sommes servis de la religion pour dominer les autres et « les autres » se sont bien vengés, et c’était au fond de bonne guerre.

    Mais il est sans doute temps (que les musulmans nous y aident ou pas) de nous regarder en face et de dialoguer sereinement. La laïcité, la « bonne laïcité » est un bienfait immense pour la société, elle empêche justement les abus de toutes sortes, elle rappelle au « religieux » que la religion est seulement là pour servir, pour aider la société à devenir toujours plus harmonieuse. Elle est une garantie qu’il n’y aura pas de conflits entre les courants religieux différents et entre croyants et non-croyants.  

    Mais la laïcité elle aussi est là pour servir, pas pour dominer à son tour ou se sentir supérieure et créer encore d’autres cloisonnements. Je ne peux pas oublier ce maître d’école « laïc » qui a frappé violemment mon pauvre camarade de classe, qui avait à peine huit ans, parce qu’il avait découvert dans son cartable un livre de catéchisme : le pauvre garçon allait au catéchisme après la classe dans la maison du curé en face de l’école ; que devait-il faire ? Retourner à pied à un kilomètre de l’école pour revenir ensuite chez le curé juste à côté de l’école et perdre ainsi bêtement son temps pour respecter la laïcité ?

    J’espère que mes compatriotes sont assez intelligents pour réfléchir aux bêtises de leur histoire. J’espère qu’ils finiront par se mettre d’accord en toute sérénité et qu’ils seront alors capables d’accueillir nos réfugiés musulmans dans un climat de confiance et non pas de méfiance. Car c’est cette méfiance qui est le terrain favorable ensuite pour tous les extrémismes, les racismes et les terrorismes qui nous menacent si nous sommes divisés, mais qui ne peuvent même pas nous toucher si nous sommes unis pour construire ensemble un Etat où tous sachent se respecter, s’accueillir et même s’aimer dans la réciprocité. Est-ce là un rêve tellement impossible à réaliser ?

     

     


    1 commentaire