• Encore un chapitre incroyable ! Luc semble comme un jongleur, un prestidigitateur de la Parole de Dieu. Les phrases de ce 11e chapitre sont comme une nouvelle synthèse originale de phrases que l’on a déjà trouvées dans une douzaine de chapitres différents de Marc et Matthieu. Et cela semble chaque fois couler harmonieusement, car la Parole illumine la Parole, et la voir toujours sous des angles différents la fait briller encore plus fort. Avec la joie de voir que Luc ajoute aussi ses propres phrases qui font du tout une nouvelle symphonie, une nouvelle contemplation qui nous aide à vivre encore plus le message de Dieu.

    Luc commence ici par un appel original à la prière : « Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : ‘Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples.’ »

    Et nous voilà à notre tour dans la prière du Notre Père : « Il leur répondit : ‘Quand vous priez, dites : ‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes nous pardonnons à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous soumets pas à la tentation. [Traduction qui vient d’être récemment corrigée par l’Eglise : « Ne nous laisse pas entrer en tentation. »] » A noter que dans cette version de Luc on ne trouve pas la formidable phrase de Matthieu : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » L’Evangile n’est pas là pour tout dire, mais pour souligner tour à tour tels ou tels aspects du message de Jésus qui élargissent chaque fois un peu plus notre esprit et notre cœur.

    Et Luc continue avec un nouveau passage qui lui est propre : « Jésus leur dit encore : ‘Supposons que l’un de vous ait un ami et aille le trouver en pleine nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains : un de mes amis arrive de voyage, et je n’ai rien à lui offrir.’ Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas me tourmenter ! Maintenant, la porte est fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner du pain’, moi, je vous l’affirme : même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.’ »

    Et Luc reprend alors un passage du chapitre 7 de Matthieu : « Eh bien, moi, je vous le dis : ‘Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte. Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre. Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ? ou un scorpion, quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent !’ » [Matthieu disait ici simplement que le Père donnerait « de bonnes choses » à ceux qui le lui demandent : très intéressante est donc cette nouveauté en Luc de l’Esprit Saint !]

    Continuons notre voyage : « Jésus expulsait un démon qui rendait un homme muet. Lorsque le démon fut sorti, le muet se mit à parler, et la foule fut dans l’admiration. Mais certains se mirent à dire : ‘C’est par Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons.’ D’autres, pour le mettre à l’épreuve, lui réclamaient un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs intentions, leur dit : ‘Tout royaume divisé devient un désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan, lui aussi, est divisé, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Et si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos disciples par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. Mais si c’est par le doigt de Dieu que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est survenu pour vous.

    Quand l’homme fort et bien armé garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort intervient et triomphe de lui, il lui enlève l’équipement de combat qui lui donnait confiance, et il distribue tout ce qu’il lui a pris. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. Quand l’esprit mauvais est sorti d’un homme, il parcourt les terres desséchées en cherchant un lieu de repos. Et comme il n’en trouve pas, il se dit : ‘Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.’ En arrivant, il la trouve balayée et bien rangée. Alors, il s’en va, et il prend sept autres esprits encore plus mauvais que lui, ils y entrent, et ils s’y installent. Ainsi l’état de cet homme est pire à la fin qu’au début.’ »

    A ce point-là, Luc ajoute : « Comme Jésus était en train de parler, une femme éleva la voix du milieu de la foule pour lui dire : ‘Heureuse la mère qui t’a porté dans ses entrailles, et qui t’a nourri de son lait !’ Alors Jésus lui déclara : ‘Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu, et qui la gardent !’ »

    La suite va nous conduire sur le même chemin que Marc et surtout Matthieu, avec de temps en temps tout de même de nouveaux passages originaux. « Comme la foule s’amassait, Jésus se mit à dire : ‘Cette génération est une génération mauvaise : elle demande un signe, mais en fait de signe il ne lui sera donné que celui de Jonas. Car Jonas a été un signe pour les habitants de Ninive ; il en sera de même avec le Fils de l’homme pour cette génération.

    Lors du Jugement, la reine de Saba se dressera en même temps que les hommes de cette génération, et elle les condamnera. En effet, elle est venue de l’extrémité du monde pour écouter la sagesse de Salomon, et il y a ici bien plus que Salomon. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération, et ils la condamneront ; en effet, ils se sont convertis en réponse à la proclamation faite par Jonas, et il y a ici bien plus que Jonas.

    Personne, après avoir allumé une lampe, ne la met dans une cachette ou bien sous le boisseau : on la met sur le lampadaire pour que ceux qui entrent voient la clarté. La lampe de ton corps, c’est ton œil. Quand ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais quand ton œil est mauvais, ton corps aussi est plongé dans les ténèbres. »

    Mais il est intéressant de noter qu’au lieu de finir sur cette image de ténèbres comme Matthieu, Luc termine ce passage sur un accent bien plus positif : « Examine donc si la lumière qui est en toi n’est pas ténèbres ; alors si ton corps tout entier est dans la lumière sans aucune part de ténèbres, il sera tout entier dans la lumière, comme lorsque la lampe t’illumine de son éclat. »

    Mais lorsqu’on tient tellement à la lumière, on doit aussi être extrêmement vigilant pour ne pas tomber dans les pièges des ténèbres et ce sont ces pièges que Luc, comme Marc et Matthieu, va dénoncer maintenant en s’adressant aux pharisiens : « Comme Jésus parlait, un pharisien l’invita pour le repas de midi. Jésus entra chez lui et se mit à table. Le pharisien fut étonné en voyant qu’il n’avait pas d’abord fait son ablution avant le repas. Le Seigneur lui dit : ‘Bien sûr, vous les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. Insensés ! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur ?’ » Et Luc ajoute ici une phrase étonnante : « Donnez plutôt en aumônes ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous. » Une conception vraiment révolutionnaire de la pureté ! 

    Et Jésus continue : « Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l’amour de Dieu. Voilà ce qu’il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. »

    Et une autre déclaration originale de Luc : « Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous aimez les premiers rangs dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. »

    « Malheureux êtes-vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu’on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. »

    Et Luc insiste encore : « Jésus reprit : ‘Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d’un seul doigt. »

    La suite est plus classique : « Malheureux êtes-vous, parce que vous bâtissez les tombeaux des prophètes, alors que vos pères les ont tués. Ainsi vous témoignez que vous approuvez les actes de vos pères, puisqu’eux, ils ont tué les prophètes, et vous, vous bâtissez leurs tombeaux.

    C’est pourquoi la Sagesse de Dieu elle-même a dit : Je leur enverrai des prophètes et des apôtres, ils tueront les uns et en persécuteront d’autres. Ainsi cette génération devra rendre compte du sang des tous les prophètes qui a été versé depuis la création du monde, depuis le sang d’Abel jusqu’au sang de Zacharie, qui a péri entre l’autel et le sanctuaire. Oui, je vous le déclare : cette génération devra en rendre compte. »

    Et notre chapitre se termine par une nouvelle conclusion de Luc : « ‘Malheureux êtes-vous, docteurs de la Loi, parce que vous avez enlevé la clé de la connaissance ; vous-mêmes n’êtes pas entrés, et ceux qui essayaient d’entrer, vous les en avez empêchés.’

    Après que Jésus fut parti de là, les scribes et les pharisiens se mirent à lui en vouloir terriblement, et ils le harcelaient de questions ; ils étaient à l’affût pour s’emparer d’une de ses paroles. »

    On dirait dans tout cela une véritable scène de théâtre qui ne pouvait pas ne pas marquer les esprits de ceux qui écoutaient Jésus. Son message est encore plus clair maintenant. En passant constamment du positif au négatif et du négatif au positif, Jésus nous donne parfois le vertige, mais son éducation à la vie du Royaume est de plus en plus complète. Jésus enseigne ses disciples et toute la foule, mais il prépare en même temps la réaction terrible des pharisiens et des docteurs de la Loi qui va finalement provoquer le drame de la passion vers lequel nous courons déjà tout droit…

     

     

     

     

     

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    Nous brancher enfin sur l’essentiel

    « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qu’il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. » (Mt 23,23) (cf. Lc 11,42 : « Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l’amour de Dieu. Voilà ce qu’il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. »)

    Cette fois-ci, la réprimande terrible de Jésus est au moins bien facile à comprendre. On dirait une sorte de caricature. Comment imaginer que ces responsables religieux soient plus préoccupés par la dîme sur des plantes ou des aliments que par la vie de la justice, de la miséricorde et de la fidélité (ou de la « bonne foi » selon une autre traduction) ? Cela dépasse les bornes, c’est tellement scandaleux…

    Et pourtant… et pourtant, est-ce que nous-mêmes faisons beaucoup mieux lorsque nous nous disputons à l’église sur une habitude liturgique, sur le fait de prendre l’hostie avec les mains ou non, sur la préséance pendant les célébrations, lorsque nous nous scandalisons parce que le prêtre a oublié une prière ou parce que son sermon n’est pas clair et en même temps nous oublions de nous aimer les uns les autres ? Ou lorsque nous nous transmettons la paix dans l’église sans même regarder dans les yeux celui ou celle à qui nous la donnons, nous allons à la communion avec peut-être de la haine dans le cœur pour la personne qui se trouve devant nous dans la file ou pour le prêtre qui officie à l’autel ? Et la liste de nos contradictions n’en finirait pas de s’allonger.

    Si nous nous demandions simplement pourquoi nos églises se vident, pourquoi le témoignage des chrétiens a si peu d’impact sur la vie politique, pourquoi faire la guerre ou vendre des armes semble normal à la plupart des personnes qui vont à la messe le dimanche, etc… alors nous verrions que les temps n’ont pas beaucoup changé depuis l’époque des scribes et des pharisiens qui scandalisaient Jésus. Devons-nous donc maintenant être découragés, pessimistes et nous replier encore plus sur nous-mêmes ? Certainement pas, mais profitons de ces remontrances de Jésus pour nous projeter chaque jour un peu plus vers ce qui fait l’essentiel de son message, l’amour, la miséricorde, la paix, la réconciliation, l’unité, l’accueil ou le don de soi, sans tomber encore dans le piège de nous comparer aux autres et de juger ceux qui ne sont pas sur la bonne voie, alors que nous faisons peut-être pire qu’eux.

    Branchons-nous sur l’essentiel, c’est ce que Jésus ne cesse de nous répéter. Ne perdons pas de temps à nous regarder ou à regarder les autres, mais aimons, aimons ceux qui nous aiment, aimons ceux qui nous haïssent, aimons ceux qui nous comprennent de travers, et surtout aimons-nous les uns les autres pour que Dieu vienne demeurer parmi nous et prenne vraiment les choses en main. N’avons-nous pas fait déjà l’expérience que beaucoup de choses changent alors complètement dans notre vie de tous les jours et que nous commençons à nous sentir tellement plus libres ? Car vivre la vie de Dieu, ou le laisser lui-même la vivre en nous, nous fait voler et nous rend à la fois tellement plus légers et tellement plus concrets dans le service efficace du Royaume de Dieu déjà présent sur la terre…

     


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    Au cœur de la pureté

    « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! Pharisien aveugle, purifie d’abord l’intérieur de la coupe afin que l’extérieur aussi devienne pur. » (Mt 23,25-26) (cf. Lc 11,39 : « Vous, les pharisiens, vous purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, mais à l’intérieur, vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté. »)

    Jésus se lance ici avec nous à la découverte d’une des clés les plus extraordinaires pour pénétrer dans son paradis. C’est la clé que nous avons déjà perçue au cœur des béatitudes, lorsque Jésus proclamait : « Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. » (Mt 5,8)

    La pureté divine de l’amour est en fait l’unique solution à notre problème. Si l’on oublie un instant le mal dans le monde qui est capable de transformer un homme en un monstre d’hypocrisie, comme nous le décrit ici Jésus, et si nous nous regardons nous-mêmes avec notre bonne volonté et nos faiblesses et nos limites, il est évident que la pureté n’est pas un objectif très facile à atteindre.

    Ce qui est sûr, c’est que la pureté est d’abord intérieure, pureté de l’âme, de l’esprit et du cœur, ou bien elle n’est qu’une mauvaise comédie, un mensonge et une hypocrisie totale. La pureté ne va qu’avec la vérité, la vérité avec soi-même, avec Dieu et avec les autres. On ne peut pas tricher avec la pureté.

    Mais qu’est-ce que la pureté, pour le dire en quelques mots d’une page de blog ? Ce n’est au fond rien d’autre que la qualité de l’amour pur de Dieu. La pureté n’est pas un état statique, celui par exemple de qui se referme sur soi-même pour ne pas commettre de péché en croyant ainsi être pur. La pureté, c’est l’amour qui se donne totalement et en toute liberté, à Dieu et au prochain. Et elle est en même temps tellement divine et délicate qu’elle ne peut pas être le simple fruit d’efforts humains, d’ascèse ou de domination de soi : ce serait déjà se regarder soi-même avec l’espoir orgueilleux de devenir plus pur que les autres, et la pureté aurait déjà disparu.

    La pureté est simple quand on aime et quand on s’aime comme Jésus nous a aimés. Car on sort de soi-même, on arrête de se regarder. Le centre de notre vie devient alors Dieu et notre prochain et notre regard se purifie alors de lui-même. Car celui qui se branche sur la dynamique trinitaire de l’accueil et du don de l’autre est pur car il se laisse pénétrer par la pureté de Dieu. Il n’a bientôt plus d’autre intérêt que celui de laisser l’amour de Dieu couler en lui et se déverser sur ses frères et sœurs en humanité.

    Et comme cette pureté ne peut pas se vivre seul, mais seulement dans la communauté des croyants qui s’aiment en Jésus et dans l’Esprit, on en arrive bientôt au miracle que notre pureté n’est pas une qualité de notre âme que nous devrions préserver des attaques qui nous viendraient de l’extérieur qui serait rempli de dangers. Non, la pureté est justement de sortir de soi-même pour aimer l’autre de tout son cœur, en ayant comme seul but, comme seul intérêt le bien de cet autre, sans jamais penser à en profiter. Aimer l’autre pour qu’il puisse dépasser ses souffrances, pour qu’il trouve enfin la liberté de voler de ses propres ailes, pour qu’il puisse respirer et être lui-même sans peur et en toute sérénité. Et quand deux ou trois personnes ou plus encore s’aiment ainsi dans la réciprocité pure de l’amour de Dieu, on commence à goûter déjà le paradis sur la terre.


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    Avec l’œil du cœur de Dieu

    « La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera plongé dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres y aura-t-il ? » (Mt 6, 22-23) (cf. Lc 11,34 : « La lampe de ton corps, c’est ton œil. Quand ton œil est vraiment clair, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais quand ton œil est mauvais, ton corps aussi est plongé dans les ténèbres. »)

    Quelle libération, cette phrase ! Et quelle responsabilité en même temps ! Le message de l’Evangile est au fond tellement simple. Jésus est lumière, la lumière de Dieu descendue sur terre. Une lumière tellement forte que, si nous nous laissons illuminer par elle, nous allons devenir nous aussi la « lumière du monde », comme Jésus vient à peine de nous le dire.

    Et pour laisser cette lumière nous envahir, nous avons seulement à changer notre regard. Pour Jésus, tout part du regard et surtout de la pureté du regard. Il vient à peine de nous dire aussi : « Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu ! » Le cœur, l’œil, le regard, la conscience, ce sont finalement des manières différentes de dire toujours la même réalité : c’est la présence de Dieu semée en nous qui passe par le filtre de notre « regard ».

    Alors que nous reste-t-il à faire ? Nous lever chaque matin en branchant notre regard sur Lui, puis tout regarder avec les yeux de Dieu, comme Dieu voit les choses de là-haut, là où tout est uniquement amour, là où tout contribue au bien de ceux qui s’aiment. Mais n’oublions pas surtout, comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises, que seulement en nous aimant les uns les autres comme le Père et le Fils en l’Esprit Saint, nous serons transformés par le regard de Dieu.

    Alors plus rien ne pourra plus nous toucher. Nous serons peut-être enveloppés par le mal qui circule dans notre monde, mais nous ne le verrons même pas, nous n’aurons pas le temps de nous laisser impressionner par lui, nous serons trop occupés à voir les hommes et les choses comme Dieu les voit : en fonction de son paradis ! Les joies ou les souffrances ne changeront rien pour nous, ce seront seulement des étapes différentes pour arriver au même but…

    Et si les hommes autour de nous sont bons ou méchants, nous ne verrons plus en eux que l’image de Dieu qui y est imprimée. Nous n’aurons même pas de mal à aimer nos ennemis, car nous verrons en eux une créature de Dieu que Dieu aimera jusqu’au bout dans l’espoir de le ramener à Lui. Nous n’aurons plus peur, ou plutôt, nous verrons nos peurs comme une occasion de participer à la souffrance de Dieu sur la croix et toutes ces croix de chaque jour nous attireront comme autant d’occasions de prouver notre amour à Dieu et à nos frères.

    Tout cela est évidemment un chemin à atteindre avec le temps : on ne devient pas saint du jour au lendemain, mais si notre regard est touché, guéri, transformé, tout le reste du corps suivra tôt ou tard. Il suffit de se mettre en route dans la bonne direction et on ne pourra plus retourner complètement en arrière, il suffit de se laisser convaincre une fois pour toutes de cette belle vérité pour laisser Dieu agir en nous et au milieu de nous pour toujours…

     

     

     


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    « Ici »

    « Or, je vous le dis : il y a ici plus grand que le Temple. » « Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que moi j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est survenu pour vous. » « … et il y a ici bien plus que Jonas. » « … et il y a ici bien plus que Salomon. » (Mt 12, 6.28.41.42) (cf. Lc 11, 31-32 : « … il y a ici bien plus que Salomon. … il y a ici bien plus que Jonas. »)

    « Ici », « ici », « ici » : comme elle est étonnante cette insistance de Jésus sur ce petit mot apparemment tellement insignifiant et qui va être tout d’un coup le centre de notre attention ! « Ici », cela veut bien dire « ici », en cet endroit précis, devant nous et pas ailleurs. « Ici », cela veut dire que tout le reste est devenu secondaire. Le Temple de Salomon, le roi Salomon lui-même et tous les prophètes comme Jonas, ce qu’il y avait jusqu’ici de plus prestigieux, de plus important, de plus riche, de plus puissant au monde, va entrer dans l’ombre. Car « le règne de Dieu est survenu » pour nous. Toute l’histoire du monde va désormais prendre une autre direction, un autre sens physique, mais aussi spirituel.

    Il y a là tout simplement le secret de la vie. L’homme peut courir de sa naissance à sa mort à la recherche d’un but à atteindre, d’un bonheur à réaliser, d’un projet à construire. Il peut s’occuper du matin au soir dans des travaux et des activités les plus variées. Il peut rencontrer des gens et se lier à eux, s’attacher ou se détacher, s’entendre ou se disputer. La vie peut être belle ou difficile, voire même terriblement pénible. Et l’on peut dans tout cela passer à côté de l’essentiel, parce qu’on n’a pas pris la peine de s’arrêter « ici » et de contempler enfin le secret qui va donner un sens au tourbillon dans lequel nous étions perdus jusque-là.

    Jésus est venu parmi nous pour nous faire entrer avec lui dans le paradis de sa relation avec le Père et avec l’Esprit. Mais il ne peut pas et ne veut pas s’imposer contre notre volonté et notre liberté. Il nous donne tout de même les éléments pour comprendre et son message est tellement clair si on sait l’écouter. Toute notre vie peut se passer dans la confusion la plus totale alors que la clé pour ouvrir la porte du trésor est « ici » devant nous, près de nous, et même en nous, si nous sommes un peu attentifs. Quand on a commencé à comprendre enfin ce qui se passe, il ne nous reste plus qu’à « le » chercher du matin au soir, pour nous et pour les autres. Car cet « ici » n’est pas seulement un cadeau que Dieu donne à chacun personnellement pour le combler de bonheur, mais cet « ici » se trouve dans la relation même entre les personnes qui s’aiment, comme au paradis l’ « ici » de Dieu est la relation de réciprocité qui brûle de toute éternité entre les trois Personnes de la Trinité. La vie devient alors comme un immense jeu d’amour sans fin, avec ses moments de joie et ses épreuves. Mais « il est ici » dans la joie et les épreuves, « il est ici » dans la prière et l’action, dans la recherche ou la solution, dans la fatigue et le repos, dans la peine et la récompense, dans la croix et la résurrection. Il est toujours « ici » qui nous aime et voudrait tellement que nous n’allions plus chercher ailleurs autre chose qui ne pourra plus jamais nous combler…

     

     

     


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