• Encore un chapitre extraordinaire, mais que nous connaissons déjà en grande partie depuis Marc et que nous allons de nouveau rencontrer en Luc…

    On y trouve d’abord la discussion avec les pharisiens et les sadducéens qui réclament un signe, comme si Jésus n’en faisait pas assez. Puis Jésus qui demande à ses disciples de se méfier des pharisiens et des sadducéens justement. De là Jésus, continuant sa route dans la région de Césarée de Philippe, demande aux disciples ce que les gens pensent à son sujet et l’on trouve la réponse immédiate de Pierre qui reconnaît enfin publiquement que Jésus est le Messie. C’était un passage charnière de l’Evangile de Marc. Et c’est de nouveau un moment tellement important dans l’enseignement de Jésus en Matthieu, car à partir de là, il va commencer à parler de plus en plus clairement de sa passion qui approche et de ce qui est demandé à tout disciple qui veut le suivre sur la route de Dieu.

    Matthieu, tout en ressemblant souvent à Marc et à Luc, y va tout de même comme souvent de sa profonde originalité. A propos des pharisiens et des sadducéens, pour commencer, voilà ce que Jésus déclare : « Quand vient le soir, vous dites : ‘Voici le beau temps, car le ciel est rouge.’ Et le matin, vous dites : ‘Aujourd’hui, il fera mauvais, car le ciel est d’un rouge menaçant.’ Ainsi l’aspect du ciel, vous savez l’interpréter ; mais pour les signes des temps, vous n’en êtes pas capables. Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais en fait de signe, il ne lui sera donné que celui de Jonas. » Tout le secret de l’Evangile est en jeu dans ces quelques phrases.

    Puis, plus loin, c’est au tour des disciples d’être réprimandés : « ‘Hommes de peu de foi… comment ne voyez-vous pas que je ne parlais pas du pain ? Méfiez-vous du levain des pharisiens et des sadducéens’ Alors ils comprirent qu’il leur avait dit de se méfier non pas du levain pour le pain, mais de l’enseignement des pharisiens et des sadducéens. » Combien les disciples sont lents à comprendre, mais aurions-nous fait mieux à leur place ?

    Et c’est tout de suite après qu’on en arrive à la fameuse confession de foi de Pierre. En Marc, Pierre avait dit : « Tu es le Messie ». Matthieu va plus loin et fait dire à Pierre : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Mais ce qui suit est étonnant : « Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : ‘Heureux es-tu, Simon fils de Jonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.’ » Ce sont les premiers traits de l’Eglise du Christ qui se dessinent. Une Eglise qui est bien sûr le corps du Christ, mais où notre relation à Dieu va passer aussi par la médiation des hommes : une responsabilité qui donne le vertige et qui nous montre encore une fois combien Dieu a le courage incroyable de confier sa mission à l’homme…


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 16 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier en le payant de sa vie ? Quelle somme pourrait-il verser en échange de sa vie ? » (Mc 8,36-37) (cf. Mt 16,26 : « Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ? »)

    Je ne sais pas si vous comprenez comme moi cette phrase, mais Jésus a bien dit que ma vie est plus importante que le monde entier. N’est-ce pas inouï d’entendre et de penser une chose pareille ? Dieu m’aime tellement que j’ai pour lui plus d’importance que « le monde entier ». C’est cela le dessein de Dieu sur l’homme, sur chaque homme et chaque femme de cette terre. De quoi avoir le vertige. De quoi avoir aussi tellement plus d’amour et de respect au moins pour chaque personne que nous rencontrons et qui est pour Dieu tellement importante.

    Le reste devient secondaire après cette première découverte. Le reste c’est la confirmation que Dieu ne sait pas posséder. On oppose parfois être et avoir. Cela peut se justifier, mais ce n’est pas complètement vrai. L’être ne nous empêche pas d’avoir. Car chaque fois que nous recevons ou accueillons les trésors que Dieu nous donne, nous les avons bien entre nos mains. Ce qui s’oppose à l’être c’est la possession. Si, au lieu de donner à mes frères avec générosité ce trésor que j’ai entre les mains et qui peut profiter à leur tour à beaucoup de gens, je me mets à le détourner sur moi-même, à le « posséder » pour moi, alors c’est le début de la fin, c’est le commencement de la guerre et de tous les malheurs du monde. Je n’ai pas à vouloir « gagner » ou « posséder » le monde entier. Le monde entier est déjà à moi, puisque c’est pour moi que Dieu l’a créé, mais il l’a créé pour que je le partage avec mes frères. Tandis que vouloir gagner et posséder ce monde entier c’est finalement le perdre et perdre ma vie en même temps : ce serait tellement dommage.


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 16 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile la sauvera. » (Mc 8,35) (cf. Mt 16,25 : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. »)

    Si difficile et si simple à la fois. On dirait presque un jeu de mots. Jésus veut-il se moquer de nous ? Certainement pas. Il veut nous convaincre que le chemin pour le suivre est d’une toute autre logique que celle où le monde nous entraîne. Là aussi on sent le parfum des béatitudes. Mais si l’on comprend vraiment Jésus, si l’on entre avec lui dans cette logique de l’amour trinitaire qui nous a suivis jusqu’ici à chaque pas, alors tout s’illumine. Dieu est le premier qui se donne, qui donne sa vie, qui ne pense qu’au bien de l’autre qu’il rencontre ou qu’il crée. Le Père n’a pas le temps de penser à lui, de se replier sur lui, de vouloir se sentir important (il pourrait le faire, il est Dieu au fond !), il est entièrement pris par ce mouvement de donation réciproque où seul ce qui est important pour Lui c’est de se donner et de donner sa vie au Fils dans l’Esprit. Alors si nous voulons le suivre, nous aurions une manière meilleure que de nous mettre à faire comme Dieu, nous voudrions arrêter ce mouvement de donation réciproque pour le détourner sur nous-mêmes et je ne sais quel caprice ? Nous voudrions penser à être importants, là où Dieu lui-même pense que l’autre est important ? Là est sa grandeur et l’exemple qu’il nous demande de suivre. Il n’est certainement pas facile pour nous d’être Dieu, nous allons échouer mille fois par jour et nous relever. Mais il est là avec tout son amour pour nous aider. Alors l’important c’est d’avoir au moins les idées claires sur la direction à suivre et le reste viendra peu à peu avec l’aide de son immense miséricorde.

     


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  • Hier on m’a fêté mon anniversaire, d’un peu partout dans le monde, parents, amis de longue date ou découverts plus récemment, car chaque année l’amitié s’élargit un peu plus et déborde, et j’ai passé presque toute la journée à essayer de répondre à cette avalanche de réciprocité qui m’envahissait de toutes parts. Et ce simple article qui va jaillir maintenant de mon cœur est surtout pour remercier chacun et chacune de toutes ces marques d’affection, qu’on attend un peu, mais qui sont tout de même une si belle surprise…

    Mais voilà, l’originalité de cette année c’est que, pour la première fois de ma vie, j’étais pratiquement seul à fêter mon anniversaire, avec deux amis confinés comme moi dans un appartement de Lyon à cause du coronavirus. Dans un cas pareil, au Liban et dans tout le Moyen Orient, quand on a vécu pour une période éloignés les uns des autres pour un voyage, une absence, une maladie, on dit à la personne qu’on aime : « Chta’tellak ! » ou « Chta’tellik », ce qui veut dire : « Tu m’as manqué, tu m’as beaucoup manqué, tu me manques… » Les Libanais et tous les Moyen-orientaux sont très affectueux, ils vous comblent toujours d’expressions de ce genre, qui font sentir à l’autre qu’il est vraiment important dans notre vie…

    Eh bien, je voudrais dire à tous ces amis qui se sont ainsi exprimés, que je les remercie beaucoup pour toutes ces expressions d’amitié qui me sont parvenues comme une symphonie colorée et parfumée, mais que j’ai fait à ce propos, pendant ces deux mois de confinement en France, une expérience nouvelle qui m’a vraiment surpris.

    Vous savez, c’est comme cette parabole de l’Evangile dans laquelle Jésus compare le Royaume des cieux à cet homme qui a semé une semence dans son champ et, qu’il veille ou qu’il dorme, désormais la semence pousse toute seule pour toujours. J’ai compris que si l’amitié ou l’amour que nous portons dans le cœur sont vrais comme la semence de l’Evangile, rien ne pourra plus jamais les empêcher de pousser. Alors, c’est vrai que de temps en temps, on sent une petite nostalgie de se trouver un peu loin des gens qu’on aime, mais la réalité c’est que cette petite souffrance augmente l’amitié et l’amour dans notre esprit et dans notre cœur.

    Et c’est là qu’on découvre si vraiment cette amitié était vraie et profonde, ou un simple hasard de rencontre qui nous a occupés une période et qu’on oublie dès qu’on est loin. Comme ce proverbe que je trouve assez horrible qui dit : « Loin des yeux, loin du cœur. » Dans mon confinement forcé, avec des heures et des heures pour penser à tellement de personnes que j’ai quittées et qui m’attendent et que j’attends, j’ai fait en moi une sorte d’examen de conscience de mes amitiés et j’ai découvert que désormais tout ce qui m’arrive depuis quelques années ne fait que renforcer ce bonheur de s’être connus et de partager ensemble l’aventure de la vie en ce monde.

    Comme la semence de l’Evangile continue à pousser que l’on veille ou que l’on dorme, la semence de l’amitié continue à germer et exploser de toutes parts que nous soyons ensemble ou que nous soyons éloignés les uns des autres. Que les circonstances de la vie soient bonnes ou difficiles, que nos amis passent des moments de joie ou de tristesse. Car si mon ami est heureux, ça me comble de bonheur, mais s’il souffre ça me fait tellement souffrir moi aussi que notre amour grandit plus encore. Et même si parfois l’amitié passe par des petits moments de malentendus ou de maladresses réciproques, la semence est tellement forte qu’on va bien vite dépasser cette épreuve.

    Mais tout cela bien sûr à une condition, c’est que l’amitié et l’amour soient dès le départ dans la réciprocité, que chacun vive pour faire respirer l’autre et le libérer, l’aider à devenir lui-même et à trouver son propre bonheur qui rejaillira bien vite sur nous. Et à ce moment-là, ce n’est plus tellement vrai que mon ami que j’ai quitté il y a quelques mois m’a vraiment manqué. Parce qu’en fait, l’ami d’il y a quelques mois a changé entre temps, comme moi-même j’ai changé. Inutile de rechercher toujours à revenir sur un passé qui n’existera jamais plus. Mais jetons-nous ensemble dans l’arbre de l’amitié d’aujourd’hui qui a encore grandi et qui nous surprendra toujours… si nous le laissons pousser !

     


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  • En ces temps de grande souffrance pour l’humanité, je suis tombé récemment sur une phrase de Sigmund Freud, le père de la psychanalyse, qui m’a fait frémir, et je voulais vous en parler. Mais voilà ce que dit notre savant : « Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons. »

    C’est logique, pour aimer il faut sortir de soi, s’intéresser à l’autre et on oublie d’être prudent, de faire attention à soi-même, de se protéger des dangers, et toutes les souffrances vont nous tomber dessus. Alors gardons une certaine « distance » avec les gens (comme pendant le confinement !), ne les aimons pas trop, ou aimons-les à moitié, donnons-leur une main pour les aider mais gardons au moins l’autre main pour nous protéger, prêts à nous réfugier tout de suite chez nous si le danger devient trop grand…

    Je fais ici, bien évidemment, une caricature. Mais n’est-ce pas cela la mentalité d’une grande partie de l’humanité, de cette humanité égoïste de la société de consommation qui veut essayer de tout sécuriser, qui rêve de pouvoir se protéger un jour de toute maladie, de toute souffrance et d’éloigner la mort le plus possible ?

    Mon expérience à moi, ou plutôt notre expérience à nous, et je pense à une grande partie des lecteurs de notre blog, c’est que la vie sans amour est celle d’un mort vivant, d’un robot qui organise sa vie le plus parfaitement possible, mais qui a perdu son cœur et son âme. Il faudrait bien sûr des pages et des pages, des livres et des livres pour répondre sérieusement à Freud. Mais je voudrais dire ici seulement deux petites choses.

    La première, c’est qu’il ne s’agit pas de se protéger de la souffrance en lui tournant le dos et en la fuyant, car la souffrance nous retombera toujours dessus, un jour ou un autre. Il faut faire avec la souffrance ce qu’on fait avec la vie, si on a un peu de bon sens. On accueille la vie, on l’écoute, on essaye de comprendre ce qu’elle nous propose, ce qu’elle veut de nous, et puis on commence à prendre des décisions. C’est la même chose quand arrive la souffrance. Avant de fuir ou d’avoir peur, accueillons-la, demandons-lui de nous dire ce qu’elle veut, pourquoi elle est venue nous visiter et regardons-la droit dans les yeux comme une chose normale. Il est normal de souffrir, tout le monde passe par là. Mais il faut d’abord savoir de quelle souffrance il s’agit.

    Il est des souffrances éminemment positives, comme celles d’une mère qui va enfanter, d’un artiste qui se donne jusqu’à la limite de l’épuisement pour faire naître un nouveau chef-d’œuvre. Il est des souffrances qu’on peut éviter et d’autres non, ce serait inutile de crier ou de se déprimer, il vaut mieux apprendre à vivre avec elles…

    Et puis il faut apprendre à regarder nos souffrances ensemble, à les partager, à se diviser le poids qu’elles nous font porter. Cela relativise beaucoup de choses, cela donne de la force et du courage et cela fait souvent fuir des souffrances qui se révèlent finalement comme un fantasme passager.

    Alors, l’amour dans tout cela ? L’amour nous fait vivre, nous pousse à nous aider les uns les autres. Et si parfois il est bon de se protéger de certaines souffrances inévitables, il est certainement mieux de s’en protéger ensemble. Car c’est mon ami qui va le premier m’avertir qu’une souffrance est en train de me tomber dessus par derrière sans que je m’en rende compte et j’en ferai de même avec lui. Un enfant comprendrait tout seul ce raisonnement si simple. Comme ce fils de mes amis, atteint de leucémie à l’âge de 10 ans et qui a vaincu la maladie, selon la conclusion des médecins, parce qu’il y avait tellement d’amour dans sa famille qu’il n’avait pas la mentalité d’un enfant malade, il ne fuyait pas psychologiquement devant les piqûres ou les traitements terribles qu’il devait subir et c’est cet amour en famille qui l’a sauvé…

    En quelques lignes d’un pauvre blog, nous n’avons pas la place pour en dire beaucoup plus aujourd’hui, mais nous pouvons revenir sur ce sujet. Ce qui est sûr, c’est que penser aux autres avant de penser à soi ou au moins en même temps, ce qui est la base de l’amour, sera toujours la meilleure des armes pour affronter la vie qui nous arrive chaque jour et en faire une belle aventure…

     


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