• « ‘Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur. Mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur.’ Alors les disciples s’avancèrent et lui dirent : ‘Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés en entendant cette parole ?’… ‘Laissez-les dire : ce sont des guides aveugles pour des aveugles. Si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous les deux dans un trou.’ » (Mt 15, 11-12. 14)

    Il y aurait beaucoup à dire sur ces quelques phrases et, encore une fois, sur le conflit entre Jésus et les pharisiens, mais je vais ici m’arrêter sur une simple phrase : « Laissez-les dire. » Cela pourrait paraître contradictoire. Jésus dénonce pourtant bien clairement les pharisiens dans beaucoup de ses discours et, à ce moment-là, il ne les laisse pas dire.

    Mais Jésus n’est pas comme nous. Nous qui voulons détruire nos adversaires jusqu’au bout, qui voulons même nous venger, gagner la bataille. Jésus n’a pas de temps à perdre à tomber si bas. Il a expliqué ce qu’il devait clarifier. Il a montré aux disciples la voie de la pureté véritable qui est celle du cœur. Il ne va pas s’acharner maintenant sur ceux qui refusent de comprendre. Son premier but est toujours positif : construire la famille des enfants du Royaume, ceux qui acceptent de se laisser conduire enfin par l’Esprit de Dieu. C’est là que va tout son temps, sa passion, son effort.

    Combien de fois les chrétiens ont perdu de temps à vouloir vaincre leurs adversaires et ils sont tombés dans le piège de conflits sans fin, au lieu de construire toujours plus le positif avec ceux qui étaient prêts à le faire. Le message de Jésus est d’abord fait pour attirer vers le haut, pour changer notre regard, pour faire respirer, pour voir les personnes, les évènements et les choses comme Dieu les voit. Inutile de se déchaîner contre nos « ennemis » : la vérité ressortira toute seule et les erreurs et les déviations tomberont d’elles-mêmes comme deux aveugles qui s’entraînent dans un précipice. Puis Jésus attendra en fait le bon moment pour repêcher ces aveugles quand ils seront prêts, comme il fera avec Paul sur le chemin de Damas. La vie devient plus simple quand on essaye de se laisser pénétrer par le regard de Dieu.

     


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  • Vous m’excuserez si nous passons très rapidement sur ce chapitre. Il est plein de merveilles, mais c’est presque mot à mot la répétition de passages des chapitres 7 et 8 de Marc, que nous avons déjà abondamment médités.

    On y retrouve la discussion passionnante avec les pharisiens et les disciples sur le vrai sens de la pureté qui vient du cœur et non pas du dehors : une véritable révolution pour la mentalité religieuse de l’époque, mais qui est certainement encore bien valable de nos jours.

    Puis nous revoyons l’épisode délicieux de la visite de Jésus à la région de Tyr et Sidon avec la foi de cette cananéenne qui réussit à obtenir de Jésus un miracle pour sa fille, comme si elle faisait changer d’avis à Jésus en cours de route : puissance de la foi dans son ingénuité !

    Ce sont ensuite les guérisons qui se multiplient et qui impressionnent la foule. Et pour finir la seconde multiplication des pains. Jésus à l’œuvre avec toute la puissance de son amour et de sa divinité mystérieuse.

    Je vais seulement citer ici les quelques phrases originales de Matthieu, que l’on ne trouve pas dans l’Evangile de Marc. L’Evangile a tout de même toujours quelque chose de nouveau et de surprenant. Mais voyez plutôt. « Alors les disciples s’avancèrent el lui dirent : ‘Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés en entendant cette parole ?’ Mais il répondit : ‘Toute plante que mon Père du ciel n’a pas plantée sera arrachée. Laissez-les dire : ce sont des guides aveugles pour des aveugles. Si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous les deux dans un trou.’ »

    Et un peu plus loin : « Alors la foule était dans l’admiration en voyant des muets parler, des estropiés guérir, des boiteux marcher, des aveugles retrouver la vue ; et ils rendirent gloire au Dieu d’Israël. »

    C’est toujours beau de contempler ce Dieu fait homme qui marche au milieu de la foule, qui ne s’attarde jamais ni sur ses succès, ni sur ses échecs. Il va toujours de l’avant, il se penche sur tous ceux qui ont besoin de lui avec une grande compassion. Il ne se préoccupe ni des critiques des gens ni de leur trop grand enthousiasme. Il sait bien que peu de personnes sont capables de vraiment le comprendre. Ses disciples eux-mêmes sont tellement lents à s’ouvrir au trésor véritable que Jésus est venu nous apporter. Et cette foule qui l’admire aujourd’hui va le condamner dans peu de temps. Mais Jésus a sa mission à accomplir et le reste finalement importe peu…


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 15 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. » (Mc 7,22) (cf. Mt 15,19 : « C’est du cœur que proviennent les pensées mauvaises : meurtres, adultères, inconduite, vols, faux témoignages, diffamations. »

    Je ne sais pas comment vous vous sentez devant une telle liste d’abominations. La tentation est grande de faire comme le pharisien qui remerciait Dieu d’être un homme juste, car il était convaincu que tous ces péchés ne l’avaient jamais effleuré comme les pauvres gens de ce monde. Peut-être que nous n’avons jamais volé ou été adultères, mais si nous sommes sincères, je crois que nous finirions par nous retrouver dans chacun de ces mots terribles. Car au fond toutes ces attitudes horribles pourraient se résumer en une seule chose : utiliser égoïstement pour soi, détourner pour soi tout ce que Dieu nous présente ou nous donne, au lieu de le recevoir pour le donner à notre tour comme nous l’avons reçu, en esprit de communion réciproque.

    Tout est là. N’avons-nous pas découvert déjà, dès les premières pages de notre Evangile, que la vie de Dieu est au fond toute simple ? Accueillir celui qui nous donne et donner à notre tour dans la réciprocité. Ce qui « sort » alors de notre cœur sera seulement don et accueil, accueil et don, tout au long de la journée, et cela rendra « pure » notre vie et la vie de ceux que nous aimons. Dieu ne se lasse jamais de ce mouvement incessant qui part de son amour et qui y retourne pour y repartir de nouveau avec encore plus d’élan. Imaginons qu’un jour Dieu s’arrête d’aimer, qu’il reprenne pour lui tout ce qu’il nous a offert et qu’il continue à chaque instant à nous offrir. Evidemment notre monde disparaitrait à l’instant.

    Ce serait tellement absurde de penser un seul moment que Dieu cesse soudain d’être Dieu et de faire « sortir » de son cœur de Dieu tout cet amour. Mais alors pourquoi ne faisons-nous pas comme lui nous aussi, au lieu de nous inventer des raisons pour casser cette réciprocité avec nos frères, peut-être « parce que c’est l’autre qui a commencé » ou « parce que nous avons raison » comme nous disons si souvent : prétextes mesquins et stupides qui voudraient justifier notre manque d’amour ? Mais, quelle que soit la « méchanceté » de l’autre, rien ne nous obligera jamais à être « impurs » nous aussi en faisant « sortir » de nous la méfiance, l’indignation, la rancune ou toutes les attitudes que nous connaissons, qui servent seulement à diviser encore plus et à nous isoler des autres et de Dieu. Si nous avons oublié cela en route, ce n’est pas grave, nous ne sommes pas des machines à aimer, mais au moins avouons tout de suite que nous sommes malades et que nous avons besoin de la miséricorde de Dieu pour nous remettre à aimer, mais n’allons pas chercher des excuses terribles pour nous cacher dans notre coin et participer nous aussi à la désintégration de l’humanité.

     


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  • C’est un verbe qui fait rêver. Il donne une idée de passage des ténèbres à la lumière, de sortie d’un tunnel, de retour à la vie. Et puis c’est un verbe qu’on peut utiliser à la fois pour soi-même et pour les autres et qui est donc un synonyme de partage et de collaboration.

    On guérit en effet d’une maladie, d’une manie, d’une mauvaise habitude. Mais on peut aussi guérir les autres de leur propre maladie. Guérir, c’est l’espoir que le mal pourra enfin être vaincu. Guérir, c’est l’expérience de retrouver la santé ou l’harmonie là où elles semblaient perdues, et c’est en même temps une nouvelle prise de conscience heureuse de la chance que nous avons d’être toujours en vie.

    Guérir, c’est expérimenter que la maladie n’est jamais définitive, et qu’elle est en fait une sorte d’épreuve qui augmente ensuite notre énergie, notre courage et en même temps notre amour les uns pour les autres.

    Et puis si guérir est une victoire sur la maladie, c’est aussi commencer à penser que même la mort ne sera au fond qu’un passage, comme nous l’avons vécu déjà si souvent avec certains de nos proches.

    Mais, en attendant, guérir est l’occasion de nous serrer les coudes entre nous. Quand nous souffrons pour un être cher qui se sent très mal, quand nous faisons tout pour l’aider à trouver le remède ou le médecin qui pourra le sauver, quand nous passons des heures à l’assister à l’hôpital et à l’accompagner jusqu’à la guérison complète, ces moments restent inoubliables. Le mal et la souffrance sont passés, et on se souvient seulement que nous sommes entrés pour toujours dans le cœur l’un de l’autre et que l’humanité est une belle famille…


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  • Je suis tombé ces jours-ci sur une phrase du fameux philosophe Emmanuel Kant, qui m’a sidéré. Ecoutez-la tout simplement : « Ce tribunal que l’homme sent en lui est la conscience. »

    Vraiment, cela vous jette tout à coup une lumière négative sur tout un pan de l’intelligence humaine, sur des années d’études, de recherches, d’approfondissement de la pensée…

    Cette voix que je sens parfois confusément, parfois plus clairement au fond de moi, ces suggestions qui me parviennent soudain au milieu d’une foule de problèmes à résoudre, ce serait un tribunal, c’est-à-dire un juge qui me regarde de travers et qui me gronde devant tout le monde ? C’est vrai qu’au tribunal il y a aussi les avocats de la défense qui sont là pour prendre mon parti. Mais avouez que ce serait bien tragique si ce tribunal que nous trouvons à chaque pas de notre vie sociale, au travail, dans nos activités et même en famille, allait maintenant envahir notre esprit et notre cœur et nous ôter la paix intérieure pour toujours.

    Non, excusez-moi, Mr Kant, mais ma conscience à moi n’est pas un tribunal. Et je pense d’ailleurs que votre conscience non plus ne devait pas être un tribunal, mais vous l’avez comprise de travers. Je ne veux pas dire par là que la conscience n’est pas là pour me corriger, me faire redresser des pensées mauvaises, m’éviter des erreurs tragiques.

    Mais ma conscience ne sera jamais là pour me juger ou pour me condamner. Car ma conscience c’est le cœur de mon être même. C’est ce qui m’aide à découvrir mon vrai moi caché sous les masques que la société m’a parfois poussé à inventer devant les autres en croyant me protéger.

    Ma conscience est là pour m’aider, pour m’éclairer, me faire sortir de mes tunnels, me redonner l’espoir quand tout semble obscur et la paix quand je me trouve au milieu de conflits sans fin. Je crois que ma conscience m’aime, Mr Kant, qu’elle veut mon bien avant tout, et qu’elle ne peut jamais m’entraîner dans des problèmes inutiles. Elle va parfois me faire prendre conscience, justement, de ce qui ne va pas chez moi, mais avec délicatesse, en me donnant en même temps le courage de changer et de repartir dans la bonne direction.

    Et puis ma conscience est discrète, elle me parle dans le secret de mon cœur, elle est le contraire d’un tribunal public où je peux devenir la proie des gens qui veulent me faire du mal. Elle est comme un ami qui me sert de miroir et qui vient peu à peu illuminer toutes mes ombres.

    Mais si beaucoup de gens comme vous, Mr Kant, en sont arrivés à de telles conclusions, ce n’est sans doute pas de votre faute. Je crois que c’est la faute des religions du monde entier qui ont cultivé en des milliards d’hommes la peur et la honte du péché, la terreur de l’enfer. A commencer par notre pauvre religion chrétienne qui s’est à moitié perdue en chemin, oubliant le message d’amour de son fondateur…

    Si la vie a un sens qui ne peut être que positif, sinon nous devrions tous nous suicider sur le champ, c’est que nous avons été créés par amour et pour l’amour. Et si la vie m’a donné une conscience, c’est parce qu’elle m’aime et qu’elle est là pour m’apprendre à aimer et à mélanger ma conscience avec celle des autres, en m’enlevant pour toujours la peur de moi-même et en même temps la peur des autres. Sinon ce serait bien triste d’être homme, comme une petite fourmi noire perdue au milieu d’un univers absurde qui l’écraserait. J’espère que notre conscience est là pour nous envoyer des messages un peu plus positifs…

     


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