• « ‘Alors veux-tu que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous arrachiez le blé en même temps.’ » (Mt 13, 28-29)

    Comme elle est sage, cette phrase, comme elle apporte la paix et nous empêche de faire bien des gaffes inutiles ! Chacun de nous a en lui le bon grain et l’ivraie mélangés. Il est déjà important de ne pas tomber dans le piège de diviser les gens entre « bons » et « méchants », en se croyant évidemment du bon côté avec le droit de juger tous ceux autour de nous qui vivent de travers ou qui n’ont rien compris…

    Cette phrase nous amène d’abord à avoir un peu de bonne patience avec tout le monde et d’abord avec nous-mêmes. L’idéal de la perfection ou du perfectionnisme est parfois le piège d’un orgueil spirituel latent qui nous pousse à nous centrer sur nous-mêmes et nous empêche finalement de vivre l’essentiel : aimer notre prochain.

    Jésus veut donc aussi nous dire par là qu’aucun de nous ne peut s’ériger en maître de la loi ou en juge universel qui voudrait corriger le monde entier, en se croyant finalement supérieur à tout le monde. Laissons faire à Dieu ce travail de correction qu’il a déjà commencé avec le message révolutionnaire de l’Evangile et avec la voix de l’Esprit qui résonne à chaque instant en nous, si nous sommes assez attentifs pour l’écouter.

    Mais il y a ici aussi une simple loi de la nature qui évite de trop se compliquer la vie pour peu de résultats. C’est que la vie est capable de prendre le dessus dans la nature si nous lui laissons toute la place. Pas de panique d’abord quand surgit le négatif, à part peut-être certains cas extrêmes pathologiques pour lesquels il faut tout de même intervenir. Mais en général c’est en nous concentrant sur la vie du positif, en soignant la plante du positif, en l’arrosant chaque jour, en lui faisant arriver la lumière nécessaire, que la vie finira par triompher souvent toute seule… et le négatif ira en fin de compte mourir aussi tout seul dans son coin. Combien de fois avons-nous vu des fruits extraordinaires à une attitude de vraie confiance en la vie de l’autre et de nous-mêmes, une vie peut-être fragile au début mais qui change complètement si on lui donne tout l’espace pour se développer harmonieusement. Combien de problèmes inutiles sont alors évités. Combien la paix grandit alors dans les cœurs !

     


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  • « Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » (Mt 13, 16-17)

    Lorsque j’ai découvert que j’allais devoir commenter cette phrase de l’Evangile de Matthieu juste le jour de Noël, cela m’a fait un effet extraordinaire. Quel plus beau cadeau de Noël que cette béatitude inattendue ! C’est comme la découverte ou la redécouverte qu’avec la Bonne nouvelle de Noël nous pouvons devenir et rester pour toujours les plus « heureux » des hommes.

    Noël est en effet la fête de la joie, du bonheur et de la béatitude la plus totale, lorsqu’on se laisse vraiment pénétrer par son mystère. Car avec la venue de Jésus parmi nous tous les problèmes vont enfin trouver une solution.

    On s’aperçoit tout à coup que le message de l’Evangile ne peut pas être simplement une belle fantaisie spirituelle déconnectée des réalités de ce monde. Le message de Noël n’est pas une belle théorie ou une utopie bien vite démentie par le négatif qui essaye de régner autour de nous.

    C’est vrai que pour parvenir à la joie et à la délivrance définitives nous devrons attendre la résurrection de Pâques, car les ténèbres qui continuent à envahir le monde peuvent nous faire croire parfois que le mal et la mort ont gagné la bataille. Mais ce n’est qu’une question de temps et de patience.

    La joie ne Noël n’est pas une illusion, elle est palpable, car Dieu est entré au cœur de l’homme, âme, esprit et corps. Nos yeux ont commencé à voir, nos oreilles ont commencé à entendre. Nous pouvons toucher chaque jour la présence réelle du Fils de Dieu parmi nous en chacun de nos frères. Et la Bonne Nouvelle n’est pas non plus un idéal à vivre chacun pour soi dans sa sphère privée, comme essaye de nous le dire une certaine mode culturelle de l’occident d’aujourd’hui. Non, la venue de Jésus à Noël est la plus grande des révolutions sociales, car elle illumine toutes nos relations humaines en leur donnant déjà un avant-goût de paradis… si nous parvenons simplement à nous aimer comme les Trois « là-haut » s’aiment de toute éternité, avec ce désir immense de faire participer l’humanité tout entière à leur amour réciproque infini !

     


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  • Nous voici arrivés à un nouveau chapitre merveilleux de l’Evangile de Matthieu, c’est son troisième discours, le discours des paraboles. Matthieu reprend de nombreux passages de Marc, que nous verrons également en Luc. « Tout cela, Jésus le dit à la foule en paraboles, il ne leur disait rien sans employer de paraboles, accomplissant ainsi la parole du prophète : ‘C’est en paraboles que je parlerai, je proclamerai des choses cachées depuis les origines.’ »

    Je ne vais pas revenir ici sur la parabole du semeur, ni sur celle de la graine de moutarde, ni sur celle du levain enfoui par une femme dans de grandes mesures de farine. Nous les avons déjà bien commentées avec Marc (cf. les trois derniers articles de rappel que je viens de publier ce mois-ci « de Marc à Matthieu 13).

    Matthieu ajoute simplement au récit de la parabole du semeur deux passages qui font réfléchir et sur lesquels nous reviendrons en partie dans les « perles de la Parole ». « Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : ‘Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi…’ » Encore des phrases qui pourraient faire peur, comme lors des chapitres précédents, si nous ne les mettions pas dans le contexte de la pédagogie de l’amour de Dieu.

    Mais il y aussi un autre passage bien plus positif, une nouvelle béatitude : « Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » Toute la venue du Royaume en Jésus est déjà en soi la plus grande et la plus extraordinaire des béatitudes.

    Mais nous allons nous arrêter sur ce qui est original chez Matthieu, comme un approfondissement de plus qui nous ouvre des horizons exceptionnels. D’abord la parabole « du bon grain et de l’ivraie ». Jésus « leur proposa une autre parabole : ‘Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? d’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’ Il leur dit :’ C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Alors veux-tu que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps…’ »

    Jésus alterne les moments où il s’adresse à la foule et ceux où il s’explique plus clairement avec les disciples. « Alors, laissant la foule, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : ‘Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ.’ Il leur répondit : ‘Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le démon ; la moisson, c’est la fin du monde, les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et ceux qui commettent le mal, et ils les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende !’ »

    Et puis Matthieu continue, avec encore trois autres paraboles originales : « Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ. »

    « Ou encore : le Royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines. Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle. »

    « Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet qu’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

    Et Jésus conclut en disant : « Avez-vous compris tout cela ? – ‘Oui’ lui répondirent-ils. Jésus ajouta : ‘C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien.’ »

    Dans tout cela, on peut distinguer deux buts principaux dans le discours de Jésus. D’un côté éblouir et attirer le plus possible ceux qui l’écoutent en leur montrant l’importance et la beauté divine du Royaume des cieux. Et si l’on comprend que ce Royaume des cieux n’est autre que la Trinité elle-même qui vient de descendre sur la terre et de s’incarner en Jésus, nous sommes devant la contemplation de la plus haute béatitude que l’on puisse imaginer. Avec la venue de Jésus parmi nous, la vie de l’homme a trouvé finalement son sens ultime, son bonheur total. Il n’y a qu’à laisser de côté tout le reste et se donner corps et âme à ce Royaume qui est fait pour nous et pour lequel nous sommes faits, chacun et chacune d’entre nous et tous ensemble.

    Mais de l’autre côté, Jésus en bon pédagogue de son époque, continue de temps en temps à nous effrayer. Il veut nous montrer à quelle désolation totale peut conduire le refus du Royaume des cieux. A nous de méditer sur ces deux aspects, positif et négatif et d’en tirer une leçon pour toujours. Mais il est clair que le positif l’emporte de loin sur le négatif du châtiment, la béatitude l’emporte sur la condamnation. Sinon Jésus ne serait pas venu parmi nous pour nous donner sa vie.

    Et nous voilà à la fin du chapitre : « Jésus acheva ainsi de proposer des paraboles, puis il s’éloigna de là. Il alla dans son pays, et il enseignait les gens dans leur synagogue… » Mais cette histoire-là, nous la connaissons déjà bien pour l’avoir lue dans l’Evangile de Marc. Et Matthieu va finir de la même façon : « Jésus leur dit : ‘Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie et sa propre maison.’ Er il ne fit pas beaucoup de miracles à cet endroit-là, à cause de leur manque de foi. »

    Mais nous allons revenir maintenant sur tout cela en reprenant comme d’habitude quelques nouvelles « perles de la Parole ». A très bientôt !


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  • Je ne sais pas combien de gens se rendent compte que ce qui fait le plus de mal à nos relations humaines de toutes sortes, ce sont les étiquettes que nous nous mettons les uns sur les autres à longueur de journée, comme points de repère pour savoir comment nous comporter avec chacun.

    Il est bien naturel de vouloir comprendre l’autre, sa personnalité, son caractère, ses qualités et ses défauts, pour savoir au moins comment l’aborder, quel type de relation nous pourrons construire avec lui. Mais le problème, c’est qu’on passe sans s’en rendre compte d’un premier regard de découverte à un désir d’analyse, à l’envie de définir l’autre et de le cerner. Et ce regard se fait souvent méfiant, comme si l’autre était déjà au départ un danger pour nous qu’il faut bien déchiffrer pour pouvoir l’affronter…

    On peut mettre ainsi sur l’autre des étiquettes positives comme des étiquettes négatives. On peut admirer l’autre ou en être jaloux, on peut mépriser l’autre ou essayer de l’éviter. Tout cela vient justement des étiquettes dans lesquelles nous l’avons peu à peu enfermé. Mais ce dont nous ne nous rendons pas compte, c’est qu’en enfermant l’autre dans ces espèces de caricatures que nous nous forgeons du matin au soir, nous nous enfermons nous-mêmes, comme dans des prisons réciproques que nous dressons entre nous et qui finalement nous paralysent. Et nous remplissons ainsi une grande partie de notre temps à faire des commérages plus ou moins superficiels sur les gens que nous connaissons et la vie nous semble bien vide.

    Le problème véritable ce ne sont pas les étiquettes en soi, mais le fait que notre société est de plus en plus une sorte de grand spectacle, où nous regardons les autres du fauteuil de notre personnalité, comme nous suivons les nouvelles à la télévision. Nous finissons par ne plus savoir interagir avec les autres, nous laisser toucher par eux, être prêts à ce que l’autre entre dans notre vie, notre esprit et notre cœur et vienne peut-être bouleverser l’équilibre fragile que nous nous étions fait jusque-là.

    Nous sommes à une époque où tout le monde cherche son indépendance. L’indépendance est bien sûr un pas en avant par rapport à la dépendance que nous subissons devant quelqu’un qui va jusqu’à nous dominer et nous écraser. Mais on oublie que l’indépendance n’est que la préparation à l’interdépendance entre des partenaires qui sont assez mûrs pour savoir ce qu’ils veulent, mais qui savent que la vie est avant tout don de soi à l’autre dans la réciprocité, si nous ne voulons pas faire de la société un véritable enfer où chacun a peur d’être envahi par les autres.

    Quand nous devenons capables de regarder l’autre de l’intérieur le plus possible, de l’intérieur de nous-mêmes à l’intérieur de lui-même, de cœur à cœur, et non pas du dehors en restant finalement prisonnier des apparences, les relations humaines deviennent une belle aventure tellement passionnante. Et qui dit aventure ne dit pas que tout est facile, mais que tout prend un sens tellement plus fort, car nous sommes nés pour créer des rapports, pour nous entrechoquer le plus positivement possible et non pas pour passer notre temps à nous observer les uns les autres de loin comme des étrangers.

     


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  • A part ma rubrique « Perles de la Parole » et parfois « Reflets du paradis », je n’ai pas l’habitude dans ce blog de parler beaucoup de religion et de m’adresser particulièrement à mes amis chrétiens, mais cette fois-ci je vais le faire…

    Ce qui m’a provoqué encore une fois, c’est une de ces phrases terribles qui circulent sur les réseaux sociaux et qui nous bombardent chaque jour. Mais écoutez donc celle-là : « Ce qui m’importe, c’est l’éternelle vivacité et non pas la vie éternelle. » Elle est de Nietzsche, le fameux philosophe allemand de la « mort de Dieu ». Celui qui présentait justement les chrétiens comme des gens qui ont peur de regarder en face les réalités de cette terre et de les affronter, et qui avancent le dos courbé et les yeux fixés à terre, en attendant que la vie éternelle vienne les délivrer. Encore une de ces mauvaises plaisanteries ou de ces jeux de mots dont les chrétiens font les frais…

    Eh bien, je vous avoue que ce n’est pas Nietzsche qui me fâche ici, mais c’est nous les chrétiens au contraire. Parce que nous avons réussi en 2000 ans à transformer le message du Christ dans l’Evangile en une mauvaise caricature… et nous l’avons bien cherché si toutes ces critiques pleuvent sur nous.

    Ce qui me frappe ici, ce n’est pas le jeu de mots de Nietzsche qui se moque allègrement de notre « vie éternelle », mais le début de sa phrase : « Ce qui m’importe… » C’est ce « moi » qui veut s’affirmer tout seul et s’opposer aux autres qui fait de la peine. « Moi », je veux mener ma vie comme il me plaît, « moi » je sais ce qui m’importe, « moi » je ne suis pas stupide comme ces chrétiens. C’est au fond une simple réponse à l’individualisme qui a déformé complètement l’idéal de l’Evangile au cours des siècles.

    La vie de l’amour réciproque à l’image de la Trinité que Jésus nous a apportée est devenue peu à peu un refuge où chaque personne se sauve de son côté comme il peut, en attendant justement « sa » vie éternelle. Les chrétiens vont à l’Eglise comme dans un immense supermarché pour se servir de ce dont ils ont besoin, sans trop se préoccuper des autres. « Moi » ce qui m’importe, dit le chrétien, c’est d’arriver à la vie éternelle, et si les autres sont méchants et vont en enfer, c’est bien leur faute, « moi » je n’y peux rien. Alors nous avons bien mérité que Nietzsche réponde sur le même ton.

    Il y a heureusement encore quelques chrétiens qui illuminent notre monde, comme Mère Teresa, le Pape François ou Chiara Lubich. Mais il faudrait que leur exemple crée un véritable courant, une véritable culture nouvelle où le « moi » puisse grandir justement en donnant sa vie pour les autres et non pas en se désolidarisant de ces autres et en les jugeant et les condamnant comme s’ils ne nous concernaient pas. Le jour où nous chrétiens ferons sentir à tous les hommes que ce qui « nous » importe, c’est de sauver l’humanité tout entière qui nous a donné la vie, alors nous parviendrons peut-être à réconcilier cette humanité avec le cœur de l’Evangile et de la vie, « présente » et « éternelle » en même temps, que Jésus est venu partager avec nous…


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