• Oui, toujours la peur ! C’est sans doute cela qui nous désoriente le plus, qui nous gâche la vie de tous les jours. Au plus beau moment, alors que nous sommes en train de préparer une fête qui devrait apporter beaucoup de bonheur à un tas de gens, voilà que le temps se gâte, quelqu’un tombe malade, on est sans nouvelle d’un ami dont dépendait l’essentiel du programme : a-t-il eu un accident ? Que se passe-t-il ? Et la nuit encore, alors que nous aurions tellement besoin de nous reposer, voilà que des cauchemars passés remontent de notre inconscient et les heures de sommeil agité deviennent soudain très pénibles. Mais que faire avec cette peur qui ne nous quitte finalement jamais ?

    Eh bien, la première chose à faire c’est de l’accueillir, comme on fait avec un visiteur qu’on n’attendait pas mais que l’hospitalité a fait entrer soudain dans notre vie. Accueillir la peur c’est d’abord l’accepter comme elle est, ne pas lui faire sentir qu’elle nous dérange, la prendre comme si sa visite était tout à fait normale, puis la faire asseoir et lui demander ce qu’elle veut. On sera surpris de voir que souvent la peur n’est pas si méchante que cela. Il y a beaucoup d’aspects positifs à la peur. Sans elle nous ferions parfois n’importe quoi, sans réfléchir, comme des inconscients. La peur est souvent la cause indirecte du sens de la responsabilité si fondamental dans les relations humaines.

    Mais bien sûr il y a aussi beaucoup d’autres aspects de la peur qui sont nocifs, malfaisants, ridicules. Ayons alors le courage de dire à la peur que nous sommes trop occupés en ce moment pour l’écouter, qu’elle se repose tranquillement au salon, mais nous, nous avons d’autres choses à faire aujourd’hui plus importantes. Si elle nous voit vraiment décidés, avec déjà un programme bien chargé, elle comprendra et nous laissera tranquilles. Ce qu’il ne faut pas faire avec la peur, c’est lui montrer que nous sommes hésitants, alors elle va vouloir nous accompagner dehors et elle ne va plus nous quitter jusqu’à la fin de la journée et ce sera terrible. Combien avons-nous vécu de peurs qui nous ont empêchés de goûter pleinement à la vie et qui se sont révélées par la suite un véritable fantasme ridicule.

    Une des choses qui m’ont aidé à dépasser la peur (mais c’est toujours une bataille de chaque jour) c’est quand j’ai compris tout à coup que je croyais avoir peur du futur, mais qu’en réalité j’avais surtout peur du passé. Comment est-ce possible, puisque le passé ne pourra plus revenir me déranger ? Eh bien c’est cela le comble : lorsque j’ai eu une mauvaise expérience avec une personne et que je dois la rencontrer de nouveau demain, j’ai une peur terrible que cela se passe de travers comme la dernière fois. Tandis que si je dois faire la connaissance d’une personne que je n’ai jamais vue, il peut toujours y avoir un peu d’appréhension, mais je n’ai pas encore de raison valable de craindre quoi que ce soit et la peur ne sera pas au rendez-vous.

    En fait, ces petites expériences que je suis en train de vous raconter ne sont qu’une toute petite partie de ma vie avec la peur. Votre vie avec la peur sera sans doute bien différente de la mienne. A chacun de trouver son chemin, sa solution. Certaines personnes pensent qu’elles n’ont jamais peur : c’est peut-être la pire des illusions. Ce serait  mieux de reconnaître humblement que nous avons peur de beaucoup de choses, parfois souvent de choses bien futiles et banales. Mais ce qui est sûr c’est que si notre vie est déjà bien remplie par cette dynamique d’accueillir et de donner, dont nous parlons à chaque page de ce blog, il ne reste plus beaucoup de temps pour nous laisser envahir par la peur : nous avons autre chose à faire de plus important.

    Je n’oublierai jamais ces années de guerre du Liban où nous passions des heures sur les routes de Beyrouth et des environs pour aider les gens, en calculant quand même s’il n’y avait pas trop de danger : eh bien, nous étions beaucoup moins traumatisés que ceux qui restaient enfermés toute la journée dans des abris de fortune et qui sont souvent tombés en dépression.

    Nous reparlerons souvent de la peur dans notre blog. Cela fait du bien d’en parler sans tabou, sans peur. Mais il faut surtout lui trouver des remèdes. Que penseriez-vous de la confiance ? Allez voir l’article « Confiance bien placée? » qui est publié en même temps dans la rubrique « Passepartout » et dites-moi ce que vous en pensez. Il n’y a pas à ce niveau-là de remède miracle ni de solution définitive, mais cela vaut la peine de chercher et d’échanger à ce sujet.


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  • Combien de fois, au cours de notre vie, nous avons mal dormi parce que nous avions eu un grand malentendu avec une personne chère qui avait fini en véritable conflit. Ou bien un terrible imprévu était venu gâcher notre travail et nous ne savions plus comment regarder en face le lendemain. Combien de fois nous passons au travers de notre journée sans réussir à nous concentrer parce que nous avons peur d’un examen important à présenter, d’une entrevue qui pourrait changer notre avenir mais qui va sûrement mal se passer. Nous sommes angoissés, stressés parce que certains symptômes semblent annoncer l’arrivée d’une grave maladie, ou bien nous allons perdre notre travail, le pays va sombrer dans la crise...

    Et pourtant, en me levant ce matin, j’ai vu que j’avais toujours comme hier deux yeux pour regarder, deux oreilles pour écouter, deux bras et deux jambes pour agir et me déplacer, un cœur pour aimer et un cerveau pour discerner ce qu’il est mieux de faire ou de ne pas faire.  

    Aujourd’hui, comme hier, comme lorsque j’étais enfant, comme lorsque j’allais à l’université, comme lorsque j’ai commencé en hésitant ma vie d’adulte, je suis debout et je peux avancer, choisir, me débrouiller.

    Combien de problèmes, que je craignais des jours et des mois à l’avance, n’ont au fond même pas existé, comme si cela avait été un simple fantasme de mon imagination. Oui, il en est bien resté une conséquence négative, c’est ce mal de dos, ces migraines ou ces insomnies que le docteur a diagnostiqués comme conséquences directes du stress que je me suis finalement inventé presque pour rien.

    C’est vrai que tout n’a pas toujours marché comme je l’aurais voulu, mais pourquoi ne pas voir le positif même dans les problèmes ou les échecs ? Cette maladie où finalement tout le monde m’a entouré en famille et au travail et m’a aidé à me retrouver. Ce problème financier qui semblait insurmontable et qui a entrainé une chaîne de solidarité qui ne s’est plus arrêtée. Cet accident qui m’a fait découvrir la grandeur de l’amitié. Et toutes ces souffrances qui m’ont ouvert sur la souffrance des autres et m’ont fait sortir du monde clos qui était auparavant le mien.

    Combien d’aventures j’ai vécues que je n’aurais jamais imaginées, mais finalement les épreuves sont presque toujours arrivées une à la fois et jusqu’à maintenant j’ai toujours trouvé une solution... et ce matin je suis encore debout, prêt à continuer.

    Un jour peut-être arrivera le gros problème, le vrai problème qui n’aura pas de solution : et alors ? Tout sera fini sans espoir ? Je suis sûr que je me retrouverai encore une fois debout comme avant, en train de m’en sortir. Jusqu’au jour où vraiment je ne pourrai plus marcher et me tenir debout, je deviendrai peut-être sourd et aveugle, mes bras seront paralysés, mais mon cœur continuera à battre et à partager, comme mon ami Charles qui a vécu presque toute sa vie sur une chaise roulante, mais qui a pu fonder une famille et se battre toute sa vie pour redonner l’espoir autour de lui.

    Je sais bien qu’un jour ma vie aussi finira, mais pourquoi ne pas arriver à cette dernière épreuve en pensant simplement que notre tour est arrivé? L’important est de mourir sain, me disait toujours en plaisantant un de mes amis. L’important est de vivre et de mourir debout : si l’on y pense un peu sérieusement ce n’est pas aussi impossible que cela peut paraître. Tellement de gens l’ont fait avant nous et le monde ne s’est pas encore écroulé.


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  • Quand ont eu lieu les attentats de Paris, en particulier contre Charlie Hebdo, notre blog n’était pas encore lancé. Mais il n’est certainement pas trop tard pour essayer d’y répondre aujourd’hui. C’est sans doute d’ailleurs plus facile avec un peu de recul. Il n’en reste pas moins que je me suis senti obligé de m’exprimer là-dessus dans notre rubrique « Désorientés ».

    Comme beaucoup de gens en France et de par le monde, je suis encore bien désorienté devant tout ce qui s’est passé le mois dernier, pas seulement à cause de ces attentats horribles, mais aussi par un certain nombre de réactions qui les ont suivis. Qu’on passe sur les réactions guidées par la peur, la haine, l’ignorance qu’il est bien difficile de raisonner. Mais je voudrais retourner ici sur les réactions des gens qui devraient parler avec un esprit de responsabilité en sachant que tout ce qu’ils disent peut avoir des conséquences incalculables.

    Je voudrais revenir ici sur certaines déclarations de notre président de la République, François Hollande, qui m’ont vraiment désorienté. Aucune haine politique dans mes propos : ceux qui me connaissent savent bien que j’ai voté pour lui aux dernières élections présidentielles et que je le ferai encore si, d’ici là, la France n’a pas réussi à « inventer » de nouveaux candidats un peu plus à la hauteur de la situation. Mais la politique ne se base pas sur des rêves, elle doit partir des réalités que l’on a, même s’il n’est pas interdit de rêver...

    En tous cas, notre blog n’est pas un blog « politique », au moins dans le sens étroit du terme, dans le sens surtout d’une politique des partis, comme la politique est malheureusement devenue dans beaucoup de pays de notre planète, au lieu d’être une politique des valeurs ou des nobles causes. Ceci sera certainement le sujet d’articles futurs.

    Je voudrais reprendre les propos de François Hollande justement sur les valeurs : « La France, dit-il, a des principes, des valeurs » et « ces valeurs, c’est notamment la liberté d’expression. » Comment ne pas être d’accord ? Et avant de parler de la liberté d’expression, parlons de la liberté tout court. Cela vaut la peine de se battre pour la liberté, de donner même sa vie pour elle s’il en est besoin et l’on pourrait faire ici une longue liste de toutes les libertés qui sont essentielles pour construire une nation, une société.

    Mais ce qu’oublie ici Mr Hollande, c’est qu’aucune valeur n’est absolue en soi. Toute valeur prend son sens parce qu’elle en relation avec d’autres valeurs qui s’équilibrent mutuellement. Pour ne pas nous lancer ici dans un article de 10 pages qui découragerait le lecteur, je partirai simplement de notre « Liberté, Egalité, Fraternité », dont les Français sont si fiers. Quoi de plus beau que la liberté ! Quoi de plus beau que l’égalité ! Quoi de plus beau que la fraternité ! Oui, mais la liberté sans l’égalité, sans la justice de la fraternité, donne ce capitalisme sauvage où triomphe la loi de la jungle. L’égalité soi-disant absolue, sans la liberté ou la fraternité a donné le monstre du régime communiste soviétique, dont l’Europe n’est pas encore complètement guérie.

    Je voudrais ici prendre une comparaison qui parle un peu, comme on aime les faire au Moyen Orient. Quoi de plus beau qu’une belle fenêtre ouverte pour laisser passer la lumière du soleil! En arrivant pour la première fois au Liban, comme jeune coopérant, j’ai été frappé par ces appartements aux grandes baies vitrées qui nous manquent souvent en France. Cela s’explique évidemment par nos différences de climats. Mais imaginons qu’un architecte veuille soudain faire de ces fenêtres un absolu. C’est utile, agréable une belle baie vitrée dans un grand mur qui donne de la solidité à l’appartement, mais si l’architecte tout à coup voulait transformer l’appartement en un immense cube vitré où l’on n’aurait plus besoin de murs, que penserait-on de lui ?

    La liberté et ici la liberté d’expression sont certainement des valeurs à défendre de toutes nos forces, mais lorsqu’elles ne sont plus en harmonie avec la fraternité où vont-elles nous conduire ? L’humour, dit-on ? La liberté de rire et de critiquer ? Certainement. Je suis le premier à m’en servir chaque jour, à condition que l’humour commence par rire de soi-même, sinon il devient suspect. Et quand on a commencé à rire de soi-même, on peut aider son frère (par fraternité) à rire aussi de lui-même. On lui fera le plus grand bien, on l’aidera à corriger des défauts dont il ne s’était pas aperçu jusque là. Ainsi grandit l’amitié. Mais si mon frère ne sait même pas qu’il est mon frère, à quoi cela va-t-il servir que je me moque de lui ? Ne serait-ce pas mieux d’abord que je l’apprivoise et, lorsqu’il aura compris que je suis son frère et qu’il est le mien (les deux sont importants dans la réciprocité, ce n’est pas une lapalissade !), alors viendra le moment de rire ensemble de bon cœur de toutes nos bêtises.

    Mais si le résultat de notre « caprice » de vouloir défendre à tout prix notre liberté d’expression est qu’on tue des gens au Niger ou qu’on y brûle des églises, on peut au moins se demander si notre liberté d’expression sert à construire la société de demain ou bien à aggraver les conflits entre peuples, cultures et civilisations. Je crois qu’il faudrait se poser un peu plus de questions avant de continuer à se croire toujours tout permis parce que nos valeurs sont les meilleures. Elles sont sans doute les meilleures, mais, encore une fois, toutes ensemble en harmonie, pas chacune seule au détriment des autres.


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