• Nous voilà dans un chapitre de transition, avant le troisième discours en paraboles du chapitre 13. Ce n’est pas non plus un chapitre très original, puisque nous y retrouvons des passages presque identiques à certaines phrases de Marc et de Luc. Mais il y a tout de même des phrases nouvelles et les enchaînements sont parfois différents. L’Evangile est de toute façon la Parole de Dieu qui nous entraîne et la voir se répéter n’enlève rien à sa flamme qui brûle tout sur son passage.

    Au début, nous revoyons le conflit entre Jésus et les pharisiens qui se trouvait en Marc dès le chapitre 2, à propos du sabbat. Quelques mots nous apportent tout de même un air de nouveauté : «… N’avez-vous pas lu dans la Loi que le jour du sabbat, les prêtres, dans le Temple, manquent au repos du sabbat sans commettre aucune faute ? Or, je vous le dis : il y a ici plus grand que le Temple. » Une phrase à mettre sur le même plan que deux autres phrases de Jésus, un peu plus loin dans le même chapitre, et sur lesquelles nous reviendrons : « … et il y a ici bien plus que Jonas. »  « … et il y a ici bien plus que Salomon. »

    Puis nous passons à différents épisodes déjà rencontrés dans le chapitre 3 de Marc. Et d’abord celui de la guérison de l’homme à la main paralysée, elle aussi faite le jour du sabbat. On y voit ce passage étonnant : « Mais il leur dit : ‘Si l’un d’entre vous possède une seule brebis, et qu’elle tombe dans un trou le jour du sabbat, ne va-t-il pas la saisir et la faire remonter ? Or, un homme vaut tellement plus qu’une brebis ! Il est donc permis de faire le bien le jour du sabbat’ »

    Comme en Marc et en Luc, Jésus continue à se déplacer dans tout le pays et à guérir les malades, mais on trouve ici un autre passage très beau et original : « Ainsi devait s’accomplir la parole prononcée[RP1]  par le prophète Isaïe : ‘Voici mon serviteur que j’ai choisi, mon bien-aimé en qui j’ai mis toute ma joie. Je ferai reposer sur lui mon Esprit, aux nations il fera connaître le jugement. Il ne protestera pas, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement. Les nations païennes mettent l’espoir en son nom. »

    Ensuite, après la guérison du possédé aveugle et muet, revoilà les accusations des pharisiens : « Cet homme n’expulse les démons que par Beelzéboul, le chef des démons. » Comme en Marc et en Luc, Jésus n’a pas de mal à expliquer le ridicule de cette accusation, puisque « tout royaume qui se divise devient un désert… » Mais, ici encore, Matthieu va plus loin : « Et si c’est par Beelzéboul que j’expulse les démons, vos disciples, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi ils seront vous-mêmes vos juges. Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que moi j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est survenu pour vous. » Et, un peu plus loin une autre phrase originale et terrible : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. »

    Mais, à ce point-là, après avoir dit comme Marc et Luc que le péché contre l’Esprit Saint ne peut pas être pardonné, voilà que Matthieu se déchaîne : « Engeance de vipères ! Comment pouvez-vous dire des paroles bonnes, vous qui êtes mauvais ? Car ce que dit la bouche déborde du cœur… Je vous les dis : toute parole creuse que prononceront les hommes, ils devront en rendre compte au jour du Jugement. Sur tes paroles, en effet, tu seras déclaré juste ; sur tes paroles, tu seras condamné. »

    Et, alors que certains scribes et pharisiens lui adressent quand même la parole (« Maître, nous voudrions voir un signe de toi. »), Jésus va encore plus loin : « Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que celui du prophète Jonas. Lors du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération et ils la condamneront… »

    Et, pour nous effrayer encore plus, cette description terrible : « Quand l’esprit mauvais est sorti d’un homme, il parcourt les terres desséchées en cherchant un lieu de repos, et il n’en trouve pas. Alors, il se dit : ‘Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.’ En arrivant, il la trouve disponible, balayée et bien rangée. Alors, il s’en va, il prend avec lui sept autres esprits, encore plus mauvais que lui, ils y entrent et s’y installent. Ainsi l’état de cet homme est pire à la fin qu’au début. Voilà ce qui arrivera à cette génération mauvaise. »

    Et pour finir, au moment où tout semble tellement noir, tout le contexte change. Quelqu’un dit à Jésus : « Ta mère et tes frères sont là dehors qui cherchent à te parler. » Et Jésus répond : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » « Puis, tendant la main vers ses disciples, il dit :’Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère.’ »

    Encore une fois, on ne sait trop quoi penser après ce tourbillon effrayant qui se termine par la paix du paradis des disciples entourant Jésus dans l’amour réciproque. Ce chapitre est encore étonnant. On y a découvert un peu plus le mystère de Jésus et la force du mal qui veut lui faire obstacle. Jésus nous avertit des conséquences terribles auxquelles conduit le refus du message du Royaume. Pédagogie divine pour nous faire réfléchir…

    Mais Jésus a bien répété une nouvelle fois : « C’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. » Il est là pour nous emmener avec lui. Il veut seulement que nous ne perdions pas de temps inutile loin de lui car tout est si simple quand on l’accueille et qu’on se laisse faire par lui, mais tout devient tellement compliqué quand on lui tourne le dos. Et on ne peut s’empêcher de penser qu’il ira chercher parmi ces mauvais pharisiens en la personne de Paul le plus grand de ses apôtres. Jésus est bien là pour nous donner sa vie et nous sauver, pour nous éviter le jugement et la condamnation. Mais puisqu’il nous a créés libres il doit bien aussi nous faire regarder en face la vérité…

     


     


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 12 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. » (Mc 3,34-35) Article du 24 avril 2015 (cf. Mt 12,49-50 : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère. »)

    Il y a deux aspects importants dans ces deux petites phrases : celui de la volonté de Dieu et celui de la famille que Jésus est en train de former autour de lui. « Celui qui fait la volonté de Dieu... » dit-il, mais quelle est-elle au juste ? Nous en avons certainement une idée belle et complexe à la fois. Contentons-nous ici, pour l’instant, de nous rappeler tout ce que ces trois premiers chapitres de Marc nous ont révélé à ce sujet.

    « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. » (1,3) « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » (1,15) « Je le veux, sois purifié. » (1,41) « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » (2,5) « Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. » (2,9) « Suis-moi. » (2,14) Et à ces quelques phrases on pourrait ajouter cette exhortation claire à rester unis et toute l’action de Jésus et de ses disciples pour guérir les malades et chasser les esprits mauvais. La volonté de Dieu est déjà bien claire dans tout cela. Avant tout guérir cette humanité malade, la guérir physiquement, psychologiquement, moralement et spirituellement à la fois. Libérer l’homme de son péché, tout lui pardonner si possible et, en même temps lui faire prendre conscience de cette Bonne Nouvelle extraordinaire qui vient de lui arriver et qui peut changer toute sa vie. La volonté de Dieu va donc être simplement de participer à son action bienfaisante pour l’humanité, pour chaque homme que nous rencontrons, être par nos paroles et nos actes la continuation de l’œuvre de Jésus.

    En même temps il est clair que Jésus veut faire de nous une famille, sa famille. C’est sa volonté la plus profonde, le visage le plus extraordinaire de son amour infini : n’importe quel homme, quelle femme, même le plus grand pécheur, peut devenir son frère ou sa sœur, mieux même Jésus nous dit qu’il peut devenir « sa mère ». Il ne parle pas ici de père parce qu’il n’a qu’un seul Père, son Père unique avec lequel il ne peut pas y avoir de confusion, mais cela revient tout de même à dire que nous pouvons devenir les parents de Jésus. Jésus se met ainsi dans l’humble attitude de celui qui voudrait recevoir de nous la vie, comme il la reçoit de son Père céleste. Il nous fait déjà entrer dans le mystère de l’amour trinitaire où chacune des trois Personnes est, tour à tour celui qui donne et celui qui accueille ou qui reçoit. C’est cela la « famille » de Jésus, à l’image de l’expérience vécue de toute éternité dans le Ciel de la Trinité. Quelle volonté de Dieu sublime et impensable, quel miracle d’amour ! Nous en sommes seulement à la fin du troisième chapitre de notre Evangile et on pourrait penser déjà que tout est dit. Mais, au paradis de Dieu, on va toujours de surprise en surprise.


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  • Est-ce que vous avez pensé un jour que se plaindre de l’autre ne sert à rien ? Ou plutôt que ça sert seulement à se faire du mal à soi-même en même temps qu’à la personne ou aux personnes dont on se plaint ?

    Ayons le courage de regarder les choses en face pour un instant. Quand je me plains d’une personne, d’un groupe, d’une situation, d’une injustice, c’est presque toujours en pensant à moi-même, en me regardant moi-même. Cette situation ou cette injustice me dérangent, me font du mal, alors je me plains comme si cette plainte allait me soulager, me libérer et me faire trouver une solution à mon problème. Et la plupart du temps, cela ne sert qu’à détériorer encore plus nos relations.

    Le pire ce sont évidemment les plaintes contre des gens qui ne sont pas là, derrière leur dos, en disant du mal d’eux, le plus possible, en essayant de convaincre nos amis que ces personnes sont vraiment terribles, et, pour mieux les convaincre, en exagérant ce qui ne va pas, en nous laissant aller peut-être à de petites calomnies ou finalement à de grandes calomnies, à des racontars que nous avons entendus par hasard dans la rue et qui pourraient apporter de l’eau à notre moulin… Cela est la voie la plus sûre pour détruire pour toujours le rapport avec ces personnes, la confiance qui aurait pu peut-être s’établir entre nous malgré les difficultés.

    Alors que faire ? Le premier pas serait d’abord de se plaindre d’une personne en sa présence et si possible seul à seul, pour ne pas faire de tout de suite de notre problème un scandale public qui va sûrement s’ébruiter, se propager et prendre des proportions que nous n’arriverons plus à contrôler. Donc ce serait mieux de se plaindre « à » une personne plutôt que de se plaindre « d’ »une personne. Mais même cela n’aura pas une grande chance d’aboutir, sauf si la personne en question est vraiment tellement ouverte qu’elle va accepter tout de suite de nous écouter, mais c’est assez rare de trouver des personnes pareilles.

    La véritable solution, c’est d’arrêter de me plaindre déjà en moi-même, de cesser de penser seulement à me débarrasser d’un problème ou d’un obstacle qui me dérangent. Vous savez qu’un petit accident avec une personne, quand il est pris au début, avant que le problème n’augmente, est souvent une occasion de parler en toute franchise et de mieux se connaître ? Vous savez que la plupart du temps quand une personne commet une faute envers nous, elle ne le fait pas exprès ou bien elle le fait sans s’en rendre compte ? Alors la meilleure chose à faire, c’est d’abord de me calmer, d’arrêter de me regarder, et de me mettre à penser positivement à cette personne, croire à sa bonté, à ses bonnes intentions, lui trouver des excuses. Puis attendre une occasion, repartir avec cette personne du positif que nous avons déjà construit avec elle, ou bien, s’il s’agit de quelqu’un que nous connaissons à peine, essayer de construire un premier pont entre nous par un geste gratuit, un sourire, un salut qui donne confiance.

    Quand la bombe de notre colère ou de notre plainte est désamorcée à l’intérieur de nous-mêmes, on peut se jeter à l’eau en toute simplicité et humilité, en disant : « Il y a peut-être eu un malentendu entre nous. » « Avec tout le travail que vous avez à faire, vous ne vous êtes peut-être pas rendu compte de la situation » ou d’autres phrases de ce genre, pleines de confiance et de gentillesse gratuite. Si l’autre n’est pas vraiment méchant, tout le problème va vite se dégonfler et cela va même créer une nouvelle complicité entre nous. Et d’un conflit prêt à éclater on va peut-être parvenir au miracle de l’amitié… parce que nous avons eu le courage de penser au bien de l’autre avant notre bien à nous-mêmes. Combien la vie va devenir ensuite plus légère !


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 12 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’obtiendra jamais le pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. » (Mc 3,29) Article du 24 avril 2015 (cf. Mt 3,31-32 : «… mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas pardonné. Et si quelqu’un dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné, mais si quelqu’un parle contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné, ni en ce monde-ci, ni dans le monde à venir. »)

    Là, par contre, on a un peu peur. Ça a l’air sérieux et ça l’est effectivement. Jésus n’est pas en train de plaisanter. Espérons que ces pauvres scribes et pharisiens n’aient pas su au fond ce qu’ils faisaient : accuser l’esprit de Dieu de faire le travail du diable ! Dieu leur a sans doute pardonné à eux aussi. Il a bien pardonné à Paul qui était un de ces pharisiens qui avaient mis à mort Etienne, le premier martyr chrétien. Et il en a fait le plus grand des apôtres, avec sa libre collaboration bien sûr.

    Mais que veut nous dire ici Jésus ? C’est qu’on ne peut pas regarder en face la grandeur de ce Dieu amour, la force de son pardon, la beauté du salut qu’il apporte à l’humanité, la libération qu’il nous donne, le bien qu’il fait à tous ces malades qui souffrent et déclarer que tout cela vient de Satan, que tout ce bien est le mal absolu. Ou bien on ne se rend pas compte de ce qu’on dit et de ce qu’on fait (et alors Dieu nous pardonnera sans doute là aussi), ou bien on se laisse consciemment posséder par l’esprit du diable et alors sans doute la conversion et le pardon deviennent bien difficiles. Ce ne sont là certainement que des cas extrêmes et nous pouvons espérer qu’ils n’ont jamais existé et qu’ils n’existeront jamais. Mais Dieu nous a laissés libres et il n’est pas mauvais de nous souvenir parfois que cette liberté est en même temps une responsabilité extrême que nous ne devons pas prendre à la légère.

     

     


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  • [Pour nous préparer à la lecture du chapitre 12 de l’Evangile de Matthieu, nous reprenons quelques commentaires publiés dans ce blog en 2015]

    « Amen, je vous le dis : Dieu pardonnera tout aux enfants des hommes, tous les péchés et tous les blasphèmes qu’ils auront faits... » (Mc 3,28) Article du 24 avril 2015 (cf. Mt 12,31 : « Dieu pardonnera aux hommes tout péché, tout blasphème »)

    Je ne sais pas ce que vous pensez en lisant cette petite phrase. Je me suis moi-même demandé si je l’avais un jour regardée vraiment, si je m’y étais arrêté sérieusement au moins une fois. Et pourtant, c’est bien écrit noir sur blanc : Dieu va tout nous pardonner, absolument tout (à part ce blasphème contre l’Esprit que nous allons examiner ensuite avec la prochaine phrase). Dieu a envoyé son Fils pour nous sauver et nous pardonner. Et cela fait presque 2000 ans maintenant que nous continuons à nous juger et à nous condamner les uns les autres sur la base de l’Evangile. Nous avons fait de la Bonne Nouvelle une sorte de loi morale, pour classer les gens en catégories de saints et de pécheurs, de bons et de mauvais chrétiens, pour nous plaindre sans cesse les uns des autres parce que l’autre ne veut pas comprendre... et c’est aussi ce que je suis en train de faire maintenant : je suis capable de ne pas pardonner à ceux qui ne pardonnent pas. C’est un cercle vicieux sans fin, comme un chat qui courrait après sa queue sans réussir jamais à l’attraper.

    Combien d’énergie gaspillée pour bien peu de résultats dans notre bataille morale pour convertir le monde alors qu’il nous suffisait de l’aimer, de lui pardonner et de le libérer de lui-même en lui faisant voir une autre lumière qui l’aurait guéri pour toujours. Mais il est peut-être temps de recommencer. Dieu nous pardonnera en tous cas tout de suite ces bêtises si nous savons enfin comprendre sa miséricorde. Mais que dis-je ? Dieu nous pardonnera de toute façon, même si nous nous entêtons dans ces bêtises. C’est nous qui mettons des conditions : Jésus n’a pas dit que Dieu nous pardonnera si...nous changeons, si...nous nous repentons. Non, il a dit qu’il nous pardonnera de toute façon. Mais ce serait seulement plus intelligent de profiter de son pardon et de se décider de vivre avec Lui dans la lumière. Et surtout ce serait bien de passer tout le temps qui nous reste à vivre à répandre autour de nous la Bonne Nouvelle : Dieu nous aime et il est venu nous pardonner. D’où vient cette peur de l’enfer, ces complexes et ces scrupules qui ont fait des chrétiens les clients les plus nombreux parfois des cabinets de psychiatres, alors que nous devrions être simplement remplis de la joie de vivre ?

     

     

     


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