• La belle question d’une de mes lectrices : « Quel est notre objectif sur terre ? Comment savoir ma mission personnelle ? Est-ce d’aimer et d’être aimé ? Est-ce tout ? Pourquoi sommes-nous là ? Est-ce que nous avons tous le même objectif ? »

    Quand on sait que cette question a été posée avec la crise du coronavirus en toile de fond, qui tue nos proches sans prévenir, en même temps que le drame interminable que vit le peuple libanais sans voir encore de lumière au bout de son tunnel, comment faire pour répondre d’une manière qui ne soit pas superficielle ?

    Je vais commencer bien humblement par dire que je « n’ai pas »  de réponse toute faite à une question pareille et qu’en fait chacun porte en soi les réponses à ses propres questions, s’il apprend à regarder au fond de lui-même. Mais puisqu’aussi nous regardons tellement mieux au fond de nous-mêmes quand nous sommes ensemble avec des personnes en qui nous avons confiance, je vais essayer de me jeter à l’eau et de dire quand même une ou deux belles réalités qui me traversent en ce moment le cœur et l’esprit.

    Puisque je réponds ici dans ma rubrique « Reflets du paradis », je vais partir de l’Amour de Dieu qui nous a créés pour que nous soyons un don les uns pour les autres. Alors oui, notre objectif, notre mission, est certainement d’aimer et d’être aimés. Est-ce tout ? Oui, c’est tout, parce que l’amour, le véritable amour englobe tout, comme l’air qui rentre dans nos poumons n’est pas fait seulement pour une partie de nous-mêmes, mais l’oxygène qu’il contient nous inonde de la tête aux pieds car sans lui nous serions tout de suite morts.

    Mais l’amour est beaucoup plus que la petite expérience que nous nous en faisons au cours de ces brèves années de vie que nous avons sur cette terre. L’amour n’est pas une quantité d’amour que nous possédons dans notre cœur, quelques sentiments, quelques belles pensées, un peu de bonne volonté. Nous ne possédons pas l’amour, nous le laissons simplement entrer en nous pour être aussitôt donné. L’amour, c’est d’abord accueillir et recevoir cet amour, de Dieu et de ceux qui nous aiment, pour le partager tout de suite avec ceux qui nous entourent. Car arrêter l’amour ou le garder pour soi, c’est déjà le faire un peu mourir. Ce n’est pas très grave, car Dieu est toujours là pour nous en donner tout de suite une nouvelle flamme, si le feu d’avant venait à s’éteindre.

    Le problème ce sont ces circonstances de la vie qui sont souvent si difficiles, ce sont ces gens qui au lieu de nous aimer nous font du mal, ce sont ces peurs que nous avons à longueur de journée. Alors comment faire ? Je crois qu’il faut d’abord bien s’attacher en cordée avec quelques personnes de confiance, comme le font les alpinistes qui veulent gravir une très haute montagne pleine de dangers, de pièges et de précipices, mais tellement belle quand on parvient au sommet.

    Et, avec ces amis, apprendre à ne pas s’arrêter. Entendons-nous, on doit bien souvent se reposer en route, car nous ne sommes pas des robots, des machines à aimer sans états d’âme. Mais le repos lui-même peut être un repos pour mieux aimer, au lieu d’être parfois un moment où on s’enferme dans sa chambre pour juger et haïr le monde entier qui ne nous comprend pas. Et quand on sort de sa chambre, ne plus faire de calcul, ne plus aimer seulement ceux qui nous font du bien, mais vouloir au moins le bien de tout le monde. Ne pas aimer parce que c’est facile, mais parce qu’en aimant nous laissons pénétrer en nous l’oxygène de la paix, de la compassion, de la miséricorde, de la patience qui nous fait tellement de bien à nous-mêmes avant même de faire du bien aux autres.

    Alors la vie devient une formidable aventure. Quand je me lève le matin en pensant : qui je peux aimer aujourd’hui, qui je peux aider, consoler, réconforter, encourager, conseiller, écouter, accompagner, inviter, éclairer ? Plus rien de monotone, car chaque personne, chaque rencontre est différente et pleine de surprises, agréables ou désagréables, cela ne devrait rien changer. Bien sûr que je vais chercher les lieux et les personnes avec qui je peux faire un travail positif, utile à l’humanité, mais parfois je devrai aller aussi vers ceux qui souffrent même si au départ cela me paraît tellement difficile. Je dois équilibrer mes forces en chemin, toujours aussi avec l’aide ce ces amis avec qui je me suis mis en cordée.

    Et ma mission personnelle, mon objectif personnel dans tout cela ? C’est un peu difficile d’en parler en quelques lignes d’un article de blog. Mais je crois que si l’objectif global est clair tout au long de la journée, c’est aussi en aimant du matin au soir que chacun va commencer à découvrir le trésor unique qu’il porte en lui dans son cœur, dans son intelligence, dans son caractère, et c’est comme cela que chacun va trouver sa vocation, son appel. Mais cela viendra toujours au fil de l’action, pas en se posant des questions théoriques enfermé chacun dans sa chambre. « A qui m’aime, je me manifesterai » a dit Jésus : si je l’aime dans les prochains que je rencontre tout au long de la journée, il va bien vite me manifester où, comment et avec qui je peux vivre véritablement cet amour pour lequel j’ai été créé.


    votre commentaire
  • « Vous n’avez pas à être positif tout le temps. Vous avez le droit d’être triste, en colère, agacé, effrayé… Avoir des émotions ne fait pas de vous une personne négative, cela fait de vous un être humain. »

    Vous avez peut-être vu comme moi ces petites phrases circuler récemment sur les réseaux sociaux. Je vous avoue qu’elles m’ont fait très mal et je voudrais vous dire pourquoi. Le problème n’est pas ces trois phrases en elles-mêmes qui sont absolument justes. Qui a dit que nous « devons » être positifs tout le temps ? Qui a dit que nous « n’avons pas le droit » d’être tristes, en colère, agacés, effrayés… qui a dit qu’avoir des émotions fait de nous des personnes négatives ?

    C’est cela le problème réel. La brave personne qui a publié cette sorte de cri du cœur est une personne qui se plaint d’être attaquée sur le fond de son identité et de sa personnalité. Mais attaquée par qui ? Encore une fois par certains responsables de l’Eglise qui ont transformé depuis des siècles le message de Jésus en une fausse morale ou sainteté personnelle qu’on se construit égoïstement pour se sentir meilleur que les autres et pour les juger.

    Et en même temps à cause d’une spiritualité désincarnée qui oublie que Jésus est un Dieu qui s’est fait « chair » et qui nous a même donné son « corps » pour pénétrer le nôtre et le transformer en Lui en même temps que notre esprit et que notre âme. Et c’est pour tout cela que j’ai décidé de parler de ce scandale dans la rubrique « Reflets du paradis », pour nous laisser éclairer directement par l’Evangile.

    La première remarque, c’est que le message du Christ n’est pas un devoir qui nous est imposé contre notre gré et qui est au-dessus de nos forces et qui finit par nous condamner parce que nous n’arriverons jamais à le remplir comme il faut. L’invitation de Jésus est exactement le contraire de cette mentalité de pharisiens hypocrites. Jésus est simplement là qui nous invite avec tout son amour, qui nous propose son paradis mais qui respecte en même temps totalement notre liberté, et qui nous attend, qui ne veut jamais rien nous imposer. Jésus, encore une fois, est venu pour nous sauver et non pas pour nous juger. Alors bien sûr qu’il est heureux quand nous devenons « positifs », mais d’un vrai « positif » qui n’est pas une comédie de façade ou d’apparence. Un positif qui est en même temps une bataille de tous les jours pour nous aider ensemble à porter nos croix et à aller vers la résurrection.

    Jésus voudrait de tout son cœur que nous ayons son paradis dans l’âme, mais si un jour il voit que nous ne parvenons pas à être positifs, il quitte tout pour nous relever et nous redonner courage, comme le berger qui quitte les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont en sécurité pour donner la priorité à la seule brebis qui s’est égarée. Si je ne parviens pas à être positif aujourd’hui, je dois être sûr que Dieu m’aime encore plus que tous les autres, je suis pour Lui sa priorité. Jamais je ne devrais me sentir jugé si je ne vais pas bien, au contraire…

    Et puis cette réalité des émotions et en même temps des sentiments, n’est-ce pas justement ce qui fait la grandeur de l’homme quand il apprend peu à peu à les mettre entre les mains de Jésus, comme on lui remet tout ce qui fait le fond de notre humanité ? Jésus le premier n’était-il pas rempli de colère parfois, de tristesse immense ou d’angoisse ? Saint Paul n’a-t-il pas dit : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus. » ? (Ph 2,5) Il n’y a pas d’émotions ou de sentiments qui soient négatifs en soi. Un sentiment ou une émotion comme la colère peut venir par exemple du scandale d’une grande injustice dont nous sommes témoins. Ce qui peut être ensuite négatif, c’est ce que je vais décider en toute liberté de faire à partir de cette émotion. Si je transforme ma colère en bataille pour un monde meilleur, c’est un pas de plus vers la résurrection de l’humanité.

    Il faudrait enfin distinguer entre un état positif ou négatif et une attitude positive ou négative. Je peux vivre dans une situation terriblement négative de souffrance, d’injustice, de maladie et continuer à créer et à distribuer du positif autour de moi, comme le font héroïquement en ce moment des milliers de Libanais au milieu du drame qui vient de les frapper une fois de plus. Et ce positif, je le vis parce que je crois à l’amour de Dieu pour l’humanité, parce que je crois que Jésus peut transformer une fois encore nos croix en résurrection. Et le positif le plus vrai et le plus efficace est celui qui s’unit à d’autres positifs, sans trop regarder qui a raison ou qui a tort, sans perdre de temps à se comparer aux autres, parce que tout jugement de l’autre ou de soi-même est du temps perdu pour la bataille de l’humanité.

    Et si je me bats, ce n’est pas par devoir, pour me sentir la conscience tranquille, mais c’est que mon cœur de pierre a commencé à se transformer en cœur de chair comme celui de Jésus. Et je sens alors en moi (avec mon esprit, mais aussi avec tous les sentiments et les émotions du cœur humain) la passion que Jésus est venu nous apporter de donner notre vie pour nos frères. Et comme je ne suis pas Dieu, je ne suis pas un robot positif, je tombe mille fois sur la route, mais je me relève mille fois, ou plutôt nous nous relevons mille fois ensemble. Et nos situations négatives finiront par disparaître et il restera pour toujours ce positif que nous aurons inventé en chemin avec toute notre humanité.


    votre commentaire
  • [Cet article exceptionnel devrait être une surprise pour les 90 ans, lundi 10 août, de notre chère amie Janine. Janine ne lit ni mon blog, ni Facebook, alors prière de ne rien lui dire de cette surprise, merci]

    Quand je suis rentré au Liban dimanche dernier, j’ai écrit un article sur mon retour, où j’ai mis tout mon cœur, en parlant aussi du défi qui m’attendait avec tous mes amis libanais. Mais jamais je n’aurais pu imaginer l’explosion apocalyptique qui allait se produire.

    Que dire après cette ultime épreuve qui frappe encore le peuple libanais ? Continuer à croire en un avenir possible ? Garder malgré tout l’espoir ? Certainement, mais il y a des moments où on a presque honte d’être homme et où l’on ne sait plus quoi dire. Et j’avais envie de me taire pour une fois et d’attendre quelques jours avant de reprendre mon blog, pour écouter en profondeur la souffrance de tous ces amis qui n’en peuvent plus.

    Mais voilà qu’on me demande de faire une surprise à Janine pour ses 90 ans lundi prochain. Alors j’ai mis ensemble tous mes sentiments contradictoires, toute cette confusion qui commençait à traverser mon esprit et mon cœur et j’ai décidé de vous parler cette fois-ci de Janine… et vous allez comprendre pourquoi…

    Quand je suis arrivé au Liban, tout jeune, il y a presque 50 ans, mes amis m’ont presque tout de suite fait connaître Janine, avec sa compagne Souad et son institut pour enfants sourds (l’IRAP, institut de rééducation audio-phonétique). C’est que lorsque mes amis sont arrivés au Liban en 1969, un an et demi avant moi, pour donner leur vie pour le peuple libanais, à la demande des Libanais eux-mêmes, Janine les a tout de suite accueillis de tout son cœur et leur a fait sentir que le Liban est une famille avant même d’être un pays. Et Janine ne nous a plus quittés.

    Elle est tellement entrée en symbiose avec nous et nos projets, qu’on aurait dit l’histoire de l’œuf et de la poule : on ne sait plus jamais qui a commencé le premier. Quand nous étions fatigués, Janine nous invitait à nous reposer à l’IRAP, même si alors elle n’avait pas encore tellement de moyens. Et elle ouvrait toujours toutes ses portes et son temps, en te faisant sentir unique au monde.

    Quand nous ne savions pas où nous réunir, il y avait les salons de l’IRAP qui étaient notre berceau. Puis elle nous faisait connaître ses amis, toutes ces personnes en particulier qui s’étaient consacrées comme elle et Souad au service des malades, des handicapés, des plus démunis. Quand la guerre est arrivée, à peine quelques années plus tard, et que nous avons dû quitter parfois Beyrouth en catastrophe, Janine nous invitait à nous réfugier chez elle. Nous étions comme des sardines, les uns presque sur les autres, dans tous les angles de la maison, là au moins où on pouvait être à peu près à l’abri des éclats d’obus, loin des fenêtres, mais toujours de façon digne, presque confortable, dans la paix d’une confusion qui se transformait en harmonie.

    Et tout cela au milieu de ces enfants qui n’entendaient pas et qui entraient dans le jeu, comme Janine et Souad. Jamais je n’ai connu comme cela des enfants qui auraient pu avoir peur de la vie ou des relations avec les autres à cause de leur handicap, et qui étaient les premiers à sourire, à te donner courage, avec ce regard brillant qui exprimait tout cet enthousiasme de l’enfance ou de la jeunesse, à travers les gestes ou les yeux, là où les paroles n’arrivaient pas.

    On aurait dit une ruche d’abeilles, un orchestre symphonique en plein concert, une mosaïque merveilleuse, un puzzle où tous les morceaux s’imbriquaient harmonieusement les uns dans les autres. Et au milieu de tout ça la baguette magique du chef d’orchestre parfois visible, parfois discrète, toujours présente, toujours proche, toujours rassurante. Cette personne qui n’était plus toute jeune et qui dormait au milieu de ces enfants tout de même parfois turbulents, avec juste une petite chambre de deux ou trois mètres carrés pour s’y reposer de temps en temps. Mais nous, nous ne la voyions jamais se reposer.

    Et puis cette ouverture perpétuelle sur le monde, sur les souffrances des autres, comme si ne suffisaient pas celles des enfants de l’IRAP, où chacun avait sans doute déjà son petit drame personnel. Et là encore on ne savait plus si c’était Janine qui nous entraînait à nous ouvrir au dehors ou nous qui la poussions. Ces enfants orphelins qui venaient de voir leurs parents massacrés devant eux et qui allaient devenir pour toujours les enfants de Janine, Souad et Thérèse, qui s’étaient jointe à elles…

    Ces réfugiés du sud du pays qui arrivaient sur les trottoirs au bord de la mer, en ayant tout perdu, et que nous allions ensemble accompagner dans de nouveaux quartiers en inventant en même temps pour eux garderie pour les enfants, atelier de couture pour les dames, dispensaire pour les malades, activités pour les jeunes… Le principe de Janine, c’était, et c’est toujours, de mettre ensemble les gens et de leur faire partager leurs talents et on arrive à des résultats surprenants.

    Janine est un génie de l’imagination au service des autres. L’imagination de créer toujours de nouvelles activités pour produire, pour vendre par exemple des douceurs, des plats cuisinés, des objets décoratifs pour la maison, etc. pour que l’IRAP puisse continuer à recevoir des enfants, souvent de familles dans le besoin qui n’ont pas de quoi payer leurs études ou leur séjour à l’IRAP, et pour payer toute cette ruche d’experts, d’éducateurs, de collaborateurs de toutes sortes qui tournent autour de l’IRAP. C’est que Janine sait mettre chacun en valeur et tout le monde a soudain envie de donner sa vie, comme Nicole qui a tout quitté à son tour pour l’IRAP, parce que c’est tellement beau de le faire quand il y a une telle compréhension d’amour réciproque autour de soi.

    Mais inutile d’allonger ici la liste pour ne pas devenir trop long. Pourquoi avoir écrit tout cela ? Pour dire simplement que nous admirons Janine ? Ce serait la mettre sur un piédestal qui lui ferait du mal, car Janine est trop proche des gens et ce qu’elle fait de bien ou de positif, elle ne le fait jamais toute seul. Alors pour dire que nous l’aimons beaucoup ? Certainement. Mais pour dire surtout aujourd’hui, après toutes ces années de belles aventures ensemble, que Janine n’est pas seulement Janine. D’abord, il y a bien d’autres « Janine » dans ce pays, quand on sait regarder un peu autour de nous…

    Et puis Janine n’est pas née toute seule. Elle ne vient pas comme cela de je ne sais quel néant ou quel hasard. Elle est le fruit d’un peuple qui s’est construit dans la fidélité et les épreuves au fil des siècles. Elle est le fruit d’une famille (elle avait d’ailleurs une mère exceptionnelle), elle est le fruit de traditions, de l’âme d’un peuple solidaire, généreux et accueillant. Janine est pour nous un symbole. Elle est la preuve que l’âme libanaise ne mourra jamais. Car il y a des gens comme elle qui savent aller au fond d’eux-mêmes et de leur mission au service de l’humanité, sans retourner jamais en arrière, sans jamais se plaindre, sans juger les autres, comme si de rien n’était et comme si cet amour universel était la chose la plus naturelle de ce monde. Tant que le Liban donnera des fruits de ce genre, il ne risque pas de mourir. Et c’est bien de s’en souvenir au milieu de la crise terrible que nous traversons depuis quelques temps.


    2 commentaires
  • Pendant que vous lisez cet article, au moment où il paraît dans mon blog (comme je l’ai programmé à l’avance), moi je suis dans l’avion pour Beyrouth. Quand mon retour a été finalement confirmé après des mois de confinement et d’aventures (de belles aventures) en France, j’ai été envahi par une grande émotion.

    Ce n’est pas rien de pouvoir retrouver ce pays que j’aime tellement, le pays où j’ai passé et donné le plus grand nombre d’années de ma vie, jusqu’à maintenant. Mais en même temps de savoir que mon cher Liban et tous les gens que j’aime là-bas et qui m’aiment, passent peut-être la plus terrible crise de toute leur existence…

    Alors qu’est-ce que je viens faire au Liban ? Ajouter ma peur, mon angoisse, mon impuissance à celle des autres ? Ce ne serait pas tellement la peine de venir… Mais non, si Dieu me donne encore cette chance d’être au milieu de ma famille libanaise, c’est qu’il doit y avoir une raison, un but à découvrir.

    Et je crois que j’en ai déjà trouvé deux, de buts tellement évidents. Le premier, c’est que nous avons maintenant au Liban une occasion unique de prouver à tout le monde que notre idéal, celui de l’Evangile vécu avec Jésus au milieu de nous, est capable de marcher même dans les situations les plus impossibles. Si Chiara a tout commencé pendant la guerre mondiale, si au Liban notre famille des Focolari a vraiment trouvé sa plus forte expansion pendant la guerre qui a duré 16 ans, c’est bien qu’il doit y avoir un secret qui nous échappe et que Dieu veut donner au monde. Alors, à nous de le découvrir ou de le redécouvrir ensemble.

    Et quand je parle d’idéal, il s’agit bien d’un idéal, c’est-à-dire d’une idée divine partie de Dieu pour s’incarner sur la terre, pas d’une vague idée humaine, utopique et dans les nuages, qui ne sert finalement qu’à ajouter de fausses espérances à l’obscurité qui nous entoure. Et notre idéal est tellement concret, parce qu’il est celui d’un Dieu en chair et en os qui a donné sa vie pour nous et que nous pouvons toucher, voir et écouter en chacun de nos frères et de nos sœurs qui partagent avec nous ces moments si difficiles. Mon idéal, notre idéal, c’est Georges qui cherche un travail depuis trois ans et qui ne sait plus où donner de la tête, c’est Liliane qui vient de perdre sa maman après plus d’une année de grandes souffrances, ce sont ceux parmi nous qui ont des malades dans leur famille ou qui ont eux-mêmes de grands ennuis de santé. Notre idéal ce sont ceux qui ont peur pour l’avenir de leurs enfants, ceux qui n’ont plus d’argent pour acheter à manger… et chacun de nous peut continuer cette liste sans fin.

    Et pour que cet idéal se concrétise, nous allons nous adresser à la banque de Dieu. Puisque les banques de ce monde sont en faillite, il ne nous reste plus que la banque de Dieu et de son centuple. Jésus a promis le centuple à tous ceux qui quittaient tout pour lui. Vous imaginez ce que cela veut dire : le centuple en frères et sœurs, en maisons, en biens de toutes sortes, avec la paix intérieure en prime. Alors que les banques de ce monde nous donnent un petit intérêt bien minime… quand elles marchent.

    Je sais que chacun de nous en ce moment, quand il se regarde ou qu’il regarde sa famille dont il se sent responsable, est pris d’une panique qui ne peut plus guérir et on ne voit même pas de solution valable à l’horizon. Mais si, maintenant, chacun de nous, par un acte héroïque, se met à aider ceux qui sont dans une situation encore plus catastrophique que la sienne. Si les pauvres aident les pauvres. Si chacun de nous qui a cent amis sincères autour de lui (et dans nos Mariapoli nous sommes bien plus que cent) se met à donner son temps, ses forces, son imagination pour résoudre les problèmes de ces cent amis… il va se passer un miracle. Au lieu que chacun se sente perdu tout seul avec des problèmes insolubles, chacun va voir soudain ces cent amis s’occuper de lui et trouver des solutions inimaginables. C’est comme ça que la providence de Dieu travaille sur cette terre… mais il faut lui donner le temps et l’espace de travailler…

    Et comme je sais que toutes ces belles pensées qui me traversent l’esprit et le cœur sont en fait déjà des réalités en marche parmi tous ces amis qui m’attendent, comme ils n’ont pas arrêté de me le raconter ces derniers temps, par mail, par WhatsApp, par Facebook, et toutes ces nouvelles positives qui circulent de tous les côtés, je suis sûr que notre bataille est déjà gagnée d’avance, même si elle est peut-être la bataille la plus grande que nous ayons jamais connue. Et le jour où chacun de nous quittera cette terre, il ne restera plus que la joie d’avoir réussi tous ensemble à redonner un peu d’espoir et de bonheur à ceux que nous aurons rencontrés. Ce jour-là, les problèmes ne compteront plus et seul l’amour entre nous et autour de nous aura pris son sens définitif !


    4 commentaires
  • Vous voyez comme moi que le verbe « accepter » est un verbe extraordinaire, capable de changer la vie ? Nous aurions pu en parler dans la rubrique « Au cœur du verbe », ou dans « Au bout de soi-même », ou dans « Passepartout », comme une nouvelle clé pour le bonheur… Mais j’ai pensé nous pencher dessus rien moins que dans la rubrique « Reflets du paradis ». Car je pense que « accepter » est le complément naturel à « accueillir » et « donner » ou « se donner », que nous avons définis comme les deux visages de l’être ou de l’amour.

    Si je veux accueillir Dieu de tout mon cœur, mon esprit et mes forces, et me donner tout entier à Jésus présent dans le prochain, je dois en même temps accepter Dieu et ce prochain de tout mon cœur. Car accepter est à la fois le symbole de ma liberté, de ma dignité et de tout ce qui fait ma personnalité.

    Si je veux être moi-même et prendre en mains ma vie, mes activités, mes projets, mes relations, je dois le faire en toute conscience, en y mettant toute ma volonté, mon accord, ma décision mûrie et réfléchie. Sinon je serais comme une simple feuille morte emportée et traînée par le vent du hasard des circonstances.

    Accepter un évènement, une situation joyeuse ou douloureuse, c’est les regarder en face, les saisir, les affronter, au lieu de les subir passivement comme une fatalité qui nous est imposée de l’extérieur. On accepte de se battre pour un idéal désiré de tout son être, pour les gens qu’on aime et pour ceux qui souffrent. On peut accepter aussi de refuser telle ou telle situation d’injustice, de discrimination, comme une bataille constante au service de l’humanité.

    Quand on accepte ce que l’on fait, que ce soit beau ou difficile, ou peut-être les deux en même temps, c’est qu’on est maître de sa vie et de ses réactions. Quand on accepte l’autre ou les évènements tels qu’ils se présentent à nous, sans préjugés, sans peur, sans se plaindre toute la journée parce que les personnes, les situations et les choses ne sont pas comme nous l’aurions désiré, alors tout change. Nous ne vivons plus avec des « si », des conditions que nous voudrions imposer à la réalité, au lieu justement de la prendre au départ comme elle se présente. Accepter le présent par exemple, sans le comparer continuellement au passé ou à un futur irréel que nous nous sommes construit, c’est regarder positivement la vie, ses joies et ses problèmes.

    Et accepter, c’est peut-être surtout apprendre à s’accepter soi-même. Et cela est une des plus belles clés pour le bonheur. Mais attention, il ne s’agit pas nous accepter avec résignation, en nous subissant nous-mêmes, tristes d’être ce que nous sommes, comme une fatalité que nous aurions tellement rêvée autrement. Non, nous accepter, c’est avoir la simplicité, le courage, la patience, la confiance de nous regarder tels que nous sommes sans nous agiter. Et gérer notre vie comme elle se présente, avec la paix dans la cœur. La paix de savoir que certaines choses en nous ne changeront jamais, comme la situation de certains handicapés à vie qui nous donnent souvent de grandes leçons d’humanité. Mais la paix aussi d’affronter nos problèmes avec réalisme et bonne volonté, en découvrant souvent que bien des obstacles peuvent être corrigés ou même éliminés complètement en route.

    Et plus je m’accepte moi-même, plus je suis capable d’accepter les autres. Avec le miracle ou le centuple de voir que nos relations deviennent de plus en plus belles. Car accepter l’autre, c’est l’inviter, sans même le lui dire, à m’accepter à son tour dans la plus parfaite réciprocité, à l’image de la vie qui court au paradis. Car accepter, c’est d’abord accepter de lier chacune de nos journées, pour toujours, à la dynamique de l’accueil et du don qui se joue au cœur de la Trinité. Accepter, c’est sortir de soi pour entrer dans l’amour de Dieu et le laisser pénétrer en nous. La vie devient alors réellement une belle aventure…


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique